Elle marche d’un pas vif, le regard fixant le lointain, sans ciller. Les gens s’écartent légèrement à son passage, instinctivement. Pas besoin de mot, pas besoin de regard. Elle est de ces personnes froides et distantes qui imposent leur volonté par leur simple présence.
Pas une seconde d’attention pour ce qui l’entoure, non. Elle se contente d’avancer. Elle ne s’émerveille pas devant les milles et une lumières qui éclairent la capitale en ces jours de fête. Elle se fiche de toute cette magie qui l’entoure, de ces enfants émerveillés qui croient voir un gros bonhomme rouge à chaque coin de rue, de toute cette aura de bonne humeur. Rien ne l’atteint. Juste le froid glacial de l’hiver.
Elle s’arrête au bord du trottoir et attend le signal pour traverser, resserrant le col de son long manteau, tandis que la neige recouvre lentement ses longs cheveux sombres d’un manteau laiteux. Vert, elle se remet en route. Les couleurs criardes des paquets achetés au dernier moment agressent ses yeux et elle les ignore, accélérant le pas.
Poussant la porte de son immeuble, elle s’arrête et ferme les yeux un instant.
Elle déteste décembre. Si froid, si agité. Tout scintille, s’illumine, tape à l’œil. Si futile…
Et tous ces gens heureux et souriants agglutinés dans les rues, débordant de bons sentiments et de mièvrerie…Lui renvoyant à la figure le vide de sa propre existence.
Lorsqu’elle rouvre les yeux, son masque de froideur et d’impassibilité est tombé, dévoilant une jeune femme fatiguée et perdue dans un monde où elle ne trouve pas sa place.
Elle monte les marches, lentement. Elle n’est plus pressée, maintenant. Elle n’a plus rien à fuir. Ses talons claquent et leur bruit résonne dans la cage d’escalier silencieuse. Arrivée devant son appartement, elle farfouille dans son sac de luxe pour chercher ses clés. Elle prend son temps. Rien ni personne ne l’attendent, dans ce grand appartement.
Enfant, elle avait rêvé, comme toutes les petites filles. Elle avait rêvé d’amour, de beauté, de richesse et de bonheur. Et au final, elle avait tout sacrifié pour un seul rêve.
Et ce n’est que maintenant qu’elle se rendait compte à quel point elle avait eu tord, alors qu’elle se retrouvait désespérément seule, en cette période de réjouissances et de retrouvailles…
Un grincement de porte se fait entendre Infime, mais suffisant pour la faire sursauter et lâcher son sac et ses dossiers.
Retenant un soupir, elle se baisse et rassemble les feuillets éparpillés. Mais elle s’interrompt lorsque l’on s’agenouille à ses côtés et commence à l’aider. Relevant les yeux, elle croise un regard clair et malicieux, à moitié dissimulé sous une tignasse blonde.
- Alors c’est vous, la voisine…Assez différente du terrifiant dragon que le concierge m’avait décrit.
Sa voix est chaleureuse et légèrement grave.
Elle baisse de nouveau les yeux. Pourquoi devait-elle se retrouver à cet instant face à son opposé le plus complet ?
- laissez, je m’en occupe, murmure-t-elle, plus froidement qu’elle ne l’aurait voulu. Vous devez être attendu.
C’était le soir de Noël, après tout. Un homme comme lui était de ceux qui passaient la soirée entouré d’ami et de bonne humeur.
Il rit.
- pas vraiment, non ! Sauf peut-être par une tranche de foie gras et une part de bûche…
Elle releva les yeux et haussa un sourcil. Rien sur le visage souriant de son étrange voisin ne semblait indiquer qu’il mentait. Elle hésita un instant. Une infime seconde où lui revinrent en mémoire les visages plein de vie qu’elle venait de croiser dans la rue. Un infime sourire s’esquissa sur son visage. Discret, presqu’invisible. Mais pourtant bien là.
- Tiens donc. Je me sentirai moins stupide, seule devant ma flûte de champagne et mes petits fours.
Il lui sourit.
- je me disais bien qu’il me manquait l’apéro !
Une douce chaleur s’insinua dans son cœur de glace. Peut-être allait-elle finir par y croire, à la magie de Noël…