Nom d’un gnome ! En voilà des changements. Pour sa septième année d’étude, doublée de surcroît par la force des choses, Angel pestait et râlait ferme. Le ministère devenait fou ou quoi ? Les directeurs se succédaient à la tête de Poudlard, plus idiots les uns que les autres. Qu’était devenue Mrs McGonagall ? Nul ne le savait, c’était déplorable.
Tout partait en eau de boudin dans ce collège encore prestigieux il y a peu.
Nouvelle lubie du directeur actuel : renforcement de l’activité des elfes domestiques.
Déjà qu’ils se tapaient le ménage et la cuisine, ne voilà-t-il pas qu’on leur sommait d’entretenir les jardins et le parc ? D’accord, ils étaient une centaine mais de là à exiger ces corvées supplémentaires…
De longue date, Angel avait milité pour la SALE : Société d'Aide à la Libération des Elfes, créée par son aînée Hermione Granger. Peu d’échos avaient répondu à son appel et malgré les multiples bonnets et écharpes tricotés de ses propres mains et répandus partout dans la salle commune, peu d’elfes furent libérés.
Ces gentils esclaves s’usaient nuit et jour aux tâches subalternes. La dernière en date qui fut réclamée ulcéra véritablement Angel. Elle reçut la nouvelle dans la grande salle lors du petit déjeuner. Le croissant qu’elle dégustait faillit lui bloquer le gosier :
Quoi ? s’étrangla-t-elle. Les elfes vont devoir tondre les pelouses en une journée, sans magie ? Même un Titan n’y arriverait pas ! Vous imaginez les heures à y consacrer ? Il y en a pour des… hectares, si je ne m’abuse.
La cantonade à laquelle elle s’adressait ne sembla que peu impressionnée par l’ampleur de la tâche requise. S’ils voulaient y réfléchir, ils auraient compris. Essentiels ailleurs qu’aux labeurs ordinaires, les elfes devraient fatalement négliger leurs autres occupations. Autrement dit, les lits ne seraient pas faits, la lessive non plus, les repas laisseraient à désirer. Sans compter que, tels qu’elle les connaissait, ces dévoués serviteurs se saigneraient à blanc afin que tout soit nickel quand même.
On ne peut pas tolérer ça ! Si vous vous en fichez, tant pis pour vous. Si demain au lieu de ces viennoiseries, chocolat et fruits vous n’obtenez que de la bouillie d’avoine, ne vous plaignez pas !
Oui, quand Miss Grisham enfourchait un dada, ce n’était pas de la rigolade. Elle se donnait à fond dans son parcours épique( hippique?) et cette fois encore elle ne dérogerait pas à son objectif.
Sans aide, les elfes négligeraient leurs autres activités et tous en pâtiraient, eux les premiers.
Aussi, dès le petit déjeuner avalé, elle cavala jusqu’aux cuisines. Depuis le temps, elle connaissait le rituel du chatouillis de la grosse poire du tableau grâce auquel on accédait au domaine des elfes. Quel endroit magnifique ! Mieux qu’une ruche, ça bourdonnait partout entre les fourneaux et les tables identiques à celle de l’étage du dessus.
Immédiatement, ils furent une dizaine à vouloir lui accorder ses suppliques. Désirait-elle d’autre beignets ? Du thé ? Autre chose ?
Je viens seulement pour vous aider… au jardinage imposé. C’est pas juste ce qu’on vous demande en plus de tout ce que vous faites déjà.
Cette réaction, elle ne l’attendait pas. Au lieu d’accepter avec joie, les elfes se rebiffèrent.
Les uns prétendirent que c’était un honneur d’œuvrer davantage, d’autres affirmèrent qu’ils seraient avilis s’ils étaient aidés. La pauvre Angel en fut très retournée. Ils refusaient d’être secondés ? Ben ça, elle ne l’aurait pas cru.
Dépitée, elle vida les lieux ses poches bourrées de bonbons et gâteaux que tinrent à lui offrir les elfes malgré ses protestations.
La journée et une partie de la nuit passèrent en cogitation. Le problème était de taille : comment aider les elfes malgré eux ? La solution lui vint après des heures d’insomnies.
La lune brillait toujours, tous dormiraient encore longtemps.
En douce, Miss Grisham se vêtit et descendit de sa tour vers les jardins. D’abord, elle avait pensé à faire intervenir une escouade de tondeuses à gazon moldues et les animer magiquement mais leur bruit aurait réveillé tout le château même en lançant des assurdiato à tout va.
Il ne restait qu’une seule solution. Brandissant sa baguette vers le sol, elle lança :
Pellare !
Ce sortilège, elle l’avait appris aux cours de cuisine. Ça pelait les légumes, pourquoi pas la pelouse ? Effectivement, cela fonctionna. Plus le geste possédait d’ampleur, plus de mètres carrés se rasaient d'un coup. Il suffisait d’ajouter un sortilège venteux pour que les brins coupés s’envolent ailleurs.
Graduellement, Angel avança dans l’obscurité. Elle y passa son reste de nuit jusqu’à l’aube, veillant à ne négliger aucun espace herbeux. Ereintée, elle remonta se coucher avec l’esprit en paix du devoir accompli.
Au déjeuner, elle attaqua gaillardement les crêpes au sucre proposées. La cuisine n’avait pas souffert de privation, la Serdaigle bien que crevée était heureuse d'avoir soulagé les domestiques. Elle mastiquait joyeusement quand une remarque fusa :
Il semblerait qu’un imbécile a ravagé le potager cette nuit ! Il n’y a plus un brin d’herbe à tondre dans le parc mais il va falloir replanter l’ensemble du coin légumes. Les elfes vont encore devoir s’y coller.
* Pas eux, moi !*
Voilà ce que c'est de mettre trop de coeur à l'ouvrage.
Si certains se demandèrent la raison des larmes d’Angel, elle, elle savait.