Combien d’années s’étaient écoulées depuis qu’Aelys avait prit le train, dans l’autre sens, de l’Angleterre vers la France ? Depuis combien de temps déjà n’avait-elle pas respiré l’air Londonien ? Depuis combien de temps vivait-elle à Paris ? 2 ans. Peut-être trois. Depuis combien de temps l’avait-elle quitté, sans rien dire, pétrifiée à l’idée même de partir si loin de lui ? Le même temps. Et la Française avait souffert. Connaître sa mère n’avait en rien rétrécit la douleur sourde qui prenait son cœur quand elle voyait un couple, et la douceur de sa génitrice avec qui elle n’avait aucun point commun n’avait en rien remplacé tout ce qu’elle avait pût vivre en si peu de temps avec lui. Et vous pourrez me dire, qui est ce lui. Allons, faite un effort. Un rouquin. Un Weasley, donc. Celui de son âge. Ron.

Oui, cela faisait trois ans. Et elle n’avait jamais écrit. Au mieux une lettre, au début. Etrange, absurde, n’est-ce pas ? La peur de lui faire miroiter l’espoir qu’elle puisse un jour revenir, ce qui aurait pût s’avérer être faux. La peur qu’il n’aille pas voir ailleurs, qu’il ne se trouve pas quelqu’un pour la remplacer. Absurde, oui. Totalement absurde. Elle, de son côté, n’en avait rien fait. Elle avait suivit des cours pendant ces années, se faisant de nouveau peu à peu à la société française, réapprenant des choses qu’elle avait oublié, mais vivant dans la nostalgie de cette année à Poudlard. Beauxbattons ne lui semblait plus si beaux, si intriguant. Tout y était fade, et ils n’étaient que peu impliqués dans la guerre qui se déroulait de l’autre côté de la Mer. Elle avait donc réussit son rêve, à défaut de pouvoir revenir plus vite : elle était devenue auror. De même, elle avait prévu de revenir sitôt sa formation achevée .. mais voilà. Le Ministère anglais avait commencé sa traque sanglante à laquelle elle n’avait voulu être mêlée. Un ans ça avait duré. Une année passée à ruminer tout ça, à compter les jours, à espérer.

Et puis, le choc. Il n’était pas mort. Enfin, si. Mais non. Incroyable. Pourtant, l’ancienne Serpentard était sûre et certaine de l’avoir vu mourir devant ses yeux, alors qu’elle gisait pétrifiée sur le sol. Elle l’avait vu, par Merlin ! Et pourtant, il était là. Vivant. Il avait remit du plat dans le Ministère, sans même avoir l’air d’y toucher, et enfin, enfin, elle avait caressé l’espoir de revenir en Angleterre.

Les adieux avec sa mère n’avait guère était dur, et une fois dans le train qui cette fois ci prenait enfin une direction acceptable – soit France vers Angleterre -, elle s’était autorisée un petit sourire. Pour disons .. une journée, elle irait à la demeure des Blacks. Rémus l’y avait autorisé. Et elle trouverait un appart, un studio, n’importe quoi, pour se ré-installer dans ce fabuleux pays.


Bonheur, quand elle toucha les pavés Londonien, ne transplanant même pas mais profitant de l’air frais, sec, deux jours après Noël. Après un voyage à pied, traînant une valise derrière elle avec un sourire impensable, elle parvint enfin chez les Blacks. Rapidement, elle y entra, une foule de souvenirs remontant à son esprit, réussissant presque à la faire chanceler. Merlin !

Non, Aelys n’avait pas changé. Elle restait timide, douce, trop parfois même, derrière ses airs souriant. Alors quand elle s’avança, abandonnant sa valise à l’entrée et effleurant machinalement sa baguette de sa main, l’Auror ne pût s’empêcher de frémir. Un bruit dans la cuisine attira son attention. Lentement toujours, elle ouvrit la porte, tout en s’annonçant d’une voix claire, de cette voix qui avait reprit un superbe accent Français.

« Y’a quelqu’un ? »

Pendant quelques secondes, elle chercha des yeux, sans s’apercevoir que quelqu’un était bel et bien déjà dans la pièce ..

Le calme était enfin revenu dans la maison des Black. Il y avait quelques jours encore, Ron et les autres se battaient contre des Aurors du Ministère, mais le combat avait été interrompu de manière inattendue. Harry en était la cause. Et il était reparti. La rage avait envahi le jeune rouquin, et cela n'était pas courant. Mais là, il ne pouvait pas croire que son ami avait encore pu leur fausser compagnie, repartir comme si de rien n'était. Et il n'avait personne avec qui parler de ses états d'âmes, Hermione étant occupée de son côté, et les autres n'étant pas des plus compréhensifs. Une seule autre personne aurait pu le comprendre, mais elle aussi était partie. Et il n'avait eu aucune nouvelle, tout comme avec Harry. Il ne voulait pas faire le rapprochement, mais c'était quand même troublant. Il avait l'impression d'être abandonné de toutes parts. Ses parents, morts. Ses frères qui vivaient leur vie. Hermione en vadrouille, toujours en vadrouille. Harry, il ne voulait pas y repenser, cela l'aurait encore plus mis en colère. Et d'autres, qui n'étaient pas restés. Seule Luna était toujours là, mais elle, ce n'était pas comme si elle écoutait vraiment, puis en ce moment, elle avait d'autre préoccupations. Il n'allait pas l'embêter avec ses petits problèmes alors que son père était mort.

Alors pour évacuer sa peine, il ne voyait qu'une solution. Dévaliser le frigo Il sortit donc de sa chambre où il avait ruminer pendant des heures, pour descendre dans la cuisine. Il s'aperçut à ce moment-là qu'il était seul dans le manoir, surement que les autres avaient d'autres choses à faire. Tant mieux, il n'avait pas envie qu'on le voit. Il arriva donc dans la cuisine, et ouvrit le frigo, en prenant tout ce qu'il trouvait de comestible. Les placards aussi étaient remplis de bonbons, chocolats. Il déposa tout ça sur la table, et commença à se goinfrer comme seul lui pouvait le faire. Sa mère s'était d'ailleurs toujours demandé comment il faisait pour manger autant sans grossir à vue d'oeil. Bah, il avait surement un métabolisme différent, et heureusement pour lui, car sinon il aurait vite ressemblé à Crabe et Goyle, ce qui aurait été l'horreur absolue pour lui. Il s'apprêtait à ouvrir un paquet de chocogrenouilles, quand il entendit un bruit venant de l'entrée. Bof, surement un des membres de l'Ordre. Il entendit des pas s'approcher, et la porte qui s'ouvrit.

//Y’a quelqu’un ? lança la voix en entrant dans la pièce.

Cette voix donc, si familière. Et cet accent aussi. Non ce n'était pas possible. Puis quand il se dit qu'il devait rêver, il vit une silhouette passer le pas de la porte. Là il commençait sérieusement à devenir nerveux. Que pouvait-il faire ? Quoi dire ? C'était si soudain !

- Je...je suis là, bégaya-t-il, sans penser aux bonbons toujours dans sa main gauche.

Ces jours-ci il allait de surprise en surprise.

Ne remarquant pas de suite le rouquin qui était à moitié dans l’ombre et s’y tenait silencieux, elle passa le pas de la porte. Ses yeux s’étaient brumés d’une lueur inquiète, nerveuse, alors qu’elle se demandait bien qui pouvait être là. C’était sans aucun doute un membre de l’Ordre, oui, mais elle ne pouvait s’empêcher une nouvelle fois de ressentir une boule au ventre tant de fois ressentit ces deux ou trois dernières années, passées loin d’ici. Comme si elle n’était pas à sa place.

Et une voix s’éleva. Au début, elle n’y crut pas. C’était impossible qu’il soit là. Pas aussi vite. Pas aussi brutalement. Mais pourtant, elle connaissait ces intonations, elle savait parfaitement à qui elles appartenaient. Le rouquin. Son rouquin. Qui ne l’était peut-être plus, d’ailleurs. Ron. Lentement, elle pivota pour enfin s’apercevoir. Ses yeux se mirent à briller, les larmes s’y installant sans qu’elle ne puisse les retenir. Merlin, elle n’allait pas se mettre à pleurer devant lui comme si ce n’était pas elle qui était partie !
Mais elle ne s’était pas attendue à ce que les émotions soient si fortes, et puis elle ne s’était pas attendue à ce qu’il soit là. Elle n’avait même pas imaginé qu’elle puisse le revoir si vite. Serrant brutalement la mâchoire pour que les petites perles translucides ne se mettent pas à dégringoler ses joues, Aelys le détailla une courte secondes des yeux. C’était bien lui.

Et sans même se dire une seule seconde qu’il pouvait avoir trouvé une copine, sans même se rendre compte qu’il pouvait s’étonner de la voir débarquer sans prévenir, sans même imaginer qu’il pouvait la repousser, elle se mit à marcher vers lui. Son cerveau s’était déconnecté, et quelques pas après, l’ancienne Serpentard se précipitait sur lui, l’étreignant quelques secondes. Et soudainement, elle se rendit compte de ce qu’elle faisait, sûrement à l’instant même où son cœur sembla se remettre en action, où ses entrailles retrouvèrent leurs places, alourdies par un poids étrange.

Elle recula aussitôt, passant nerveusement une main sur son visage pour en chasser les larmes qui avaient réussit à percer de ses paupières closes.
« Désolée. »
Secouant légèrement la tête, repoussant les longues mèches qui s’étaient invités devant son visage, Aelys rouvrit alors les yeux. Il n’était là, qu’à quarante centimètres, mais ça lui semblait soudainement un fossé, une distance infranchissable, alors que quelques secondes auparavant trois longs mètres lui avaient semblé minuscules.

« Désolée » répéta-t-elle. De quoi s’excusait-elle ? De s’être jetée sur lui ? De ne pas lui avoir donné de nouvelles ? D’être revenue d’une façon si impromptue ? Ou d’être partie ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Et évitait, pour l’occasion, soigneusement le regard du rouquin, préférant observer ses cheveux roux et les éclats qui s’y glissaient.

« Mais que … Que fais-tu là ? »
Comment ça, c’était plus à lui de demander une telle question ? Oui, bon, d’accord, elle abusait un peu là. C’était la maison des Blacks, le QG de l’Ordre, et il avait bel et bien le droit d’y être, n’est-ce pas ?

La réponse fusa, cinglante, et résonna dans le silence de plomb qui s’était alors abattu sur la pièce. Aelys s’y était attendue. Elle n’espérait même rien d’autre. L’entendre rageur lui permettrait de faire le vide, de tirer un trait sur ce passé ambigu. D’oublier, en quelques sortes, ce qu’ils avaient pût vivre autant de temps auparavant. C’était sans doute bien mieux. Le passé était le passé, n’est-ce pas ? Malgré tout, cette phrase résonna sans signification dans l’esprit de la jeune Auror. Oui, elle ne voulait réellement rien dire, ou plutôt ne correspondait pas à la situation présente.
Dans tout les cas, elle ne pouvait lui en vouloir de parler sèchement. Une bonne douche froide, quoi de mieux ? Et elle l’avait cherché. Qui était parti, laissant l’autre, l’abandonnant presque ? Il s’appliqua d’ailleurs à le lui faire remarquer, alors qu’elle n’osait croiser son regard. Cette pique réussit à lui arracher tout de même un sourire amer. Il avait tellement raison … même si elle ne comprenait pas réellement ce qu’il voulait dire. Certes, elle l’avait lâcher subitement ; pourquoi cependant l’utilisation du ‘on’ ? Une lueur curieuse, étonnée, s’inscrivît dans le fond de ses yeux et elle se risqua enfin à relever ses deux perles turquoises. Lui gardait les deux siennes, d’un vert brillant, fixées sur ses chaussures. Comme autrefois, comme une réminiscence de cette timidité qui l’avait habité, auparavant. Un éclat amer s’immisça sur son visage, et elle laissa retomber ses yeux avant de soupirer lentement, profondément. Avouer la vérité : il n’y avait que ça à faire. Mentir n’apporterait rien de bon, elle le savait instinctivement. Et il fallait qu’elle s’occupe. Ne pas penser à sa douleur. Ne pas penser aux dures heures qu’il avait dût endurer, seul. Une vague de regret s’échoua sur son cœur, et elle s’obligea à la repousser au loin. Ne pas réfléchir.
Un peu plus vivement qu’elle ne le voulait, Aelys recula jusqu’à un fauteuil, et s’y laissa glisser.

« T’as pas à être désolé. » murmura-t-elle sincèrement. Elle l’était assez pour deux. Se mordillant la lèvre, Aelys ne reprit que quelques secondes après.
« Je sais bien que ça excusera rien. J’ai rencontré ma mère, enfin …. Elle m’a retrouvé. Et puis, voilà »
Excuse non acceptable, elle le savait. Mais comment lui expliquer, comment lui faire comprendre qu’elle avait décidé de couper les ponts pour lui éviter de souffrir ? Et puis, qui lui disait que ça avait été vraiment le cas ? Un soupir s’échappa un nouvelle fois de ses lèvres pourtant closes.

« Et puis, tu sais ce qui est arrivé ici. La guerre qui reprenait, la réplique sanglante du Ministère » A ce stade, une moue blasée et dégoutée s’inscrivit sur son minois.
« Je n’ai pas pu revenir. Pas aussi vite que ce que j’aurais voulu, du moins. Et puis …. Me voilà. »
Un peu vaseux, tout ça. Trop, sûrement, flou et imprécis. Pourquoi s’attarder sur un passé qu’elle regrettait déjà ? Rencontrer sa mère ne l’avait avancée à rien. Chassant rapidement ces idées, elle se décida enfin à relever le visage, une partie d’elle – sûrement une partie qu’elle ne se connaissait pas, et qui se complaignait dans la douleur – espérant vaguement qu’elle pourrait s’accrocher à son regard.

« Dur à comprendre, n’est-ce pas ? »
Et sûrement à croire. Un léger sourire contrit réussit tout de même à percer sur son visage, égayant un peu ses traits d’une pâle lueur.
Soudainement, la question qui lui titillait l’esprit – mais combien d’autres s’y pressaient aussi ? – s’imposa sur ses lèvres. Parler des autres était toujours plus simple. Elle chuchota alors.
« Qui … qui d’autres t’a abandonné ? »