Ravie, enchantée, Angel avait vu le cachot blinquer d’une propreté jamais égalée. Elle se sentait aux anges en constatant la validité de ses efforts. Assez fatiguée, elle remercia les elfes et fit demi-tour. A peine trois mètres plus loin, un cri étranglé retentit dans son dos. Que se passait-il ?
Faisant marche arrière à toute vitesse, elle contempla l’ampleur des dégâts. A croire qu’elle venait de rêver en imaginant la pièce nette car devant elle s’amoncelait l’exacte réplique des crasses antérieures.
Noooonn !
Dépitée, elle se serait bien mise à pleurer si sa vaillance n’avait repris le dessus.
Haut les cœurs ! dit-elle tant pour elle-même que pour les créatures attristées.
Une fois de plus, elle remonta ses manche et serra le foulard qui couvrait sa tête. Le travail de fourmi reprit.
* Qui sait, je vais peut-être retrouver la porte qui mène au pays des merveilles ?*
Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir mais là… elle ne s’attendait pas à ça. Si elle avait reçu un chaudron sur la tête la fois précédente, ici le choc fut minime. L’étagère ébranlée par sa fougue ne supportait plus qu’un flacon brun très mal bouchonné. Déséquilibré, il se déversa d’un coup, la douchant copieusement.
Pouah ! ça pue ce truc !
Gluante, la potion semblait lui coller à la peau. Des frissons de dégoûts parcoururent la Serdaigle qui tenta d’essuyer l’aspersion avec un chiffon. Elle frotta tant qu’elle put jusqu’à ce qu’elle constate une anomalie galopante : les elfes grandissaient à vue d’œil !
Eh ! Pourquoi devenez-vous des géants ?
La voix qui lui répondit faillit lui exploser les tympans :
C’est vous qui rapetissez !
Les mains plaquées sur les oreilles, effarée, Angel dut admettre l’invraisemblable : elle devenait minuscule.
Bientôt, le phénomène s’arrêta, la laissant sans voix. Quelle taille pouvait-elle bien avoir ?
Vu les craquelures du sol qui ressemblaient maintenant à les crevasses gigantesques, elle devait être devenue plus petite qu’une fourmi. Les mains en porte-voix autour de la bouche, elle hurla :
AIDEZ-MOI !
Si son cri était en rapport avec sa hauteur, les elfes ne l’entendaient certainement pas. Par bonheur aucun d’eux ne bougea, de peur de l’écraser par inadvertance.
Intérieurement, elle les remercia tout en se demandant comment communiquer avec eux.
La crasse du cachot servirait ses intérêts. Avec patience, elle se mit à quatre pattes et commença à frotter le revêtement de béton. Son pantalon ne résisterait pas longtemps à un tel traitement mais elle n’entrevit aucun autre moyen pour écrire dans la poussière les plus grandes lettres possibles afin de rendre son message lisible.
Elle eut l’impression de parcourir des kilomètres en reptation. Peu à peu, les elfes purent distinguer un petit HELP significatif. Intelligentes, ces créatures firent apparaître une grosse loupe qu’Angel craignit voir s’abattre sur sa pauvre carcasse démunie. Fort heureusement, ce stratagème permit des échanges moins fatigants que l’écriture au sol.
Sortant sa baguette, Angel lança un « peint-en-l’air » très réussi. Pour elle, il était démesuré, pour les elfes… Ils comprirent quand même :
Faites le moins de bruit possible. Que s’est-il passé ? Un anti-dote existe ?
Les créatures se consultèrent en murmurant mais même ces chuchotis résonnaient fortement aux oreilles de la Serdaigle qui ne trouva d’autre solution que de déchirer des bouts de chiffons qu’elle se fourra dans les pavillons.
Du ton le plus bas possible, la lentille à nouveau braquée sur elle, Angel écouta un elfe s’adresser à elle :
Oui, il y a un anti-dote… l’ « Extentio » se trouve dans le bureau du directeur. Je peux vous y mener mais ne pourrai rester sans autorisation…
Ouais ! Autrement dit, elle devrait fouiller seule l’antre du directeur. En soupirant, elle jeta de nouvelles lettres dans les airs :
OK ! Je vais m’accrocher à votre chaussure. Allez-y doucement. Merci.
L’ascension fut relativement aisée car la trame des chaussons de l’elfe lui faisait presque un escalier naturel.
* Heureusement qu’ils ne portent pas d’escarpin vernis… j’aurais été vernie.
Le crac qui l’emporta vers les étages l’aurait fait s’envoler si elle n’avait pas été arrimée aussi solidement aux brins de laine.
Arrivés dans le bureau, l’elfe ne pipa pas un mot, attendant que sa passagère descende de son pied. Vite, Angel agita sa baguette pour écrire :
Dans quel coin est-ce ?
La créature lui indiqua une étagère avant de disparaître comme il était venu.
Demeurée seule, la jeune fille sentit le désespoir l’envahir face au meuble gigantesque qui semblait la narguer. Explorer tout ça, lui parut impossible d’autant qu’un tapis de haute laine l’en séparait. A la guerre comme à la guerre, elle n’avait pas trop le choix. Elle commença à avancer dans cette forêt de fibres multicolores, se sentant quasi étouffée par la chaleur régnant. Tilt ! Une idée jaillit, elle rit.
J’ai rasé tout le parc en une nuit ! Je n’ai qu’à faire pareil avec ce tapis !
La réplique fut cependant plus malaisée car là, elle affrontait une série de troncs épais et ses sortilèges fusaient aussi en miniature. Les couper prendrait un temps fou. Merlin sait combien de temps s’écoulerait avant que le directeur ne revienne. Il fallait se hâter.
Mobilibrinus !
Comparé au mobiliarbus… pourquoi pas ? Effectivement, les brins se déplacèrent lui permettant une progression plus facile. Fourmi active, Angel s’en donna à cœur joie pour tracer sa route dans la belle carpette.
Au pied de l’étagère, elle souffla un coup, passablement fatiguée par la jungle traversée.
Elle regarda vers le haut et fut prise de vertige rien qu’à imaginer cette escalade monumentaile.
* King Kong a eu plus facile avec l’empire state building !*
Découragée, elle se serait mise à pleurer si un instinct ne l’avait avertie d’une… présence.
Se retournant vers le tapis, elle se plaqua au pied du meuble, le cœur battant à tout rompre. Elle ota ses bouchons de fortune afin de laisser ses oreilles libres de capter des sons. Il y en avait, là, dans cette direction.
Horreur ! Doucement, perchée sur des pattes hérissées d’épines, avançait la bestiole la plus immonde qu’elle ait vu. Pire qu’une acromantule, ce monstre hideux paraissait l’avoir prise pour cible. De longues antennes mobiles cherchaient à situer… elle !
* Ce n’est qu’une blatte ! Un bête cafard ! *
N’empêche que vue ainsi la bestiole avait tout du char d’assaut décidé à la trouver. Tremblant de tout son être, Angel était paralysée de trouille.
Oooooh ! La situation empirait. Maintenant c’était une vraie acromantule, enfin non mais ça y ressemblait vachement, qui fonçait dans sa direction.
Miracle ! De cible elle devint spectatrice d’un combat de titan. L’araignée désirait bouffer la blatte ? Grand bien lui fasse. Elle, elle voulait jouer les filles de l’air. ( autrement dit ficher le camp)
L’air… Pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Voilà un bon moyen de filer.
Laissant les bestioles s’entre-tuer, elle observa attentivement les vitres du bureau. Oui ! Voletant paresseusement en se posant contre les verres colorés des fenêtres, quelques mouches n’attendaient que son bon vouloir. Avait-elle le droit de jeter ce sort-là ? Bah… contre un insecte qui le lui reprocherait ? D’ailleurs, si tout fonctionnait, personne ne saurait jamais ce qui allait se passer ici.
De par sa formation aux membres du Phénix, Angel avait appris à maîtriser les sorts impardonnables. Ce fut donc sans remords, qu’elle visa un des êtres ailés en lançant :
IMPERO
L’insecte frappé pila sur place avant de descendre vers elle dans un gracieux vol plané.
* Bon ! T’es déjà forte en vol de balai… Voldemort, vol de mouche… On va voir.*
Grimper sur le dos de l’animal ne se fit pas sans mal. La pilosité des pattes aida cependant Angel à s’élever jusqu’au poitrail cuirassé où des poils acérés dérangèrent son fondement.
Elle trouva une posture plus confortable et ordonna sans trop réfléchir :
Euh… Vole !
Pour démarrer, la créature n’attendait que ça. Fulgurant ! Cramponnée à la jointure tête-thorax, Angel crut sa dernière heure arrivée. Elle ne parvenait pas à diriger la bestiole qui se mit à voler en tous sens tel un taureau lâché dans un rodéo. Virage à droite, serré à gauche, soubresauts, ne voilà-t-il pas que l’empotée de mouche fonçait droit vers les chandelles du plafonnier ?
Tout doux ! cria Miss Grisham transformée en dresseuse de fauve.
Elle flatta l’encolure de sa monture, s’aidant de sa baguette pour la dominer enfin.
Vole vers la troisième planche. On dirait qu’il y a des flacons dessus.
Docile, l’insecte réagit dans le bon sens. Mais, juste avant l’atterrissage, une guêpe se mêla de l’histoire. Tout dard dehors, elle piquait droit vers la mini Serdaigle en émoi.
Triple looping ! commanda-t-elle.
Si la manœuvre débuta bien , la suite frôla la catastrophe.
( Bruits de vieil avion en perdition)
* Merde j’ai perdu le contrôle*
Redresse ! hurla-t-elle.
Coup de bol ? Hasard ? Sa monture entama une belle chandelle aérienne puis freina en catastrophe ce qui désarçonna pour de bon une Grisham épouvantée qui alla se fracasser entre un tas de fioles de verre.
Bing, bang, bong ! Elle boula plusieurs fois sur elle-même. Au bout d’un tournis digne du manège le plus fou, étonnée d’être plus ou moins intacte, elle se redressa en chaloupant, s’accrochant au premier objet à portée de main. Lentement, elle reprit haleine et sa vue dansante se stabilisa. Là-bas, de l’autre côté, elle put distinguer une étiquette : « Extentio »
L’anti-dote était là ! Il suffisait… de voler cinq mètres plus loin.
Trop crevée pour imposer un second « impéro » à un quelconque volatile, Angel étudia fébrilement son environnement. Dans la lueur des chandelles dont elle s’était rapprochée, elle vit…
* Merlin soit loué, les elfes oublient de dépoussiérer les plafonds. *
Suspendus à proximités, luisaient de nombreux fils oubliés au ménage. Rengainant sa baguette, gonflée d’entrain, Angel changea de rôle.
Prenant de l’élan, elle bondit en avant, sautant sur la « liane » la plus proche. Ne manquait que le célèbre « Hoyohyo » pour qu’elle devienne « Jeanne, la tarzane »
Avec brio, elle enchaîna les passages, sans en rater aucun. Pan ! Le nez collé à l’étiquette de l’ « Extentio », elle l’aurait embrassée tant elle était heureuse. Néanmoins…
* Trop lourd, trop gros à déplacer…*
Un dernier effort était nécessaire pour atteindre son but : le bouchon. Escalader la fiole ? Mission impossible à moins que…
Sortant sa baguette, elle découpa un des fil de poussière qu’un accio ramena à elle. Le montant en nœud coulant, elle visa le sommet de la bouteille. Bon, ben, comme cow-boy, Angel repassera. Elle dut s’y reprendre à dix fois avant de pouvoir fixer son lien au goulot et débuter l’ascension. Au sommet, le bouchon sauta après très peu de pression. Il ne restait qu’une chose à faire… plonger !
* Si ce n’est pas la bonne potion… je m’y noierai… tant pis *
PLOOUUUfff !
Quelle sensation bizarre ! Angel eut l’impression que des tenailles lui saisissaient les membres pour les étirer, étirer…
Le flacon explosa, l’étagère se renversa sous le poids inattendu d’une élève de 54 kilos qui s’écrasa au sol avec fracas.
Titubant, vêtements déchirés, de nombreuses ecchymoses l’endolorissant de partout, la Serdaigle se dégagea des multiples débris qui l’entouraient.
Pas de doute, sa taille avait retrouvé des proportions normales, ouf.