Recouvrer sa taille originelle transporta Angel d’une joie incommensurable. Elle bénit successivement Merlin, Morgane et tous les saints du paradis sorcier. Hélas, si le Paradis est pavé de bonnes intentions, le bureau du directeur, lui, l’était beaucoup moins.
A peine s’était-elle assurée que tous ses organes étaient à la place voulue que la porte s’ouvrit en grand sur… le directeur, rien de moins.
Chacun se figea, s’observant à la dérobée. Inutile de le dire mais je le dis quand même, Angel n’appréciait pas du tout ce dirigeant imposé par le ministère.
Elle tenta de biaiser :
Ce n’est pas du tout ce que vous croyez, plaida Angel. Je ne suis pas venue fouiller ni dérober quoique ce soit. J’avais juste besoin de…
Aïe ! Le bois dont il se chauffait ne présageait rien de bon…
Je sais, de source sûre, que depuis quelques semaines vous tentez d’aider les elfes ! Je ne tolère pas ce genre d’insubordination. Ce sont des déchets à notre service. Vous n’auriez pas dû vous en mêler. Miss… ?
Ouf, il ignorait son nom, c’était déjà ça. Misère de misère ce nouveau dirlo n’était pourtant pas à prendre avec des pincettes. Sans crier gare, un stupéfix fusa droit sur la Serdaigle qui ne dut son salut qu’à un roulé-boulé magistral. Elle alla frapper de plein fouet une grande étagère qui déversa de nombreux tomes sur sa tête.
A demi sonnée, Angel ne reprit pas moins ses esprits assez vite pour filer rapido vers l’ouverture laissée libre par l’intrus.
Elle lui aurait bien tiré la langue au passage mais elle n’en prit pas le temps ; elle lui lança juste un petit éclair d’aveuglement !
Déjà, il était à ses trousses, elle le sentait plus que ne le voyait dans son dos.
Sitôt le colimaçon enfilé, zigzagant par mesure de sécurité entre les murs du couloir, Miss Grisham galopa comme si sa vie en dépendait.
* Tu exagères ! Il ne te fera quand même pas de mal !*
Pas certain du tout, ça ! Une colle, des points en moins… que risquait-elle de plus ?
*Tu ne le connais pas assez pour t’y frotter, file !*
Fuir ? D’accord mais où ? Où pourrait-elle semer cet homme déterminé à l’attraper et lui faire payer son audace ?
Les cachots ? L’idée lui sembla salutaire. Là, avec l’aide de ceux qu’elle défendait, la Serdaigle avait peut-être une chance de passer au travers les mailles du filet tendu à sa capture.
Déjà elle dévalait les étages quand une pensée subite la frappa :
* Les elfes sont trop dominés. Dès qu’ils verront le directeur, il s’éparpilleront et tu seras toute seule à l’affronter…*
Donc inutile d’aller dans les sous-sols. Où diable pouvait-elle fuir ?
Depuis sept années à fréquenter ces murs séculaires, la Serdaigle connaissait beaucoup de raccourcis et passages secrets. Elle n’eut donc pas trop de mal à changer de direction.
Un virage serré lui permit d’éviter un pétrificus totalus juste avant de s’engouffrer entre deux tableaux qui la dévisagèrent avec des airs offusqués. Qu’importe !
De par cette voie, elle savait pouvoir remonter les étages.
Espérant semer son pisteur, Angel courut telle une dératée entre murs et corridors.
Une idée farfelue s’était insinuée sous sa chevelure. C’était complètement fou mais elle n’était plus à ça près.
* Il ignore ton identité. Profites-en !*
Cinq, six, sept ! Ouf ! Essoufflée, elle se retrouva devant la tapisserie de Barnabas le follet. La salle sur demande, voilà ce qu’elle visait.
Sans regarder ce sorcier qui donnait des cours de ballet aux trolls, Angel arpenta le couloir par trois fois. Focalisée sur un but bien déterminé, elle soupira d’aise en voyant la porte se dessiner devant elle.
* Il va arriver, tu le sais. Il est plus fort que toi. Réfléchis, Angel*
Elle fonça dans l’ouverture et galopa encore jusqu’à la pièce attendue.
Oui ! C’était bien ce qu’elle avait souhaiter trouver. Tout y était, elle pouvait respirer et attendre la confrontation ultime.
Il ne lui fallut pas patienter longtemps avant de voir se profiler celui qu’elle redoutait.
Très droite, déterminée, elle l’accueillit froidement :
Bonjour, Monsieur ! Pour votre gouverne, je suis Angel Grisham, septième année à Serdaigle. Je déplore vos agissements honteux et j’assume l’entière responsabilité d’avoir tenté d’aider nos elfes dans les tâches immondes auxquelles vous les soumettez.
N’avez-vous rien compris à les torturer ainsi ? Plus ils s’épuisent à vous satisfaire plus leurs tâches ordinaires en pâtissent.
J’ai désiré que nous nous affrontions ici pour une très bonne raison.
D’un geste de baguette, Angel fit apparaître une sorte de miroir.
Ce n’est pas le miroir du Risèd. Il ne vous montrerait qu’une futilité de vos aspirations profondes. C’est… pire. Cette glace est issue du voile du futur. Oserez-vous regarder ce à quoi vous nous entraînez avec vos idées débiles ?
S’il avait su à quel point la Serdaigle tremblait, peut-être que le directeur n’aurait pas obéi. Serdaigle de sang, Gryffondor d’esprit, Angel croisa les doigts.
Il plongea les yeux dans le tain découvert face à lui.
Elle savait ce qu’il regardait : un futur catastrophique !
Poudlard ruiné, croulait sous une crasse innommable. Des élèves efflanqués de dénutrition peinaient à se déplacer dans des escaliers déchaînés. Leur robe sale, trouée, était le refuge de multiple vermine. Araignées, rats couraient joyeusement partout.
Est-ce cela que vous souhaitez pour votre collège ? Si oui, continuez ainsi.
* Croise les doigts, ça marche*
En effet, la tête que tirait le directeur valait bien de s’être dépensée. Le gars réfléchissait, sidéré devant ce miroir du futur.
Pâle, déconfit, il dit :
Ce n’est qu’une illusion, vous essayez de me mener en bateau.
Vous savez que non. Voilà ce qui arrivera si vous ne cessez pas vos exactions sur les elfes. Puis-je compter sur vous pour ne plus leur donner de travaux idiots incompatibles avec leur fonction ?
Un « D’accord » faillit faire se pâmer Angel. Elle avait réussi ! Il concédait sa stupidité.
Vite, elle fit apparaître un parchemin où le texte stipulait que les elfes n’auraient plus qu’à effectuer les tâches habituelles.
Signé, le document fut rangé.
Angel était aux anges ( normal, non ?) mais deux précautions valent mieux qu’une.
Pas de l’ordre du Phénix pour rien, elle ne se priva pas :
Oubliette !
Tout était bien.