Abu Shakour a écrit : « L'ami est pour son ami un bouclier.» [PV avec Fenrir]

Jurei était étendu dans l'herbe du parc qui bordait le château Poudlard. Il n'avait pas amené sa guitare avec lui cette fois-ci. Seulement son petit carnet débordant de notes relatives à ses études secrètes sur les créatures magiques. La tête pleine d'intelligentes réflexions et de calculs très poussés, il fixait le ciel bleu avec lassitude. Quand l'année se finira, il devra faire un choix : suivre la voie ouverte par ses parents en brisant ses rêves ou prendre un autre chemin et risquer de leur causer une terrible déception. Il se demanda tout à coup si ses frères avaient toujours voulu être juristes ou s'ils avaient eux aussi projeté à un moment de leur vie de tourner le dos à la tradition... Il ne leur avait jamais posé la question. En fait, il ne le pouvait pas. Cela aurait éveillé les soupçons quant à ses propres intentions.

Le jeune homme poussa un soupir et se couvrit le visage de ses mains. Il était si fatigué de jouer la comédie. C'est alors qu'il se l'avouait qu'il sentit tout à coup un sentiment de profond bien-être l'envahir, comme s'il était enveloppé par une aura infiniment protectrice. Intrigué, il écarta les doigts qui lui masquaient la vue et découvrit la présence de Fenrir à coté de lui. Sa silhouette majestueuse se découpait dans les rayons du soleil. La mélancolie qui l'avait pris quelques minutes plus tôt le quitta immédiatement et un éblouissant sourire éclaira de nouveau son visage d'ange.
Il se releva prestement et posa une main franche sur l'épaule de son ami d'enfance, à la naissance de son cou. Lui souriant encore, il dit avec entrain :

_ Tu arrives à point nommé pour me sortir de la dépression, comme toujours. On marche un peu ?

Fenrir était la personne la plus importante au monde pour lui. Depuis leur naissance, c'était comme s'ils ne s'étaient jamais quitté. Maggie Fairshield le considérait véritablement comme l'un de ses fils et Jurei recevait le même accueil chaleureux lorsqu'il se rendait chez les Beckett. Parfois, Jurei se disait que le Destin s'était trompé, que Fenrir et lui n'auraient du être qu'une seule et même personne à la naissance mais que quelque chose avait mal tourné. Ils se comprenaient si bien tous les deux... Jurei se savait capable de mentir, de voler et pourquoi pas de tuer pour lui, et il était intimement persuadé que Fenrir ressentait la même chose.

Fenrir se promenait depuis un certain temps dans le parc, et fini par tourner en rond. Il n'avait envie de voir personne, juste de rester à l'air frais. Enfin, non, il avait envie de voir une personne. Son poing se crispa dans sa poche, comme à chaque fois qu'il pensait à Jurei. Son pas se fit plus nerveux, et sa main vint machinalement toucher son médaillon, par réflexe. Il soupira. Cela faisait environ une semaine qu'il n'avait pas vu Ju', et son absence lui pesait. Mais il ne voulait pas le voir, c'était trop... trop dur. Il fallait qu'il essaie de ne plus y penser. Cette pensée quitta aussitôt son esprit. Ce n'était même pas la peine d'y penser, il ne pourrait pas.

Alors que son regard se perdait vers le château, il reconnu aussitôt une silhouette plus que familière. Il resta debout, à l'observer. Il n'avait pas sa guitare, et semblait griffonner sur quelque chose. Il reconnu un carnet qu'il avait vu et même lu à de nombreuses reprises, connaissant le secret de Jurei. Celui-ci ne pouvait absolument rien lui cacher. Le regard du jeune homme assis dans l'herbe était perdu dans le ciel, puis, tout à coup, il enfouit son visage dans ses mains. Quelque chose n'allait pas ? Fenrir le connaissait sur le bout des doigts et savait qu'il ne faisait ça seulement quand il était fatigué, désespéré ou triste. Quoiqu'il en soit, il n'allait pas bien. Il avait besoin de lui. Ayant à peine conscience de ce qu'il était en train de faire, il marchait déjà droit vers son ami d'enfance. Il resta à une petite distance, n'osant pas prendre la parole.
Que pourrait-il dire de toute façon ? Pendant que son ami gardait la tête dans le creux de ses paumes, il observa la façon dont ses cheveux bruns bouclaient au bout, légèrement. Soudain, il se détendit, et comme s'il avait sentit sa présence, se redressa en sa direction. La mine triste qu'il affichait fondit aussitôt, se muant en un magnifique sourire. Un sourire qui mit du baume au cœur de Fenrir plus que tout au monde. Seulement parce que sa présence faisait fleurir un sourire comme celui-ci, il voulait bien rester auprès de lui à jamais. Il avait envie de se baisser et de le prendre dans ses bras, le serrer très fort contre son cœur et... Fenrir secoua intérieurement sa tête. Il ne fallait surtout pas qu'il pense à ça, sinon ça allait encore finir par un froid entre eux. Chose qu'il détestait plus que tout au monde.
Fenrir vit Jurei se relever prestement pour poser sa main sur son épaule, à la naissance de son cou. Un simple contact, tout à fait innocent qui fit naître des frissons. Fenrir crispa légèrement sa mâchoire, pour éviter que sa réaction ne se voie trop.

_ Tu arrives à point nommé pour me sortir de la dépression, comme toujours. On marche un peu ?

Fenrir adressa à son tour son plus beau sourire à son ami. Il voulait toujours être là pour lui. C'était tout ce qui comptait, être là pour sortir son ami de la dépression. Il répondit d'un ton calme :

- Sûr.

Il contrôlait parfaitement sa voix. Du moins pour le moment. Il inspira calmement à deux reprises, puis commença à marcher aux côtés de Jurei, comme ils l'avaient souvent fait dans leur enfance. Ils marchèrent ainsi un long moment, Fenrir ne se décidant pas à prendre la parole. Il n'était pas du tout du genre à entamer la conversation, il laissait le soin aux autres de commencer. Il aimait beaucoup être simplement là, présent aux côtés de son ami.
Il jeta un regard en sa direction. Son cou était un peu tendu, comme s'il réfléchissait intensément. Il se demandait à quoi il pensait. Une fille ? Son avenir ? Le Quidditch ? Une chanson ? Fenrir trouvait triste que Jurei n'ait pas envie d'être un joueur national de Quidditch. Il se débrouillait vraiment bien, c'est dommage. Enfin bon, il se débrouillait parfaitement dans tout ce qu'il aimait, il était gagnant partout : la musique, ( Fen ne comptait même plus le nombre de fans qu'il avait) et grâce à elle il pouvait avoir presque toutes les filles qu'il voulait, il adorait les créatures et la plupart le lui rendaient bien, il était fort au Quidditch, et caetera et caetera. Bref, il excellait dans tous les domaines qui lui plaisaient.

Il était parfait, juste. Et lui... Lui ne pourrait jamais l'avoir. Il n'était tout simplement pas à la hauteur. Et puis même, ce n'était pas sain, pas correct... Regardant à nouveau Jurei, il éprouva l'envie de poser sa main sur son cou, si fin, lisse, doux. Non. Il ne fallait pas penser à ça. Stop. Soudain, la voix de Jurei le tira de ses pensées.

Une promenade tranquille à l'air libre avec Fenrir. Voilà la définition du bonheur selon Jurei. Avec son ami, il n'avait à se forcer de rien. Il pouvait se contenter d'être et d'agir comme s'ils étaient seuls au monde, sans se soucier de qu'on attendait de lui. Car Jurei en était persuadé, Fenrir n'attendait rien de lui. Qu'aurait-il pensé alors s'il avait su qu'il se trompait ?

En chemin, ils croisèrent un groupe de filles qui gloussèrent avec excitation en les regardant passer. Jurei sourit. S'il avait été avec quelqu'un d'autre, il n'aurait pas douté une seconde que ces murmures d'appréciation soient pour lui. Mais en présence de Fenrir, il était évident qu'ils lui étaient destinés. Le jeune Beckett avait le physique d'un mannequin et tout son charme résidait à la manière dont ses longs cheveux de soie noire tombait avec légèreté devant ses yeux couleur océan.

_ Ah la la... Comme je t'envie ! s'exclama-t-il alors en souriant de plus belle. Tes yeux sont vraiment les plus beaux que j'aie vu de ma vie. Même parmi les créatures magiques ! ajouta-t-il en riant pour ajouter à la profondeur du compliment.

Il s'arrêta et approcha son visage de celui de Fenrir.

_ Voyons voir de quelle couleur ils sont aujourd'hui... Bleu ou gris ? J'aime quand ils sont légèrement gris.

Ils étaient à présent tout près. 15 cm ? Peut-être 10 ? Fenrir pouvait sentir le souffle calme de Jurei sur ses lèvres. Quand il identifia la couleur, il recula et s'exclama avec bonne humeur :

_ Gagné !

Comment pouvait-il être aussi involontairement cruel avec la personne qui comptait le plus pour lui ? Mystère. Pourquoi ne comprenait-il pas, à la manière dont Fenrir le regardait, à la manière dont il prononçait son nom... Pourquoi ? Tout cela était trop triste. Mais là encore, ce ne fut pas la pire torture et d'autres viendraient irrémédiablement.
Les Serdaigle reprirent leur marche d'un pas lent et Jurei attendit quelques minutes avant de lancer :

_ Au fait... Tu m'as manqué. Ca fait une semaine qu'on ne s'est pas vu alors qu'on est dans la même Maison. Tu m'évites ou quoi ?

Il se mordit la lèvre inférieure.

_ Non, ne répond pas. Ca fait 18 ans que l'on est ensemble, tu as le droit d'en avoir marre.

Il se força à rire un petit peu, espérant que sa tristesse ne percerait pas, et il demanda :

_ Est-ce que c'est parce que... tu as trouvé quelqu'un ? Une petite amie je veux dire.

C'était bien de la jalousie. Les deux jeunes hommes avaient grandi côte à côte et ils avaient toujours gravité l'un autour de l'autre. La présence permanente de Fenrir lui manquait beaucoup. Bien sûr, Jurei avait d'autres amis mais aucun n'était aussi important que le dernier des Beckett. Il avait besoin de lui. Toute sa vie, il s'était appuyé sur lui. S'il s'éloignait, il ne pouvait que tomber. Et c'est ce qu'il avait commencé à faire ces deux dernières années...

Une promenade tranquille à l'air libre avec Jurei. Voilà la définition du bonheur selon Fenrir. Mais ce peut également être la définition de la torture. Tout dépendait du point de vue sous lequel on se plaçait. Enfin, pour l'instant, c'était du pur bonheur. Simplement se trouver à ses côtés faisait tressauter son cœur de manière légèrement inquiétante. En fait, Fenrir n'attendait consciemment pas beaucoup de la part de son ami. Il n'attendait rarement quelque chose de la part des autres, il avait l'habitude de se débrouiller seul, sans aide, quel que soit la tâche à accomplir. Seulement, Jurei avait cette habitude, depuis quelques temps, de toujours lui compliquer les choses. C'était hallucinant à quel point un bonheur pouvait vite se transformer en une véritable torture.
Nous l'allons démontrer tout à l'heure.

Il croisèrent tout à coup une bande de filles qui gloussèrent avec excitation en les voyant passer devant eux. Aussitôt, Fenrir pensa à son ami. Comment pouvait-elles avoir une réaction différente en voyant passer Jurei, un musicien reconnu et excellent qui était si beau ? Néanmoins, malgré ce qu'on pourrait penser, il eut un petit sourire en voyant la réaction de ces filles. Jamais il ne pourrait s'abaisser à les considérer comme des rivales, il tenait Jurei en trop haute estime pour ça, et s'amusait seulement de leur gloussements indiscrets.

_ Ah la la... Comme je t'envie ! Tes yeux sont vraiment les plus beaux que j'aie vu de ma vie. Même parmi les créatures magiques !

Fenrir se tourna brusquement en direction de Jurei, le visage empreint d'un étonnement non feint. Il stoppa aussitôt. Comment pouvait-il donc penser cela ? Car, oui, le jeune Beckett n'avait pas conscience de sa propre beauté, tant il était aveuglée par celle de son ami. Il lui demanda incrédule :

- Hein ? Je ne t'arrive pas à la cheville tu veux dire, plutôt, non ?

Jurei s'arrêta également, et s'approcha dangereusement de lui. Même si sa réaction première fut de s'approcher, comme hypnotisé, il réussi à se reprendre et recula d'un petit pas.

_ Voyons voir de quelle couleur ils sont aujourd'hui... Bleu ou gris ? J'aime quand ils sont légèrement gris.

Fenrir discernait à présent le visage de Jurei dans ses moindres détails, des minuscules imperfections de sa peau à ses plus petits grains de beauté. Son cœur s'emballa, maintenant qu'il avait enfin compris ce qu'il se passait. Il avait plongé ses yeux dans les siens à son tour, après s'être attardés sur ses lèvres, si rouges et tentante, légèrement entrouvertes, expirant doucement sur les siennes.
Agréable... Si agréable... Ses yeux étaient d'un chocolat fondu, qui mettaient l'eau à la bouche. Il avança imperceptiblement le cou, approchant à son tour ses lèvres des siennes. C'était tellement tentant de l'effleurer du bout des lèvres, frôler, l'interdit... Mais non. Il ne devait pas. Soudain, aussi brusquement qu'il s'était approché, inconscient de ce qui avait failli se produire, Jurei se recula, mettant du même coup fin au dilemme de Fenrir. Un soulagement s'empara du jeune garçon, qui s'autorisa à souffler et à fermer les yeux une demi-seconde de soulagement. Il sursauta quand son ami s'exclama :

_ Gagné !

Voilà, quand je vous disais que le bonheur pouvait changer en moins de temps qu'il faut pour le dire... Surtout que Jurei avait le chic pour mettre à la torture tout ceux qu'il aimait ou appréciait (et pas seulement Fenrir, mais ça il ne le savait pas^^). Quoi qu'il en soit, Fenrir n'arrivait pas à articuler le moindre mot, il était encore sous le choc de leur soudaine et brève proximité. Il repensa au compliment qu'il lui avait dit. Ça le touchait vraiment beaucoup, surtout quand on connaissait, comme lui, son admiration à la limite du fanatisme pour les créatures magiques.
Il se sentait troublé. C'était tellement étrange, les compliments de sa part. Ils étaient si candide et innocent qu'il ne pouvait que les prendre au sérieux, mais il connaissait parfaitement ses intentions. Diamétralement opposées des siennes. Et si en fait... Non, il ne fallait même pas qu'il envisage de penser comme ça. Ça ne faisait que le mettre encore plus mal vis à vis de son ami. Ils avaient recommencé à marcher côte à côte, sans même qu'il ne s'en rende compte. Il sentit Jurei prendre une inspiration avant de lancer brutalement :

_ Au fait... Tu m'as manqué. Ca fait une semaine qu'on ne s'est pas vu alors qu'on est dans la même Maison. Tu m'évites ou quoi ?

Coup de couteau au cœur. Ça... c'était direct, du pur. Il n'aurait pas fait autrement pour l'atteindre au plus profond et le faire culpabiliser jusqu'à la mort. Il s'en était rendu compte tout compte fait. Fenrir déglutit lentement, mais avant qu'il n'ait pu même imaginer l'ébauche d'une réponse correcte, Jurei le coupa dans son élan :

_ Non, ne répond pas. Ca fait 18 ans que l'on est ensemble, tu as le droit d'en avoir marre. Est-ce que c'est parce que... tu as trouvé quelqu'un ? Une petite amie je veux dire.

Il se tourna vers le jeune Fairshield, qui se mordillait la lèvre inférieure, ce qu'il faisait souvent quand il hésitait ou qu'il était gêné. Ce tic était tout simplement adorable. Il revint très vite à la réalité et répondit avec la véhémence et spontanéité qui lui était propre en sa présence :

- Comment pourrais-je en avoir marre de toi Ju' ? Je n'imagine même pas ce que ma vie aurait été sans toi : désespérément plate, morne, sans vie.

Fenrir lui adressa un sourire sorti du cœur, dans lequel il mettait tout le bonheur qu'il éprouvait à se trouver à ses côtés en ce moment même. Et c'était la plus pure vérité. Sans Jurei... Il préférait ne pas y penser. Il aurait été quelqu'un d'autre, dans la peau de quelqu'un d'autre. Bref, ce n'aurait pas été lui, il serait totalement différent. Il en était sûr, aussi sûr qu'il s'appelait Fenrir. Mais aussitôt qu'il avait dit ses paroles, il les regretta. Il n'en montra rien évidemment, son visage restait toujours empli d'un magnifique sourire, pourtant, il se maudissait intérieurement.
Il en avait trop dit. Il vivait dans la peur constante d'être découvert. Il s'estimait chanceux de ne pas avoir été dévoilé jusqu'à présent, il se demandait comme il avait réussi ce tour de force. Sa tête revint très vite à la deuxième question, à laquelle il sourit. Ah, si quelqu'un pouvait lui épargner sa torture quotidienne, ce serait... merveilleux. Mais non, car cette torture comportait des instants si magnifiques qu'à eux seuls ils éclairaient ses moments les plus sombres, quand il s'enfonçait le plus loin dans la déprime. Si Jurei n'avait pas été là, il serait à la fois plus sombre et plus joyeux. Il répondit posément :

- Non, je suis seul. Puis, de toute façon, je serais toujours là pour toi, même si je trouvais quelqu'un. Tu devrais le savoir que tu es ma priorité.

Il lui adressa un clin d'oeil en finissant sa phrase. Et voilà, il ne pouvait s'empêcher de trop parler. La tentation de tout lui avouer était si forte, qu'en voyant ses yeux si purs, il faillit y céder. Il se retint à temps, heureusement.
Comme toujours. Il avait pourtant sentit un sentiment venant de Jurei... inhabituel. Comme une... une légère peur ? Non, c'était plutôt... de la jalousie. Hein ? Jalousie ? Il serait... ? Non. Vite ôter cette idée de la tête, tout de suite.
Il était juste jaloux qu'une fille puisse prendre la place de son frère de cœur. Oui, ça devait être ça, tout simplement. Il éprouva un pincement au cœur à l'idée qu'il éprouve de la jalousie à l'idée d'être remplacé. Mais Fenrir savait pertinemment que cela n'arriverait jamais, contrairement à ce qu'il pensait.

Une idée, soudain, prit place dans sa tête, toute petite. Elle commença à enfler et prendre de la place jusqu'à qu'elle devienne si importante qu'il ne pouvait plus prétendre l'ignorer. Il savait que c'était le meilleur moment, le moins dangereux pour lui et ses... sentiments. Prenant une brève inspiration, il se jeta à l'eau avec une apparence tout à fait décontractée, comme continuant le sujet :

- Et toi ? Tu as quelqu'un ? Une fille sur laquelle tu as des vues ?

Il le dit avec une demi-sourire complice aux lèvres, l'air enjoué. Mais intérieurement, ces questions étaient une véritable torture. Ne serait-ce que penser qu'il aime une autre fille... C'était juste... Un déchirement. Des larmes. Tristesse infiniment vraie et profonde. Qui va jusqu'à la chair, la moelle, au plus profond de son être. Si seulement Jurei en avait conscience... Les choses serait différentes. Non, il fallait à tout prix que tout reste comme ça l'avait toujours été. Qu'ils restent des frères de cœur, uni jusqu'à la mort. Il ne pouvait se permettre que les choses changent, ils avaient besoin l'un de l'autre, comme des jumeaux qui prennent appuis l'un sur l'autre. Le ton plus sérieux que précédemment, il continua, fixant Jurei dans les yeux :

- Tu sais, tu peux tout me confier. Même si tu n'es sûr de rien, ni de tes sentiments ni des siens, ça fait toujours du bien d'en parler. Et puis, après peut-être que ça sera plus clair, non ? Je suis là pour toi, tu le sais bien.

Il fini avec un sourire apaisant. Calme, il devait rester calme. Sûr de lui et de ce qu'il faisait. Même si tout cela signifiait provoquer lui-même son plus grand malheur. Il le lui devait bien.

Quand Fenrir prétendit avec vigueur que Jurei avait de plus beaux yeux que lui, ce dernier rit de bon cœur. Son ami avait toujours eu la fâcheuse tendance de se déprécier lorsqu'il lui faisait des compliments. Les années ne parvenaient pas à changer cela. Aujourd'hui, il abandonna le combat au premier round parce qu'il savait qu'il ne cessera pas s'il insistait. Il voulut leur épargner à tous les deux la peine d'un duel stérile. A la place, ils avaient repris leur marche tranquille sans destination précise.
Quelques minutes plus tard, il fut plus soulagé que jamais d'apprendre que Fenrir était toujours célibataire. D'ailleurs, il ne put s'empêcher de ressentir de la culpabilité vis à vis de cette joie car après tout, il s'agissait surement d'un malheur pour son ami. Le sourire de celui-ci chassa bien vite cette repentance et il fit un pas de plus dans son inconsciente cruauté.

_ Ouf ! Ca va alors. Je serai désœuvré d'apprendre que tu aimes quelqu'un plus que moi !

Vif comme l'éclair, il passa son bras autour du cou de Fenrir, l'attira contre lui et lui ébouriffa les cheveux en riant.
Jurei avait toujours été très tactile avec lui. Beaucoup plus qu'avec quiconque, plus qu'avec sa propre mère certaines fois. Mais c'était parce que dans son esprit, il ne faisait qu'un avec lui. Pour lui, toucher le bras de Fenrir c'était comme de toucher son propre bras.
Lorsque le poursuiveur entendit le mot "priorité", il sourit. Il hocha la tête d'un air convaincu et déposa un rapide baiser dans les cheveux de soie de Fenrir avant de le relâcher.

_ Peut-être que je fais exprès d'oublier pour que tu me le répètes, lui glissa-t-il d'un air malicieux.

Il lui adressa un clin d'œil et poursuivit son chemin l'air de rien. Quand Fenrir lui retourna sa question avec la pointe d'anxiété à peine perceptible qu'il avait lui-même essayé de cacher plus tôt, il se retourna vers lui pour le seul plaisir de pouvoir contempler ses yeux gris-bleutés pendant qu'il réfléchissait à sa réponse.

_ Une fille sur laquelle j'ai des vues, répéta-t-il pour se donner un peu de temps. Hum... Peut-être. Je ne sais pas vraiment pour tout te dire.

Jurei embrassa le parc du regard et lui désigna du doigt un gros chêne un peu plus loin.

_ On va s'asseoir là-bas et je te raconte ?

Une fois l'assentiment obtenu, ils s'y dirigèrent d'un pas plus rapide. Fenrir semblait s'être tendu. Le poursuiveur se mordit la lèvre. Selon lui, la jalousie était le plus noble des sentiments, quoi qu'on en dise. Après tout, la jalousie nous désigne ce qu'il a de plus important pour nous et ça, aucun autre sentiment ne le fait avec autant de clarté.
Arrivés sous le chêne, il laissa Fenrir s'asseoir en premier entre ses racines apparentes et il le rejoignit pour être tout près de lui. Et pendant son explication, il prit même une de ses mains pour jouer avec ses doigts fins, sans se douter une seconde que ce geste menait son meilleur ami à moitié à l'extase, à moitié au supplice.

_ Tu sais comme je suis. Un vrai handicapé du cœur. Si on ne me témoigne pas concrètement de l'intérêt, il n'y a aucune chance pour que je le soupçonne et pour que j'y réponde. Je n'ai jamais demandé à quelqu'un de sortir avec moi d'ailleurs. Je préfère essayer de rendre l'amour que l'on me donne ; si quelqu'un me dit m'aimer, il y a de fortes chances pour que je l'aime en retour.

Les doigts de Fenrir se crispèrent une seconde entre ses mains. Jurei était à des lieux de penser que cela était en rapport avec ses propos alors il continua de les caresser doucement et poursuivit :

_ Je ne suis jamais l'initiateur de l'amour. Il faut trop de confiance en soi pour ça et je n'en ai pas. Regarde, je ne suis même pas capable d'annoncer à ma famille que je ne veux pas être juriste. Enfin bref !

Jurei jeta un regard à son ami et le trouva étrangement troublé. Touché mais à coté de la plaque, il lui sourit avec tendresse et étreignit ses doigts :

_ Ne t'en fais pas, je le leur dirai un jour. Si tu es avec moi.

Le poursuiveur s'était perdu dans son explication qui dérivait du sujet. Quel était-il déjà ? Ah oui. S'il s'intéressait à quelqu'un ou pas. Il reprit :

_ Tu connais Tamara, n'est-ce pas ? Je traîne avec elle lorsque tu m'abandonnes. Elle sait pratiquement tout de moi, même le secret sur mon avenir. On est amis depuis nos débuts à Poudlard pratiquement. Et bien, peut-être que j'aimerais que ça aille plus loin. Franchement, je ne sais pas. Parfois, quand on est ensemble, j'ai envie de me rapprocher, de la prendre dans mes bras, de l'embrasser... Mais j'ai peur de me tromper. Si ça se trouve, ce n'est que l'expression d'une pulsion masculine. Si c'est ça et pas de l'amour, je ne veux pas risquer de perdre mon amitié avec elle. C'est trop précieux. Tu comprends ?

Jurei baissa la tête, penaud, troublé par son incompréhension de lui-même. Comme si ce n'était pas suffisant pour Fenrir qui avait du endurer tout ça sans ciller, il ajouta :

_ Et puis, il y a Carter. Tu ne la connais pas. Elle est serveuse dans un bar où je fais assez souvent des concerts. J'ai l'impression qu'elle voudrait qu'on soit plus qu'amis mais je ne sais pas... Enfin, elle est très sympa, intéressante et jolie. On a les mêmes goûts musicaux, c'est drôle. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de tenter l'expérience.

Jurei sourit pour lui-même et porta la main froide de Fenrir jusqu'à sa joue pour se rafraîchir un peu, se moquant totalement du tableau étrange qu'il pouvait offrir aux promeneurs qui les auraient regardé. Il ferma les yeux et soupira :

_ Je n'ai que 18 ans mais j'ai envie de trouver la personne qui a été faite pour moi. Les relations sans avenir ne m'intéressent plus. Tu sais, mon père raconte toujours à mes frères et moi que ma mère et lui ont évolué longtemps côte à côte avant de sortir ensemble. Il dit que parfois, la personne qui nous est destinée à toute proche...

Le jeune homme rouvrit les yeux et lâcha la main de son ami. Fenrir le fixait de ses grandes prunelles couleur océan. Jurei en frissonna et, pour la première fois, il détourna la tête devant l'intensité de ce regard.

_ Qu'est-ce que tu penses de tout ça toi ?

Fenrir reprit sa marche normalement après avoir assuré à Jurei que jamais au grand jamais, il ne pourrait avoir marre de lui, le cœur battant un peu plus rapidement qu'à l'accoutumée. Et comme d'habitude, il essayait de l'étouffer. Un battement qui s'accéléra quand son ami lui déclara qu'il était satisfait de se savoir toujours au centre de son attention. Un battement qui se transforma tout à coup en un raté dangereux quand Jurei l'attrapa vivement et lui ébouriffa les cheveux.
Ce geste était tout à fait ordinaire, et comme il le faisait toujours, Fenrir rit sans se défendre, d'un rire qui aurait sonné faux et même légèrement cassé à toute oreille attentive. Il sentait sa poitrine se déchirer en deux à ce contact si soudain et si... proche. Mais le moment où il fut réellement sur le point de défaillir fut quand le benjamin des Fairshield déposa un léger baiser sur ses cheveux. Si agréable et doux. Il le regarda et mit intérieurement tout en œuvre pour lui adresser un sourire très vrai et chaleureux sans que ses joues ne s'empourprent. Elles rosirent malgré tout, bien qu'on pourrait également penser que ce soit l'effet de la chaleur et du vent qui soufflait à présent un peu plus fort. Jurei continua et lui glissa un clin d'oeil malicieux.

Ses paroles résonnèrent dans la tête du pauvre Fenrir comme un écho infini. "Pour que tu me le répètes". Ne savait-il donc pas encore qu'il le répèterait autant de fois qu'il le sera nécessaire, autant de fois qu'il le lui demandera ? Ils recommencèrent à avancer en silence, un silence qui ne dura que quelques instants, cette fois rompu par Fenrir qui lui demanda ce qu'il en était de lui. Il commença à s'angoisser légèrement lorsque son camarade se tourna vers lui et planta ses yeux dans les siens. Il fit tout pour ne pas laisser transparaître ses émotions, bien qu'il savait pertinemment que la légère note d'appréhension qui teintait sa voix lors de sa question n'avait pas échappé à Jurei. Il le connaissait sur le bout des doigts. Ou presque, malheureusement.

Ce dernier fut alors très évasif. Il répéta la question une première fois, comme pour se donner le temps de mieux la digérer et comprendre son sens exact. Il se retourna et jeta un coup d'oeil circulaire sur le parc, puis désigna du doigt un gros chêne à proximité, disant :

_ On va s'asseoir là-bas et je te raconte ?

Il hocha du chef rapidement, et le suivit les yeux rivés sur le sol, anxieux par les nouvelles qu'il voulait désespérément apprendre quelques instants plus tôt, même si à présent il n'était pas réellement sûr d'être prêt à les entendre. Son poing se crispa dans sa poche, il avait presque envie de se boucher les oreilles pour s'épargner un massacre. Mais il n'était plus un enfant, et savait que ce n'était pas en évitant les problèmes qu'ils disparaissaient pour autant. Il faisait tout son possible pour respirer le plus calmement possible et sans faire de bruit pour ne pas alerter Ju'. Il se tendait au fur et à mesure que l'arbre approchait, inexorablement. A ce moment, Fenrir se mit à douter, et pensa même un instant que la notion de l'existence d'un Destin impitoyable et inexorable n'était finalement peut-être pas si inconcevable que ça. Il secoua la tête.

Et là, le chêne se dressait de toute sa hauteur face aux deux garçons à son pied. Fenrir s'assit en premier, prenant soin de laisser le coin le plus confortable là où il était sûr que son mi d'enfance s'assiérait à son tour. Mais, faussant ses calculs, Jurei prit l'initiative et s'assit beaucoup plus près de lui que prévu, le prenant ainsi totalement au dépourvu. Ce serait encore plus dur de cacher ses émotions et de refouler ses instincts, lui si proche. Il sentit sa gorge se serrer quand le jeune homme saisit sa main et commença à jouer avec ses doigts, comme s'il s'agissait d'un pantin inarticulé.
Il sentit son pouls s'accélérer, et détourna les yeux, les laissant errer dans le ciel, effleurer son horizon si lointain. Déjà il se mettait à transpirer, ses vêtements pourtant bien légers l'étouffaient à présent. Il laissa ses yeux revenir sur le jeune Fairshield, chose qu'il regretta immédiatement. Ses instincts pourtant bien dissimulés refaisaient surface, le poussant à prendre dans ses bras ce corps si bien fait poser ses lèvres sur les siennes...

Jurei commença à se moment son explication, qui promettait d'être longue. Cela permit à Fenrir de reprendre ses esprits et il s'efforça de se concentrer au maximum sur les paroles, inexorables, qui sortaient de la bouche de son ami. Il aurait tant aimé qu'il fusse tellement plus que son ami... Dès qu'il prononça les paroles "Si on ne me témoigne pas concrètement de l'intérêt, il n'y a aucune chance pour que je le soupçonne et pour que j'y réponde.", son regard fut aussitôt attiré par le sol, comme honteux.
Car il savait tout ça, et pourtant il espérait chaque jour un peu plus, chaque jour un peu moins, qu'il le remarque enfin. Chaque jours il espérait, il voulait qu'il comprenne le sens de ses signaux d'alertes. Une fin de phrase le fut sursauter et remonta les yeux de Fenrir au niveau de ceux de Jurei : "il y a de fortes chances pour que je l'aime en retour". Était-ce vrai ? Même si cet amour provenait... d'un... homme, d'un garçon, de son jumeau de cœur ?
Non, il ne devait pas être pris en compte dans ceux qu'il aimerait en retour, il chercherait plutôt à s'éloigner au maximum de lui. Il commençait à se troubler étrangement. Même s'il savait que ce discours ne lui était pas directement adressé, chaque fibre de son corps proclamait le contraire, que son inconscient avait donné une réponse, enfin !
Il respira un grand coup, les yeux toujours plongés dans ceux de son ami, qui lui rendit son regard, comme intrigué. Il devait faire une tête étrange, qu'il s'empressa de corriger. Il reprit son visage neutre de psy avec empressement.

Jurei dit alors une phrase étrange, qui ne collait pas : "Ne t'en fais pas, je le leur dirai un jour. Si tu es avec moi." De quoi parlait-il ? Il lui lança un regard étonné par ces paroles soudaines qui ne collaient pas au reste. Il sentit une étreinte au niveau de ses doigts, toujours dans la paume de son ami d'enfance. Exactement la même étreinte qu'il ressentit au même moment dans la poitrine, lui donnant quelques difficultés à reprendre correctement son souffle.
Il fallait reprendre le fil de l'histoire, ou il finirait vraiment par lui sauter dessus. Jurei reprit alors son histoire, répondant au vœux informulé de Fen'.

_ Tu connais Tamara, n'est-ce pas ? Je traîne avec elle lorsque tu m'abandonnes. Elle sait pratiquement tout de moi, même le secret sur mon avenir. On est amis depuis nos débuts à Poudlard pratiquement. Et bien, peut-être que j'aimerais que ça aille plus loin. Franchement, je ne sais pas. Parfois, quand on est ensemble, j'ai envie de me rapprocher, de la prendre dans mes bras, de l'embrasser... Mais j'ai peur de me tromper. Si ça se trouve, ce n'est que l'expression d'une pulsion masculine. Si c'est ça et pas de l'amour, je ne veux pas risquer de perdre mon amitié avec elle. C'est trop précieux. Tu comprends ?

Et puis, il y a Carter. Tu ne la connais pas. Elle est serveuse dans un bar où je fais assez souvent des concerts. J'ai l'impression qu'elle voudrait qu'on soit plus qu'amis mais je ne sais pas... Enfin, elle est très sympa, intéressante et jolie. On a les mêmes goûts musicaux, c'est drôle. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de tenter l'expérience.

Il avait tout écouté du début à la fin, les yeux fermés, sans bouger. Son cœur hésitait entre s'emballer par la proximité réchauffante de Ju' et s'arrêter d'effroi à l'annonce de ces paroles dévastatrices sur le moral. Il choisit finalement de ralentir de façon significative, comme à moitié gelé. Ses yeux commençaient à s'humidifier, lentement mais sûrement.
Non ! Il ne fallait surtout pas laisser échapper une larme, une seule et ce serait la fin, la fin de tout... "je ne veux pas risquer de perdre mon amitié avec elle" ...
Ces paroles sentaient étrangement le déjà-vu... Le ressentit, l'affreux. Il voulait à tout prix que Ju' n'éprouve jamais au grand jamais les mêmes sentiments déchirants que les siens, en ce moment même.

Il voulait le meilleur pour lui. Il ne le laisserait partir que pour la meilleure. Quoi qu'il ressente. Mais il n'avait pas fini et soudainement il reprit :

_ Je n'ai que 18 ans mais j'ai envie de trouver la personne qui a été faite pour moi. Les relations sans avenir ne m'intéressent plus. Tu sais, mon père raconte toujours à mes frères et moi que ma mère et lui ont évolué longtemps côte à côte avant de sortir ensemble. Il dit que parfois, la personne qui nous est destinée à toute proche...

BoBom ! Son cœur fit un bond en avant. Lui l'avait déjà trouvé, il n'avait eut que quinze jour à attendre pour voir cette personne avec qui il désirait partager sa vie. La personne qui était à ses côtés en ce moment même. Il était absolument certain de ne pas faire d'erreur. Il avait mit 16 ans pour s'en rendre compte, en malgré sa raison, son corps le savait. Depuis le début.
Mais il savait également que ce n'était pas pour ça que ce sentiment était partagé. Il aurait tellement voulu. Sans qu'il ne s'en rendit compte, ses yeux s'étaient tournés vers ceux de la personne qu'il aimait, grands ouverts, emplis d'incertitude et d'espoir.
Comme un livre ouvert, pour la première fois depuis très longtemps. Jurei le vit et... détourna le regard, comme dérangé de son regard. Ce qui fendit une nouvelle fois Fenrir en deux, triste comme les pierres. Non, il ne pouvait être cette personne pour Jurei. Il ne pouvait se borner qu'à souhaiter le meilleur pour lui et à l'aider du mieux qu'il pouvait.

_ Qu'est-ce que tu penses de tout ça toi ?

Inspirant un grand coup, il se prépara à dire les meilleurs conseils qu'il pouvait. Bien avant son propre bonheur, il voulait absolument celui de son ami. La mort dans l'âme, il répondit :

- Avant tout, il fait que tu réfléchisse à laquelle de ces deux filles tu penses éprouver le plus de sentiment. Et voir si tu veux tenter l'expérience avec Carter.
Et je confirme que ces "pulsions" que tu éprouves envers Tamara sont, normalement de l'amour. Je vous ait vu ensemble de loin tous les deux, vous formerez un joli couple je pense, si l'un de vous se décide enfin. Si tu veux réellement sortir avec elle, si tu te penses prêt, tout ce que j'ai à te dire, c'est de te jeter à l'eau, lui dire de but en blanc.

Oui, il était très mal placé pour donner ces conseils. Mais d'un côté il se trouvait dans la même situation que Jurei, et d'un autre côté elle était complètement différente. Bien sûr que s'il faisait ça il casserait sans aucun doute une amitié, mais Jurei et Tamara avaient beaucoup plus de chance que finir ensemble que lui avec Jurei. Et eux deux étaient beaucoup plus dépendant l'un de l'autre que elle et lui, il n'osait même pas imaginer les conséquences auraient son acte. Autant du côté du jeune homme à ses côtés que du sien.

C'était de plus en plus dur de parler, sa bouche s'asséchait, comme si elle sentait qu'il n'avait pas envie de donner ces conseils. Chacun de ses mots lui étaient une véritable torture. Il espérait qu'au moins, pour tout le mal qu'il se donnait, son avis serait non pas suivi, mais au moins écouté avec attention. Le coeur lourd, il continua, le visage tourné vers le parc :

- Et pour Carter... Je ne la connait pas, je ne sais pas qui elle est, je ne peux rien dire sur elle. Mais je pense pouvoir dire si je vous voyais ensemble ce qu'elle ressent pour toi. Je ne suis pas devin, mais je pense en être capable.

Il fini sur un léger clin d'oeil vers son ami. Il se devait de lui rendre se service. Même si il lui était extrêmement néfaste, à un point qu'il n'osait à peine imaginé. Il jeta un discret coup d'oeil en direction de Jurei, qui semblait perdu dans ses pensées. Prenant tout à coup une soudaine inspiration, se rappelant des dernières paroles de son ami, il se laça avec une vigueur renouvelée :

- Mais tu ferais bien de suivre les conseils de ton père et de regarder à plusieurs reprise tout autour de toi avant d'emprunter un chemin. Et faire à attention à n'oublier personne, fut-ce la personne à laquelle tu n'aurais jamais pensée.

Il espérait qu'il comprendrait le message dissimulé, comme d'habitude, mais ne s'attendait pas à un véritable résultat. Comme il l'avait lui-même dit plus tôt, il fallait témoigner un sentiment clair, et non pas les messages codés qu'il envoyait sans cesse, de plus en plus désespérés. A moins qu'il n'aient été désespérés dès le départ. A méditer.

Fenrir avait été si silencieux pendant que Jurei le poignardait en plein coeur... Bien que ce dernier ignorait tout de l'étendue de cette cruauté, est-ce que ça consistuait une excuse valable devant le Tribunal de l'Amour à l'heure de son jugement ? Qui sait comment il aurait réagi s'il avait fini par s'en douter ne serait-ce qu'un peu...
Pour le moment, il gardait les doigts en son ami étroitement enlacés avec les siens et écoutait ses réponses déformées par le mensonge découlant du secret qu'il voulait préserver.

- Avant tout, il fait que tu réfléchisse à laquelle de ces deux filles tu penses éprouver le plus de sentiment. Et voir si tu veux tenter l'expérience avec Carter.
Et je confirme que ces "pulsions" que tu éprouves envers Tamara sont, normalement de l'amour. Je vous ai vu ensemble de loin tous les deux, vous formerez un joli couple je pense, si l'un de vous se décide enfin. Si tu veux réellement sortir avec elle, si tu te penses prêt, tout ce que j'ai à te dire, c'est de te jeter à l'eau, lui dire de but en blanc.
Et pour Carter... Je ne la connait pas, je ne sais pas qui elle est, je ne peux rien dire sur elle. Mais je pense pouvoir dire si je vous voyais ensemble ce qu'elle ressent pour toi. Je ne suis pas devin, mais je pense en être capable.

Un joli couple avec Tamara ? Sans doute. En fait, ce n'était pas la première fois qu'on lui disait ça. Mais au fond, c'était quoi un "joli couple" ? Fenrir pensait qu'il éprouvait de l'amour pour elle et, s'il n'y avait qu'une seule chose de sûre dans l'Univers, c'était bien qu'il savait tout ce qu'il y avait à savoir sur Jurei. Aucun doute possible dès lors qu'il croyait avoir décelé quelque chose chez lui.
Alors qu'il aurait du être enjoué par cette nouvelle certitude, une ombre de tristesse traversa le beau visage du musicien.

- Mais tu ferais bien de suivre les conseils de ton père et de regarder à plusieurs reprise tout autour de toi avant d'emprunter un chemin. Et faire à attention à n'oublier personne, fut-ce la personne à laquelle tu n'aurais jamais pensée.

Son sourire revint immédiatement. Il leva la tête vers Fenrir et plongea dans ses yeux bleu-gris tout à coup si sérieux. Pendant une fraction de seconde, il crut intercepter un message. Il entrouvrit légèrement la bouche et promena discrètement sa langue sur sa lèvre inférieure avant d'aller la planter sous l'une de ses canines. Il plissa les yeux pour se faire un regard perçant et sourit encore avec malice. Il lâcha les doigts de son ami pour poser sa main sur sa joue et il souffla d'un air des plus narquois :

_ Fais bien attention à ce que tu dis, mon vieux. Je pourrais bien te choisir. Après tout, c'est toi que j'aime le plus au monde. Tu serai bien embarrassé alors...

Il retira sa main et se laissa aller contre le tronc de l'arbre en fermant les yeux. Lui et Fenrir ? L'idée était amusante. Saugrenue, mais amusante. Les paupières toujours closes, il se concentra un moment sur le bruit du vent dans les feuilles du chêne. Jolie musique.
Puis, se souvenant d'une conversation avec la jeune serveuse, il dit :

_ Carter et moi avons décidé de faire une fête pour rassembler nos amis et faire tous connaissance. Je veux que tu viennes avec moi. J'envisageais d'y emmener aussi Tamara mais je ne sais pas si c'est une bonne idée du coup. Mais toi tu viendras, n'est-ce pas ? Il faut absolument que tu viennes.

Sans attendre sa réponse qu'il pensait connaître, il soupira :

_ Tu te rends compte que c'est notre dernière année ensemble, Fenrir ? Je veux dire, la dernière année où on peut se voir tous les jours. Après ça, il faudra qu'on cherche du travail et il y a fort à parier qu'ils nous éloigneront l'un de l'autre. Ça m'attriste d'avance... On devrait en profiter pour faire tout ce qu'on a envie de faire ! Les trucs les plus dingues ! Est-ce qu'il y a quelque chose te fait envie ?

Sadisme, sadisme sadiiiiisme, quand tu nous tiens...

_ Personnellement, j'aimerais bien aller camper dans la forêt interdite. Histoire de voir s'il y a des créatures magiques nocturnes dont on ne nous a pas parlé. Ça doit être pas mal dangereux par contre, mais bon...

"Pas mal" ? On pouvait dire ça comme ça oui. Jurei rouvrit les yeux et tourna son visage souriant vers son ami d'enfance.

_ Qu'est-ce que tu en dis ?

Fenrir avait comme d'habitude essayé de se mettre en valeur auprès de Jurei, voir si c'était réellement envisageable. Sans espérer vraiment, il lui avait dit de faire attention, mais il savait qu'il ne tiendrait pas compte. Pourquoi le ferait-il ? Parce que c'était plus osé que d'habitude ? Ju' eut l'air de saisir le message, et voulu en... "plaisanter".

_ Fais bien attention à ce que tu dis, mon vieux. Je pourrais bien te choisir. Après tout, c'est toi que j'aime le plus au monde. Tu serai bien embarrassé alors...

Si Fen' avait été en train de boire ou de manger quelque chose à cet instant précis, il serait mort d'étouffement. Enfin, à ce moment-là, il ouvrait légèrement la bouche sans arriver pourtant à respirer, bloqué. Son cœur aussi avait semblé cessé de battre. Totalement bloqué, pris au dépourvu. Pauvre petit. L'endroit où il parcouru sa joue vu sa température soudainement et étonnement monter en flèche.

Tout à coup, l'air pu à nouveau entrer dans ses poumons, son cœur s'agita dans sa poitrine comme un malade. Il se força à regarder son ami, et remarqua son visage éclairé, sa mine réjouie, sa langue caressant la pointe de sa canine. Comme quand il venait de faire une bonne blague. Ouf, pas besoin de s'affoler, c'est bon, il rigole. Il inspira un bon coup et se décida de prendre le ton de la plaisanterie, lui aussi. Avant que Ju' n'ait eu le temps de retirer sa main de sa joue, il la lui saisit vivement. Il savoura la texture douce de sa peau dans sa main, toute chaude, pendant qu'un large sourire s'étirait sur son visage. Il espérait que ce sourire de contentement puisse passer pour un sourire enjoué, blagueur, et dit :

- Fais attention également, je pourrais bien dire oui après tout. C'est toi la personne que j'aime, tu te rappelles ? Et là, ce serait toi qui serait gêné... n'ai-je pas raison ?

Fenrir prit un petit sourire en coin, celui qu'il prenait quand il était sûr d'avoir raison. Car, oui, malheureusement, il était persuadé d'avoir raison. Enfin... c'est qund même étrange de voir à quel point deux phrases presque identiques peuvent changer de par le ton et les intentions derrière... non ?
Continuant la plaisanterie, au point d'aller trop loin, les yeux toujours rivés dans ceux de Jurei, il porta sa main près de sa bouche et effleura ses doigts du bout des lèvres.

Cette simple action fit naître des frissons le long de son dos, un léger vertige s'empara de lui. Essayant de rester calme et maître de lui, il abaissa doucement leurs mains jointes et les posa entre eux deux, sur l'herbe, sans les séparer. Il avait l'impression après coup, d'être allé trop loin. Beaucoup, beaucoup trop loin.
Plus le moment de faire demi-tour, la discussion avait déjà changé de toute façon, Ju' avait repris le cours de la conversation. Quand il lui proposa de l'accompagner à une fête qu'il organisait avec Carter, pour ensuite l'ordonner de venir, il ne pu que sourire. Il connaissait déjà la réponse de toute façon. Fenrir n'aimait pas trop les fêtes, trop de monde, mais c'était autre chose là, il se devait d'être présent puisque c'était un Fairshield qui organisait. Et pas n'importe lequel...

Dernière année... Que le temps passait vite. Enfin, ce n'était pas les deux dernières qu'il allait regretter, mais les premières avaient été tellement géniales... Il soupira de dépit. Sept ans, mine de rien ça passe vite. Ju' avait raison, après ça ils se verraient beaucoup moins. Un sentiment d'urgence et de désespoir s'empara de lui. Il ne voulait pas le quitter, non, non, il ne devait pas le quitter. Comment Jurei allait-il faire sans lui. Et lui, Fenrir, comment allait-il faire sans lui !!? Oui... il fallait absolument profiter de ces instants ou ils pouvaient être ensemble, librement. Ces instants ou ils étaient tous deux libre comme le vent, sans obligations ni responsabilités. Il leva la tête, son ami d'enfance était en face de lui, la mine réjouie d'avance. Insouciant et tellement chaleureux. Il lui sourit simplement, et répondit avec vigueur :

- Oui, faut vraiment qu'on s'active, le temps ne nous attendra pas pour avancer ! Je suis tout à fait partant pour une ballade dans la forêt, ça devrait être marrant !

Fenrir eut un petit sourire diabolique et ajouta d'un air conspirateur :

- J'espère que tu penses à une créature vraiment effrayante, sinon ça sera pas drôle. Enfin bon, de toute façon je serais là pour te défendre si tu as peur Razz

Il fit un grand sourire, comme pour se faire pardonner. Il savait qu'il n'était pas froussard, très très loin de ça même, mais il ne pouvait s'empêcher de le taquiner. Il eut soudainement l'impression qu'entre Ju et lui, après une période où ils s'étaient un peu écartés, tout était redevenu... normal. Comme avant. Oui, il devait profiter des instants ensemble, il voulait le voir plus, le jeune Fairshield le disait-lui même qu'il lui manquait. Ah ! Il avait oublié quelque chose. Il releva la tête brusquement et demanda, candide :

- Tout ça est prévu pour quand ? Je veux dire, y a déjà une date de prévue pour la fête que tu prévois avec Carter ? Et... et notre virée dans les bois, tu comptes la faire quand ? 'Fin, si t'as une idée, hein.

- Fais attention également, je pourrais bien dire oui après tout. C'est toi la personne que j'aime, tu te rappelles ? Et là, ce serait toi qui serait gêné... n'ai-je pas raison ?

Hein ? Fenrir répétait ce qu'il lui avait dit ? Non pas tout à fait. Il y avait une dimension supérieure dans sa formulation et dans le ton employés. Qu'est-ce qui lui prenait ? Et d'abord pourquoi cette question ? Bien sur qu'il avait tord ! Comme que son ami fasse, le jeune homme se serait jamais embêté. C'est ce qu'il voulut lui dire mais il fut interrompu par Fenrir qui porta sa main qu'il avait gardé entre les siennes jusqu'à ses lèvres pour les effleurer d'une petite moue sensuelle absolument captivante. La scène était vraiment devenue irréelle. Il avait un peu de mal à respirer et ne pouvait pas détacher ses yeux du regard perçant de son meilleur ami. Puis ce dernier abaissa leurs mains l'air de rien. Il entendait sa voix répéter en boucle dans sa tête comme un écho "c'est toi la personne que j'aime" et il avait le sentiment très intime de toujours avoir su ce que cela cachait. Comme toujours, l'incrédulité qui le prenait pour cible dans ces moments-là effaça cette réflexion de sa mémoire.
Désemparé, Jurei de retour à la raison se sentit obligé d'enchaîner sur l'idée de profiter au maximum du temps qui leur restait à Poudlard. Son camarade avait l'air ravi par la proposition.

- Oui, faut vraiment qu'on s'active, le temps ne nous attendra pas pour avancer ! Je suis tout à fait partant pour une ballade dans la forêt, ça devrait être marrant ! J'espère que tu penses à une créature vraiment effrayante, sinon ça sera pas drôle. Enfin bon, de toute façon je serais là pour te défendre si tu as peur.

Jurei rit de bon coeur. Il n'avait jamais peur des créatures magiques qu'il étudiait mais c'est vrai que la présence de Fenrir à ses cotés rendrait l'expérience nettement plus agréable.

- Tout ça est prévu pour quand ? Je veux dire, y a déjà une date de prévue pour la fête que tu prévois avec Carter ? Et... et notre virée dans les bois, tu comptes la faire quand ? 'Fin, si t'as une idée, hein.

_ Je ne sais pas, le plus tôt possible, répondit-il d'un air songeur. Mes frères et moi avons bien envie de donner une petite fête à la maison aussi. On pensait au weekend prochain parce que les parents ne seront pas là.

Une idée de Kiwan ça encore, le plus malicieux des quatre.
Les deux Serdaigle continuèrent de bavasser de tout et de rien jusqu'à ce qu'approche l'heure de leur prochain cour. Là, Jurei se leva et tendit la main à son ami pour l'aider à en faire autant. Le contact de leurs mains liées avait toujours été très agréable au jeune Fairshield... C'est cote à cote qu'ils retournèrent au château.

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