Keiji n'avait jamais repéré ce restaurant auparavant, ce qui était assez étonnant car il aimait réellement la bonne mangeaille et il était peu doué pour la cuisine. Il entra donc dans l'établissement, d'un pas alerte et sans marquer d'hésitation.
Il était habillé de son éternel blouson de cuir (un cadeau qu'il se fit à lui-même alors qu'il n'avait qu'une vingtaine d'années), son casque de motard sous le bras. Il resta debout un moment, regardant de droite à gauche, embrassant du regard la pièce, un sourire béat aux lèvres (comme à son habitude, remarquez).
Semblant se rendre compte qu'on l'observait, il se dirigea vers une table, un peu confus, fit une geste vers un couple de dineurs comme pour excuser son comportement, puis s'assit enfin.
C'était un beau restaurant, se disait-il (bien qu'il ne fut guère difficile en fait), et il aimait la gastronomie Italienne... En fait, il aimait toutes les gastronomies, tant il était gourmand. Il était étonnant, tout bien réfléchie, que quelqu'un qui aimait tant la ripaille fut aussi mince. Il passa commande d'un simple verre d'eau, pour commencer, qui lui fut apporté dans une carafe. (il n'avait commandé qu'un verre, si dit-il, mais il ne voulait contrarier personne et n'en fit pas la remarque). Il but une gorgée, eut un geste approbateur comme s'il eut goûté un grand vin et admira la carafe (pourtant toute simple) en la tournant pour mieux la voir.
Une serveuse passa prendre sa commande (Keiji prit le premier plat qui lui tomba sous les yeux) en rougissant légèrement (toujours cette maladive timidité), puis but une autre lampé d'eau. Il avisa le couple de dineurs et leva son verre en leur direction, en un geste amical et s'abandonna dans la contemplation du menu. Apparemment, soit il ne se rendait pas compte que son allure détonait dans ce restaurant chic, soit il s'en moquait royalement. Il se frotta vivement les mains et attendit sa commande.