Par un bel après-midi, alors qu’Angel se prélassait confortablement dans sa salle commune. C’était chouette de ne pas avoir cours ce jour-là. Malheureusement, les devoirs fats, il ne restait plus grand-chose d’autre à faire que de s’endormir au coin du feu. Assoupie, yeux clos, elle somnolait gentiment lorsqu’une élève surgit brusquement en beuglant :
Il paraît que l’on a perdu Mimi Geignarde ! On la cherche partout.
Angel sortit de sa torpeur en se frottant les paupières.
Hein ? Qu’est-ce que tu racontes ? Elle n’est plus dans ses toilettes ?
L’autre Serdaigle assura que non et qu’une chasse pour la retrouver était organisée. Angel sauta sur ses pieds, gaillarde :
Moi, j’y vais ! cria-t-elle enchantée d’un peu d’action dans sa monotonie. Qui en est ? Allez, remuez-vous.
Personne ne semblait prêt à l’aventure. La jeune fille haussa les épaules. Elle se dirigea vers la sortie en grommelant tout bas :

Tous des pantouflards, ici !

Une fois dans les couloirs, elle se demanda par où commencer ses investigations. Mimi, ce fantôme pleureur, devait bien être quelque part. Explorer les salles était sans doute une mauvaise idée puisqu’elle risquait d’y déranger plusieurs personnes sans y avoir été invitée. Elle se dirigea donc vers le second étage d’où avait disparu le fantôme.
En chemin, elle croisa une fille de Poufsouffle : Opal McLane. Elle avait déjà eu l’occasion de la fréquenter en faisant du jogging dans le parc. C’était une Australienne peu ordinaire, toujours prête à foncer tête baissée dans un tas d’embrouilles.
Salut, Opal. Qu’est-ce que tu fais-là, tu as l’air perdue ? Moi, je cherche Mimi. Tu sais qu’elle a disparu ? Si tu veux, on la cherche ensemble ?
Angel attendit impatiemment la réponse de sa récente amie.

Les heures semblaient s’allonger à l’infini. Rien de moins engageant qu’être confinée entre les sobres murs de l’école. Dehors, le climat interdisait toute tentative de promenade, il faisait trop froid et un crachin mêlé de neige rendait l’ambiance encore plus grise, presque triste. Cela faisait un bon moment qu’Opal avait quitté la salle commune de Poufsouffle pour vaquer, comme âme en peine dans les couloirs, à la recherche de son chat et qui sait, si avec un peu de chance, rencontrer quelqu’un d’assez sympathique pour engager une bonne petite conversation, jouer aux cartes, aux devinettes…enfin pour faire n’importe quoi d’autre que mourir d’ennui…

Ces voeux se virent exaucés avec l’apparition de la jeune Serdaigle, Angel Grisham.
La bleu et bronze fonça pratiquement sur elle, un sourire ravi aux lèvres et porteuse d’une nouvelle assez loufoque :

Mimi a disparu…je vais la chercher…tu viens avec moi ?

Opal mit une minute pour digérer la nouvelle…il se passait des choses vraiment bizarres dans cette école ! Mais cette proposition lui tombait parfaitement bien…après tout se mettre à la recherche d’un fantôme lui semblait bien plus intéressant que donner la chasse à un chat qui, tôt ou tard, reviendrait tout seul.

Bien sûr que je viens avec toi…elle est trop bonne cette histoire…alors, tu dis que Mimi a disparu…la pauvre, elle a dû en avoir assez de pleurer toute seule…Par où commençons nous ?…Parce que chercher un fantôme…c’est facile à dire…

Comme elle s’y était attendue, Opal avait immédiatement sauté sur l’occasion de se remuer un peu. Elles partirent donc en exploration. Ce n’était pas donné d’avance car ce château séculaire recelait bien des mystères. Outre ses 142 escaliers, ses sept étages et ses tours… sans compter les sous-sols, voilà de quoi s’occuper pour… des jours. Or, il y avait urgence en la matière. D’un commun accord, les deux filles se laissèrent guider par l’instinct. Malheureusement, il sembla quasi impossible d’y parvenir ainsi.
Et si on interrogeait les tableaux ? demanda soudain Angel prise d’une inspiration subite. Ils ne répondront sûrement pas tous, mais…

L’idée fut adoptée d’emblée. Aussi les gamines parcoururent-elles les couloirs du second étage en questionnant ici où là, les nombreux portrait croisés.
Pardon de vous déranger, avez-vous vu Mimi Geignarde ?
Combien de fois posèrent-elle cette énigme ? Il s’en passa du temps avant, qu’enfin, un vieux sorcier aux allures féroces ne leur donne un semblant de réponse :
Elle est passée à travers mon tableau ! Elle est folle, cette fille, elle n’arrêtait pas de chialer. Je l’ai éjectée et je crois qu’elle est partie vers le quatrième étage.
Ravies d’obtenir enfin une indication, la jaune et noir avait accompagné la bleue et bronze dans les escaliers menant à cet étage où, entre autre, se trouvait la bibliothèque.
Le même scénario se reproduisit, elles interrogèrent les portraits animés. Aux réponses reçues, les filles surent qu’elles brûlaient car tous affirmaient avoir été visité par le fantôme recherché.
Courage Opal, on va y arriver, dit Angel pour soutenir son amie. Moins de quelques pas plus tard, elles perçurent nettement d’étranges lamentations :
Bouhhhhhhh, personne ne m’aime. Bouuuuhhhhhh

Angel et Opal restèrent sidérées devant le tableau vers lequel les cris les avaient guidées. Quelle scène étrange. Là, au milieu d’une bande de sorciers attablés dans une auberge, le fantôme attendu se lamentait à grands renforts de pleurs. Mimi, car ce ne pouvait être qu’elle, dérangeait copieusement les consommateurs de l’établissement représenté : tous se bouchaient les oreilles en plaquant leurs mains dessus. Certains virent les filles arriver et levèrent vers elles des regards où l’on pouvait lire comme une lueur d’espoir. Ces gens voulaient le calme et que Mimi geignarde arrête … de geindre.
Angel apostropha aussitôt la pâle jeune fille à lunettes qui sanglotait à fendre l’âme :

Hé ! C’est toi Mimi Geignarde ?

L’autre arrêta ses lamentations et tourna un visage ravagé vers les deux filles auxquelles elle répliqua assez rudement.

« Oui ! Qu’est-ce que ça peut bien vous faire ? Vous venez encore vous moquer de moi ? »

Opal et Angel s’étaient regardées avec effroi. Que chantait ce fantôme ? Opal se souvint du fait que Mimi était devenue fantôme pour s’être réfugiée dans les toilettes parce qu’on s’était moqué de ses lunettes. Elle dit :
Mais tes lunettes ne sont pas moches du tout.
Le fantôme le prit très mal :
Il n’est pas question de cela, ici ! On m’a dit… On a osé me dire…. ( le ton redevint pleurard) que je n’était qu’une fantômette sans cervelle et que personne ne m’aimait.
L’Australienne réagit aussitôt.
Tu as tort. Nous… on t’aime bien.
Le fantôme releva un sourcil très circonspect. Il aboya :
Prouvez-le !
Opal et Angel se consultèrent du regard. La petite anglaise donnant un accord muet à son amie, celle-ci enchaîna :
Comment veux-tu que nous te le prouvions ?
La réponse du spectre les sidéra :
Faites-moi rire, ça me changera.
Pour un défi, c’en était un. Opal réagit :
Te… faire rire. Euh… regarde !
D’un geste de sa baguette, l’Australienne se colora les cheveux en rose puis en bleu, puis en vert.
Hélas, Mimi demeura de marbre.

Tout y passa…blagues, transformations de tout genre…Opal, elle commençait à avoir mal au ventre de tant rire…au moins ce serait ça de gagné…Fichu fantôme…pas le moindre sens de l’humour et ce malheureux plaisir de rendre fous les autres à force de se lamenter.
Opal pressentait que bientôt elles auraient épuisé tout le répertoire et Mimi n’avait même pas souri…quelle misère ! La pauvre avait sans doute ses raisons mais la jeune australienne commençait à en avoir vraiment ras le bol.

Ecoute, Mimi…tu dois quand même faire un petit effort…un tout petit sourire fera l’affaire...et tu verras, après tu vas te sentir mieux !

Mais évidemment la fantômette n’avait aucune envie de collaborer…au moins en se plaignant comme ce qu’elle était, une âme en peine, elle réussissait à attirer l’attention.
Cela faisait un bon moment qu’elle avait à sa merci ces deux filles qui ne savaient plus où en donner de la tête pour la faire rire.

Dommage qu’on ne puisse pas lui faire des chatouilles, pensa Opal, mais si elle ne rit pas d’ici cinq minutes…j’abandonne…c’est ridicule… essayer de raisonner avec un fantôme borné comme celui là !

Manifestement, Mimi ne réagissait pas aux sollicitations pourtant hilarantes des deux filles. Angel était à court d’idée. Elle ne savait plus quoi inventer. Faire rire ce fantôme ? c’était démentiel, elle était bien trop encroûtée dans sa mélancolie. Angel essaya :
Tu es mignonne, tu sais et tes lunettes sont très belles
Pas de réaction.
Si tu veux, on peut jouer, tu aimes jouer ?
Quel genre de jeu ? ronchonna Mimi
Ben, heu, là, Angel fut coincée.
Cache-cache ? Je… je disparais et tu devines où je suis ?
Le fantôme haussa les épaules. Par contre, les autres occupants du tableaux semblaient hilares, eux. Angel devait faire quelque chose, n’importe quoi. Elle courut à l’autre bout du couloir et fonça dans la première salle à proximité. Oui ! Là… éberluée elle vit un objet absolument inouï. C’était un miroir. Lorsqu’elle s’en approcha Angel découvrit son reflet entouré de médailles diverses. Elle savait ce que c’était : le miroir du risèd. Voilà ce qui manquait à Mimi, voir ce que son cœur désirait. Aussitôt, Angel tenta de déménager le lourd objet. Ce ne fut pas simple et elle transpira beaucoup pour y arriver.
Oui, après plusieurs essai, elle parvint à amener le miroir devant le tableau où siégeait le fantôme. Elle le plaça devant Mimi et dit
Regarde-toi. Que vois-tu ?

Mimi fut surprise puis… éclata de rire :
Je me vois, belle, honorée et reconnue de tous !
Ben, mission accomplie, alors ? Tu regagnes tes toilettes ?
Mimi approuva