Le refuge temporaire [FE]

A demi écroulée sur la table, Dess déploya un carnet vierge dont elle rabattit la couverture de cuir bleu. Elle trempa sa plume dans l’encrier et se mit à écrire à toute vitesse.

Bonjour mon cher journal. Je te débute aujourd’hui car je n’ai plus que toi à qui me confier. Je viens de commettre un acte inqualifiable : j’ai quitté mon mari. Rien de définitif… du moins je l’espère.
Je suis là, comme une andouille à pleurer des torrents de larmes vaines. Il me trompe, il ne m’aime plus, moi si, oh tellement. Il ne saura pas, je ne veux pas qu’il sache pourquoi je me sépare de lui. Qu’il fricote avec une autre… n’est pas important pour l’instant. Je lui ai menti, ça ça me tue car je ne l’avais jamais fait. J’y suis obligée. Tu sauras pourquoi comme Charlie le sait déjà.
Tout avait si bien commencé. Pourquoi l’ai-je rencontré ? Hiro… En une seconde ma vie a basculé pour un baiser sur la main puis sur les lèvres. Comme tu me manques déjà mon amour. Mes premières heures sans toi sont un calvaire. As-tu trouvé mon doigt ? Tu as sûrement ri et tenté de le jeter au feu. Il résistera à tout. Il est protégé pour se replacer si tu le désires.
Quelle fabuleuse aventure nous avons vécue. Elle n’est pas finie ; tu dois le savoir autant que moi. Tu arrives à te montrer si tendre, si aimant quand tu veux. Bien sûr il y a cette part de « folie » qui est malheureusement incrustée en toi. Elle m’a obligée à partir.
C’est fou, je suis censée parler au journal et c’est à toi que je parle car toi, tu es aussi en moi : dans ma tête, dans mon coeur, dans mon ventre.

J’ai choisi ce lieu après ma chute dans les escaliers. Je me doutais que tu me répudierais, aussi j’ai préparé mes arrières en achetant cette humble chaumière. Je n’ai pas pris un seul Gallion dans notre coffre à Gringotts mais je ne suis pas sur la paille pour autant. J’avais ma paye de prof, et quelques petites économies. Cela ne suffira pas longtemps, je vais devoir travailler. J’ai eu l’occasion de partir en mission pour l’Ordre et j’y ai rencontré des Aurors. J’étais déjà espionne du Ministère. Je crois qu’ils ne verront aucun inconvénients à m’intégrer. Je sais me battre, et même très bien. Non seulement avec une baguette mais aussi avec d’autres armes : poisons, arc, couteau. Je suis un peu rouillée mais ma forme va revenir très vite à présent que je suis loin de toi. Je le sais car à part pleurer, je mange ! J’arrive enfin à tenir ce que j’absorbe. Demain, j’irai voir le ministre qui sera forcé de m’accorder un poste honorable.

Dess reposa sa plume. Elle se sentait vraiment bizarre : à la fois déchirée et exaltée. Une nouvelle existence s’ouvrait pour elle. Que lui réservait-elle ?
Elle observa sa petite chambre. Peu de mobilier l’ornaient : lit double, penderie, bureau avec chaise. Elle était revenue aux années sombres de sa vie. Après avoir vécu des mois de luxe… Bah ! Elle arriverait bien à ses fins.

Le passage au ministère ne fut qu’une formalité. Les effectifs en Aurors étaient tellement diminués que toutes les recrues plus ou moins capables de ne pas se faire tuer dans les 10 premières minutes d’un affrontement se voyaient aussitôt engagées. Dess dut se soumettre à divers tests. Elle passa l’ensemble haut la main : du Stupefix au Feudeymon en passant par le Paro Finctus et le Protego Horribilis. Elle ne rata que l’aptitude physique. Sa faible carcasse ne résista pas longtemps à plusieurs sauts et rebonds imposés.
Son inspecteur la réprimanda :

Vous n’avez que la peau sur les os ? Vous êtes malades ? Un séjour à Ste Mangouste vous remettre sur pied.

La jeune femme avait protesté :

Je serai opérationnelle dans peu de temps. J’ai eu… des ennuis de santé mais tout va aller bien, maintenant.

Personne ne savait, hormis Charlie Wolff. Le secret serait bien gardé et certains sortilèges pouvaient s’avérer très utiles dans son cas.

Rentrée dans son modeste logis, Desdémone sourit. En un tour de baguette, elle fit apparaître un festin de roi qu’elle s’appliqua à déguster comme il se doit. Que c’était bon de manger sans devoir courir tout régurgiter ! Elle s’efforça de ne penser à rien pour ne pas gâcher son plaisir. Images, souvenirs la torturaient à longueur de temps, elle faisait de son possible pour demeurer sereine mais ne pouvait empêcher les larmes de saler ses aliments.

* Arrête de penser à lui ! Comme s’il pensait encore à toi, gourde ?*

Une courte sieste plus tard, Dess sortit dans le minuscule jardin attenant à la maison. Les voisins étaient loin, nul ne la dérangerait d’autant que son nid était hautement protégé contre les intrusions.

Suivit un entraînement digne d’un combattant. Une heure de jogging précéda une demi-heure de poids et altères. Abdominaux, pompes, Dess ne s’épargna rien.

C’est un peu titubante et complètement lessivée qu’elle s’accorda un long bain réparateur.

* ça sera mieux demain.*

Elle se laissa barboter dans l’eau chaude jusqu’à ce qu’un bruit la fasse sursauter.

Contrairement à ce qu'elle avait supposé, sa démarche auprès du ministère, pour postuler comme Auror, avait été facile et rapidement expédiée...on l'avait acceptée après quelques épreuves d'aptitude, qu'elle passa sans problèmes et un examen physique qui laissa au clair qu'elle était splendidement en forme...son jogging quotidien à Central Park et ses visites au Fitness payaient!

C'est ainsi, que la fraîchement promue, Auror Charlie Wolff se mit en chemin pour aller trouver son amie Desdémone. Les deux femmes avaient sympathisé dès leur première rencontre et une solide amitié les unissait désormais.

Elle trasplana prés de l'adresse indiquée par Desdémone et realisa se trouver dans un quartier plutôt défavorisé, où des demeures de triste aspect s'alignaient comme des braves petits soldats.

*Par Les sabots de Belzebuth...où est venue atterrir Dess? Elle doit être désespérée pour venir se réfugier dans un endroit pareil... *

Avec une moue de dégoût, la jeune femme ramassa les pans de sa robe et cape pour franchir une flaque boueuse et se dirigea vers une maisonnette assez délabrée. Un petit carré de verdure tenait lieu de jardin du devant...si on pouvait appeler jardin ce fouillis de végétation sauvage et mauvaises herbes. Du fond du cœur elle espérait que son amie ait enchanté l'intérieur pour le rendre plus confortable mais tenant compte de l'état d'âme de Mrs. Shima lors de leur dernière rencontre, elle en avait des sévères doutes.

*Je vais la sortir d'ici, foi de Charlie...*

Et d'un geste très décidé, frappa à la porte...

Au bruit d’en bas, le cœur de Dess s’accéléra étrangement puis elle se détendit. Une seule et unique personne connaissait son adresse. A moins qu’un voisin ne vienne lui demander quelque chose, il ne pouvait y avoir de doute sur l’identité du visiteur.
La jeune femme passa un peignoir à toute vitesse et dévalla l’escalier. Elle ouvrit grand la porte et sourit :

Charlie ! Je me doutais que c’était toi. Entre ! Excuse ma tenue, je sors du bain. J’ai fait beaucoup de gym aujourd’hui afin de récupérer ma forme.

Dess précéda son amie dans la petite pièce qui faisait office de living-salon. Elle ne fut pas sans remarquer la moue dégoûtée de la psychologue qui hésitait à s’asseoir sur l’unique fauteuil.

Je sais, soupira Dess en prenant une chaise. C’est… très différent de chez… d’avant. Je dois m’en contenter. Je n’ai pas pris un seul Gallion au coffre de... je suis partie sans rien, seulement avec ce que je possédais en propre. Mais je me débrouille. La paye du ministère suffira pour me nourrir et dans quelque temps, je trouverai un plus beau quartier pour…

Un sourire attendri joua sur ses lèvres, une main se posa sur son ventre.

Il a bougé hier ! C’était… magique !

La voix de Dess se cassa, elle secoua la tête pour faire refluer la vague de tristesse qui menaçait de la submerger. Elle aurait tant voulu partager ce moment avec l'amour de sa vie.
Elle changea de sujet comme à chaque fois qu’elle était embarrassée.

Tu veux du thé, du café ? J’ai fait quelques biscuits, aussi.

L'intérieur de la demeure confirma les craintes de Charlie. Dess se laissait dangereusement aller. Il était vrai qu'elle avait meilleure mine mais le chagrin la rongeait toujours misérablement, ce qui n'était pas du tout à conseiller vu son état.
La jeune femme lui offrait du café ou du thé mais Charlie n'avait pas tête à penser à ça, son seul souci était de trouver une solution convenable à cette situation.

Ma chérie, il est impensable que tu restes ici une minute de plus, en la voyant sur le point de protester elle leva la main, pas une minute de plus, te dis je...inutile de dire quoi que ce soit...je suis ton amie et tu m'as gratifiée de ta confiance...comme telle, je me prendrai la liberté de décider pour toi...et pour ce bébé...alors, sans te rebiffer tu vas me faire plaisir et mettre tes choses dans ta malle...ou si tu veux je m'en charge!

Comme Desdémone la regardait sidérée par cet éclat énergique, Miss Wolff sourit malicieusement et la prenant du bras la força à prendre place dans l'unique fauteuil.

Tu vas rester là, toute tranquille. Je m'occupe de tout!

Dix minutes plus tard Mrs. Shima dut se rendre à l'évidence que son amie ne plaisantait pas, ses affaires avaient été mises dans une grosse malle, une chaude cape doublée de fourrure avait été posée sur ses épaules et Charlie faisait une rapide inspection des lieux pour voir si on n'oubliait rien, quand elle se déclara satisfaite , la new yorkaise revint vers son amie, son sourire franc et chaleureux lui éclairant le visage.

Prête à commencer une nouvelle vie, ma chérie? Tu vas être ravie avec ce que j'ai préparé pour toi...et pour moi aussi. J'ai décidé que tu ne peux pas vivre toute seule...dans ton état on n'est pas libres de surprises et en plus tu couves encore cette dépression...et je parle autant comme ton amie que comme psy...alors tu vas vivre avec moi et tu laisseras que la bonne vieille Charlie prenne soin de toi et ton futur rejeton..., elle remettait en place des mèches folles qui s'obstinaient à lui tomber sur le visage, ses yeux bleus avaient cet éclat rieur mais têtu que Desdemone commençait à connaître si bien, je dois te confesser que je commençais à drôlement m'ennuyer toute seule, l'école ne m'offre pas tout ce que j'attendais...alors j'ai déménagé à un petit cottage tout mignon où il y a de la place à revendre et...j'ai rejoint les Aurors...finie la Charlie commode qui ne veut que son confort...d'ores en avant, on va donner du fil à retordre aux méchants...qu'est ce que tu en dis?, avant que son amie réussisse à placer un traître mot, elle donna un coup de baguette vers les bagages et les fit disparaître en un clin d'œil, et maintenant, Desdémone Baddream...on va à la maison!

Un instant plus tard, la vieille demeure branlante n'était qu'un mauvais souvenir. Déserte et sombre, elle ne servirait de refuge qu'aux souris et araignées...