Certains jours, vous feriez mieux de ne pas vous lever. Celui-là en fut un, et de taille.
A l’origine, rien ne distinguait cette matinée des habituelles vécues à Poudlard par Angel Grisham, jeune sorcière en 7ème année d’études.
Cette demoiselle se doucha puis s’habilla comme de coutume. Son uniforme impeccable sur le dos, un sac empli de parchemins, livres et en-cas ( toujours la peur des fringales intempestives) Miss Grisham quitta la tour des Serdaigle en espérant gagner la grande salle où le petit déjeuner l’attendait. Petit est un faible mot pour qui connaît la propension du collège à gâter ses ouailles.
Angel escomptait donc se bâfrer joyeusement de crêpes et autres gâteries lorsqu’elle aborda l’escalier du troisième étage. Un virage serré la conduisit droit vers…
« Hein ? »
Interdite, Angel secoua la tête d’incompréhension. Pour la première fois depuis six années ( elle a sauté un an) elle se trouvait devant une porte totalement inédite.
Jaune, assez haute, brillant d’un éclat surnaturel, cette ouverture semblait la narguer.
Si Angel n’avait pas possédé ce caractère aventureux développé au fil des ans, jamais elle n’aurait osé. D’ailleurs elle hésita copieusement face à ce problème.
* Grisham, se gourmanda-t-elle intérieurement, tu es véritablement folle. Tu sais qu’il vaut mieux s’abstenir de toucher à quelque chose d’inconnu, surtout si ça paraît magique.*
Poudlard était réputé pour son enseignement et ses… bizarreries. Là…
Malgré toutes ces bonnes raisons de se méfier, la Serdaigle ne put résister, tant pis.
La tentation fut trop forte, Angel poussa la poignée et avança. Elle partit aussitôt dans une sorte de tourbillon aveuglant. Elle s’envola, tout son univers s’évanouit.
Un atterrissage assez rude succéda à cette espèce de transplanage involontaire.
A quatre pattes, Angel eut la surprise du siècle : elle se trouvait sur un tapis… de sable.
La porte avait disparu. A sa place…
Ooooh…
D’abord éblouie par un soleil fulgurant, elle sua intensément. La chaleur la sidéra autant que la réverbération intense de… du…
Ce qu’elle découvrait ne correspondait pas à une plage, pas du tout, ou alors c’était la plus grande plage du monde avec la mer à des kilomètres de distance.
Tournant sur elle-même Angel contempla l’horizon. Où que se portât son regard, il n’y avait qu’un immense champ de dunes dorées balayées par une faible, trop faible, brise.
L’angoisse lui noua la gorge qui se desséchait rien qu’à l’évocation des dangers d’un tel environnement.
* Déshydratation… mirages… brûlures…*
Le tableau de ses futurs maux l’affola. Elle devait quitter ces lieux inhospitaliers, et vite.
* Raisonne Grisham ! Froidement de préférence, ça t’aidera.*
Céder à la panique ne servant pas ses intérêts, Angel respira plus amplement afin de calmer les battements désordonnés de son cœur en chamade.
* Premièrement : lutter contre la chaleur et les pertes d’eau.*
La cape fut ôtée.
* La magie fonctionne-t-elle ?*
Une tentative désespérée de transplanage faillit déclencher une crise de larmes. Heureusement, un tour de baguette plus tard la rassura. Des bouts de bois s’assemblèrent ; la Serdaigle disposa bientôt d’une sorte d’auvent sous lequel elle se glissa avec délice.
Inventorier son sac lui sembla nécessaire. Elle savait pratiquement d’avance tout ce qu’il contenait mais une vérification s’imposait.
Cela ne lui prit que quelques minutes pendant lesquelles elle déballa son maigre avoir. Outre le matériel scolaire( jugé hautement inutile en ce cas précis), une petite bouteille d’eau, un paquet de cacahuètes et des bonbons le constituaient.
Pour ceux qui ignoreraient comment fonctionne la magie je crois bon de rappeler que l’on ne peut faire apparaître que des objets se trouvant dans un certain périmètre…
Ici, s’il n’existait pas de point d’eau proche, la jeune fille mourrait de soif, à coup sûr.
* Je ne peux pas rester sur place à attendre un miracle hypothétique*
Décidée, elle refit son sac, ne s’octroyant qu’une petite gorgée de liquide déjà tiédasse en guise de réconfort.
La tente de fortune transformée en parasol, Angel débuta son parcours.
Qui a dit que promener dans le sable est facile ? Sûrement quelqu’un qui ne l’a jamais fait.
Là, la Serdaigle dégustait !
Elle essaya de marcher en crabe, histoire d’empêcher le sable d’entrer dans ses bottines. Peine perdue. Enlever ses chaussures était tentant mais terriblement risqué de se brûler les pieds. Pas un seul nuage pour adoucir l’écrasante ardeur céleste… Chaque pas devint rapidement un calvaire. Pourtant, il fallait bouger, essayer de trouver autre chose de plus accueillant. Angel perdit la notion du temps. Un pied, un autre… Ne penser à rien d’autre.
Force fut néanmoins de retomber dans la cruelle réalité.
* Nom d’un gnome, qu’est-ce que c’est que ça ?*
Son esprit divaguait-il ? Il lui sembla que des ombres se profilaient à l’horizon.
* Ou c’est un mirage, ou tu es sauvée Grisham !* songea-t-elle excitée avant de s’angoisser encore :
* Et si ce sont des ennemis ?*
Amis ou ennemis, il y avait bel et bien quelque chose qui venait dans sa direction. Elle accéléra l’allure, jouant le tout pour le tout.
Sa vision se précisa. Avec joie, elle observa deux dromadaires menés par un fellah enturbanné sur lequel elle se rua dès qu’elle fut à portée de voix :
Eh ! Vous ! Aidez-moi, par pitié !
L’autre était-il sourd ou ne comprenait-il pas l’anglais ? Il ne brocha pas, poursuivant une route connue de lui seul.
Angel n’était pas douée en langues étrangères. Elle se contenta de s’approcher davantage. L’homme lui accorda enfin un soupçon d’intérêt en freinant sa marche et il lui offrit un grand sourire.
Toi perdue ? Toi vouloir acheter ?
Les idées emmêlées tant elle était énervée, la jeune fille tenta le dialogue :
Je suis perdue, oui. Acheter… Avez-vous un plan ? De l’eau ? Où sommes-nous ? Où est la ville la plus proche ?
Moins amène, le basané la toisa des pieds à la tête :
Ville ? Pas ici. Moi vends cravates. Tu veux cravates ?
Angel tiqua. Qu’en avait-elle à cirer des cravates de ce mec ? Elle qui espérait du secours, la voilà fine. N’ayant que quelques Gallions en poche, elle grimaça un déni. Elle n’allait pas les dépenser pour un achat aussi futile. Le fellah haussa les épaules puis, indifférent, reprit son train.
Demeurée seule, Angel soupira. Si les autochtones étaient semblables à ce dernier, elle n’était pas prête de sortir de ce trou. La longue errance continua.
Combien d’heures ? Nul ne peut répondre. Plusieurs haltes furent consenties. Angel épuisa ses réserves d’arachides dont le sel favorisa la rétention d’eau. Son parasol était vraiment utile, lui évitant les coups de soleil assassins. N’empêche que cette suffocation permanente lui tapait drôlement sur le système.
Verrai-je le bout de ce désert ?
Une veine qu’elle n’y rencontrât pas plus d’hostilité. Ce décor lui rappelait tellement son film culte… Elle s’étonnait presque de ne pas croiser de vers géants. Que n’aurait-elle pas donné pour une douche ou un distil… Sa bouteille était vide, à présent.
Avancer… Oublier soif, chaleur, tout…
Là-bas…
* Un mirage de plus ?*
Découragée, Angel se traîna lentement vers cette verdure incongrue en un tel site. Peu à peu, cela se précisa. C’était absolument incroyable. Mieux qu’une oasis providentielle, elle approchait d’un bâtiment éblouissant de blancheur, perdu dans un écrin de palmeraie.
Viiittteeee !
Au bord de l’épuisement, elle tira sur ses ultimes ressources d’énergie afin de franchir les derniers mètres la séparant de la sécurité.
L’épave s’échoua contre le tabouret d’un bar en plein air juste au bord d’une piscine où elle aurait voulu se jeter tout habillée. Des ventilateurs fonctionnaient diffusant une fraîcheur miraculeuse… Le paradis…
Impavide, vêtu de blanc, un serveur agitait un shaker.
De l’eau… s’il vous plaît ! haleta Angel.
Le garçon lui lança un regard torve :
Où est votre cravate ? Ici nous ne servons que les personnes qui portent une cravate !
Cra… Cravate ?
Elle s’en étrangla. Si elle avait su ! Elle l’aurait achetée cette maudite loque ! Pourquoi s’être aventurée là-dedans, pourquoi, pourquoi… ????
AAAAAArrrrrrrgggggggggggggg !
Son hurlement réveilla en sursaut le dortoir.
Baignée de sueur, Angel se redressa d’un bond sur son matelas. Plus de désert, piscine, serveur… Rien que son baldaquin tendu de velours bleu.
Rassérénée à demi, la Serdaigle comprit qu’elle venait de vivre un désastreux cauchemar. La tarte à la mélasse du dîner lui pesait encore sur l’estomac ; trois parts… ça laisse des traces.
Cependant, il régnait une chaleur infernale, anormale. Elle avait dû tenter de se déshabiller puisqu’une manche de sa chemise de nuit lui serrait le gosier. Angel s'en dépétra et beugla, outrée :
Quelle est la malade qui a augmenté le chauffage sans prévenir ?
Rageuse, elle lança un aguamenti sur les flammes de la cheminée avant de s’enfoncer dans ses draps.
Accueil Genesis RPG 
Sujet: Le désert n'est pas un dessert... [fe seule jeu de piste]