Pour être embarrassé, Davenport le fut lorsqu’il vit Miss Grisham se décomposer à l’audition de son annonce précédée de la marche nuptiale.

*Gaffeur… incorrigible gaffeur !* se gourmanda-t-il intérieurement.

Le mal était fait, tant pis. Un sourire en coin éclaira ses traits malgré lui lorsqu’il vit Yates se précipiter à la suite de la demoiselle bouleversée. Aurait-il eu raison de supputer qu’entre ces deux-là quelque chose couvait ? Son idée première en invitant le journaliste à son bord n’avait certes pas été de jouer les entremetteurs. Justin n’avait songé qu’à rattraper un mensonge énorme qui durait depuis des années au sujet de son appartenance à un autre monde que celui de Preston. Le croiser en compagnie d’Angel au chemin de traverse l’avait culpabilisé plus que prévu. Yates était quelqu’un de curieux mais surtout de très correct à moins qu’il n’ait beaucoup changé ce dont doutait Davenport.
La répétition générale fut un succès à part cette petite fausse note finale. Si tous s’y comportèrent comme prévu, Justin ne put retenir un léger pincement au cœur lorsqu’il vit Dess et Bryan s’embrasser. Des souvenirs l’assaillirent et le désolèrent. Il ne voyait pas Baddream comme telle, il voyait son ancien amour perdu pour toujours. Les remords ne servaient à rien. Il était le plus comblé des hommes ; époux de la plus merveilleuse des femmes et un père enchanté, que demander de plus ? Rien, mais… Une plaie restait gravée en lui. S’il était venu plus tôt chez Léanor, il aurait peut-être pu éviter que… Si, si… Il n’avait pu éviter ce rôle de parrain ; en fait, il était très fier d’avoir été choisi pour veiller sur Tsunami en cas de disparition parentale. Bryan ne laisserait pas Dess s’exposer, entre aurors ils se comprenaient.
Nate avait dû capter ce qui le tracassait car elle fut à ses côtés à chaque pas de ces célébrations fictives. Il s’en voulait misérablement de penser encore à cette folle jeunesse alors qu’une erre nouvelle et magnifique s’ouvrait à lui. Ayant tourné la page, il adorait son épouse sans, cependant, pouvoir s’empêcher de revenir en arrière quand il contemplait Dess.
L’avancée du temps, le remit d’aplomb. On se réjouit de l’annonce d’une autre union puis les filles furent très occupées à leurs toilettes. Manu Leroy se présenta à l’heure prévue et ne chicana pas sur les détails additionnels.
Pendant que dames et demoiselles s’affairaient à leurs tenues, lui peaufina les détails. D’accord, il était un tantinet maniaque. L’important primait : la réussite.
Il alla, comme tous, se mettre sur son 31 et reparut sur le pont où, éblouissante, l’attendait sa femme. Peut-on, par un regard, traduire ce que l’on ressent ? Sûrement ! Pour lui Nate évinçait toutes les autres. Fichues cérémonies… S’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait illico emporté son épouse dans leur cabine. Soupir…
Se devant à ses hôtes, il supervisa l’organisation des festivités. La décoration était parfaite, tout se déroula au mieux. Même les gosses y mirent du leur ! Miracle ? Pourquoi pas ? Personne n’avait remarqué le discret coup de baguette envers Tsunami et Sarah… Tant mieux.
Paisibles, les enfants acceptèrent textes et signatures des registres avant d’être libérés des formalités pour s’empoigner joyeusement alors que les futurs mariés étaient sollicités à intervenir. Diable, Desdémone resplendissait. La main de Nate accrocha la sienne le confortant dans son amour pour elle. Charlie fut délirante, chose banale. D’un accord « tacite » ? les épousées tournèrent le dos à l’assemblée et jetèrent leur bouquet derrière leurs épaules. Les orchidées de Dess furent recueillies par une Angel au summum du fard tandis que Miss McLane attrapait les roses et fleurs d’oranger de la fraîche Mrs Rockwell avec un sourire radieux.
Les vœux de bonheur et embrassades prolongèrent ces célébrations.
Les cadeaux s’échangeaient. Davenport avait pensé à tout, ou presque… D’un fax à Papeete ( ben oui, ça va plus vite qu’un hibou) il avait commandé quelques surprises. Les filleuls seraient gâtés, parrains marraines aussi ainsi que les nouveaux époux. A Charlie et Bob, il tendit les clés d’un coupé Mercédès qui les attendrait à Londres. Dess et Bryan reçurent un titre de propriété d’un terrain voisin de la « folie » où ils pourraient bâtir leur chaumière. Chaque enfant se vit octroyer un livret d’épargne à Gringott’s et sa propre fille eut droit à une effigie du somptueux poulain qui l’attendrait jusqu’à ce qu’elle soit en âge de le monter. La rivière de diamants qu’il déposa au cou de sa moitié ne l’embellit pas plus ; il s’en moquait, la voir sourire lui suffisait. Puis, il paniqua :

*Mrd ! Pas prévu ça, moi !*

Un coup d’œil au couple nouvellement formé l’obligea à courir à l’arrière du pont. Trop tard ! Déjà le feu d’artifice préparé se déclenchait. Kerouek étant plus précis qu’une montre suisse avait mis le feu aux poudres commandées. Dans une pétarade incroyable des gerbes éclatèrent dans le ciel obscur. PAN ! Un cœur rose parfait entoura les initiales dorées D et B ; un autre suivit immédiatement avec un C et R. D’autres les rejoignirent encerclant successivement N et J; V et M ; O et E et…

Yann, arrête !

Hélas, le pétard était déclenché. Un cœur de plus rejoignit les autres toujours incandescents dans un ciel tourmenté. Un A s’enroula autour d’un B devenu obsolète.
Qui aurait pu imaginer que…

*Quel gâchis !* tempêta Justin très affecté par ce manquement.

L’effet de ce ‘hic’ ne fut cependant pas celui qu’il redoutait. En un clin d’œil Angel réagit. De sa main unie à celle de Preston, sa baguette effaça la partie inférieure du B le transformant en un P somptueux.

*A la face de tous… Pas bête la gamine…*

Il détourna pudiquement la tête, se concentrant sur ce que lui annonçait son capitaine :

Excusez-moi de gâcher cette belle réunion mais il semblerait que nous aurons tempête.

*hein ?*

Justin blêmit légèrement. Il aurait dû voir ça plus tôt. Le vent montait dans un crescendo violent. Eclairs, noirceurs… Le Broken Heart était paré contre les éléments extérieurs. Néanmoins, essuyer un grain de belle envergure n’amusait pas du tout le commandant. Sécurité avant tout, il rapatria son monde à l’intérieur, laissant Yann se débrouiller aux manœuvres. Son épouse lui parut nerveuse ; il s’empressa de la rassurer :

La barque est solide. Elle tiendra.

Un baiser les conforta, la fête continua. Des colis embarqués à l’escale, Davenport laissa chacun et chacune y puiser son bonheur. Tous purent y trouver de quoi offrir à qui ils le voulaient.
Ça secouait sec là-haut. Justin savait le navire aux meilleures mains qui soient mais il ne pouvait se détacher de penser à la fatalité.
Observant ses hôtes, il décida que lancés comme ils l’étaient, ils se passeraient de lui sans problème. Un baiser à la tempe de Nate, il souffla :

Je file seconder Kérouek. Fais en sorte que nul ne s’inquiète. Je t’aime.

S’éclipsant, il descendit au poste de commande. Vue de là, la situation n’était pas heureuse. Des vagues énormes déferlaient, la lune avait disparu sous des nuages opaques.

Garde le cap ! conseilla Justin. S’il le faut, je fais transplaner tout le bateau. Préviens-moi au cas où.

Pas trop rassuré, il entama la remontée. Sa tête lui parut soudain lourde. Pourquoi ratait-il des marches ? Il n’avait pas encore bu autant pour être ivre or c’était une sensation similaire qu’il éprouvait.
Tant qu’il put, il lutta contre cette torpeur anormale. Il parvint à se hisser au niveau supérieur pour y constater qu’à part Vic, Robert, Angel et Preston, tous dormaient à même le sol.

Qu’est-ce qui se passe ? dit-il d’une voix pâteuse.

Si quelqu’un répondit, il n’entendit pas ; il s’effondra.

La demande en mariage dans leur cabine avait attendri Dess plus qu’elle ne désirait le montrer. Bryan était sa lumière à présent et rien ne l’en détournerait. Très émue elle accepta la bague qu’il lui offrit chassant de sa tête des images où se reflétait son Hiro. Faire une croix sur cette partie de sa vie n’était pas évident. Elle aimerait toujours Shima en dépit de tout, même si elle désirait vraiment se lier avec Green pour la vie. Bryan serait fidèle, elle en était certaine. Avec lui, pas de faux semblants ni de mensonges. Compagnon tendre, idéal, il assumerait ses responsabilités sans faillir et elle ne l’en aimait que davantage pour ces raisons sans parler des autres. Que Justin demande une répétition générale lui sembla de bon aloi. Tout devait se dérouler comme un rêve éveillé. Bien sûr l’émoi d’une de ses demoiselles d’honneur l’affecta.

*Pauvre petite…*

Voir la réaction de Yates l’amusa cependant. Pour courir de la sorte derrière la miss, c’est qu’il y avait anguille sous roche.
Ensuite ce fut un tourbillon de préparatifs. Puisqu’ils les avaient prévues avant le départ, leurs noces ne trahiraient pas la tradition. Que s’ajoutent aux leurs celles de Charlie et Robert n’enchanta pas moins Miss Baddream. La course aux tenues occupa grandement la fin de la journée. Une toilette pour les baptêmes, une pour les noces, pas de quoi fouetter un chat. Nate Davenport- Sommerby se chargea de ramener la marraine et demoiselle d’honneur. Que c’était touchant ! Un bonheur effaçait un malheur, tout était bien. Dans le fond, Angel et Preston formaient une beau couple
Dess avait tiqué en voyant le « prêtre » dévolu par Davenport. Ce bonhomme gigantesque l’intimidait. Bryan s’en moqua, lui assurant que même si un gnome de jardin les unissait, il serait comblé.
Baptiser les enfants fut… un jeu d’enfant. Étonnamment les gosses ( les fillettes surtout) furent d’un calme tellement Olympien que Dess suspecta fortement Justin d’y être pour quelque chose. Bah ! Puisque tout se déroulait bien, elle aurait été la dernière à s’en plaindre. Entendre Manu Leroy clamer le nom de son fils lui arracha des larmes. Fuji-Yama était reconnu à la face du monde. Serrant la main de son futur époux, Dess puisa la force de ne pas se transformer en fontaine.

*Un nom ! Il a le nom choisi par son père*

Quel magnifique cadeau ! Viviane termina les cérémonies baptismales, il fallut vite changer de toilette. Cette robe immaculée avait été commandée chez Guipure à peine une semaine auparavant. Très simple en comparaison avec sa première robe nuptiale, celle-ci ressemblait plus à une toge romaine qu’à l’amas froufroutant dans lequel elle s’était unie à Hiro. Epaules nues, voile piqué dans un chignon élaboré, elle se trouva face à l’autel en baissant les yeux.
Le baiser des accordailles fut pour elle la plus magnifique des preuves d’amour. Les anneaux échangés, cet élan les unit passionnément.
Ce fut au tour de Charlie et Robert de se plier au cérémonial puis… Surprise, elle découvrit les cadeaux de Justin. Le titre de propriété faillit l’achever. Ils seraient voisins, cela l’enchanta. Tressautant sous le vacarme, Dess vit le ciel s’enflammer. Quelle attention charmante. Ces cœurs qui embrasaient l’atmosphère lui arrachèrent les larmes contenues. Pourtant, une fausse note arriva, vite réparée par une Angel décidée. Ajouté aux autres cœurs incandescents celui d’un A et P mêlés, régla le petit malaise installé par un B proscrit.
Ils en reçurent des présents ! Ensuite, tous furent conviés à descendre au buffet inférieur. Dess n’avait rien bu d’autre que de l’eau mais se sentait pantelante si bien qu’elle se rattrapa au bras de Bryan en murmurant :

Je… Je ne me sens pas bien. Ramène-moi à notre cabine. Je…

Tout tournait autour d’elle, tout devenait flou. Dans un sursaut, elle vit Justin émerger des profondeurs du bateau mais il chut alors que ses genoux ployaient.

Bryan, que…

Un voile opaque s’abattit sur elle. Une minute, une heure ? Elle ne savait pas ce qui la séparait de la réalité.

Que… que c’est-il passé ?

Troublée, perdue, elle se releva lentement avant d’être enlacée éperdument par un Justin complètement fou. Ses déclarations lui mirent le feu aux joues alors que le poing de Bryan s’abattait sur le menton de l’outrecuidant.

Bryan, non ! le défendit-elle un poil en retard.

Déjà Davenport et Green roulaient au sol s’empoignant mieux que des chiffonniers. Dans une illumination, elle entrevit Hiro. Qu’il soit là ne l’étonna pas et dans un élan incontournable, elle s’avança vers lui :

Hiro ? Pourquoi m’as-tu abandonnée ? Je t’aime toujours.

Elle ignorait s’adresser à Nielsen qui la contempla interdit avant de lui ouvrir les bras.
Patatras, McLane s’interposa vigoureusement, empêchant son fiancé d’enlacer la nouvelle Mrs Green.
Tout partit en quenouille. A croire que nul ne reconnaissait son chacun et sa chacune. Seuls, désorientés, Vic, Angel, Robert et Preston assistèrent au pugilat général.

Choquée ! Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier l’état de Miss Grisham après les aveux de Preston. Jamais elle n’avait imaginé un seul instant que ses affabulations puissent être partagées. Pourtant, en clair, c’est ce qu’il ressortait du discours ouï :

Je ne me moquerais jamais de toi. Pas plus que rire de ce que tu me dis ne croiserait mon esprit...pour borné que je puisse sembler. Tu dis que je t'ai fait tourner la tête? As tu jamais pensé à l'effet que tu m'as fait depuis le premier instant?...*euh, non*
Bon, là, tu m'avais pris de court et je ne vais jamais m'en plaindre... Ben t'aime mais il a reconnu à temps qu'il n'était pas le bon...Je devrais faire élever une statue à son effigie. *Bonne idée*
Mais quand tu dis que je t'aime bien...sans plus, tu commets une lamentable erreur...je t'aime, Angel Grisham...pas de t'aime bien comme à ma voisine sympa...je t'aime tout court.

Tout un film se déroula sous la chevelure de la Serdaigle. Elle se revit dans l’obscurité de son appartement embrasser follement celui qui avait sonné. Pour elle, c’était Benji, quoique… En y repensant… Tout fut tellement rapide et inattendu.
Quand est-ce que le déclic se fit ? Elle l’ignorait mais depuis cet instant quelque chose s’était produit indéniablement. Pas seulement chez elle d’après ce qu’elle captait. Un doute cruel s’insinua :

*Il dit ça pour me consoler.*

Je sais...je suis un peu vieux pour toi... *Pas du tout !* enfin, pas un demi siècle...tu es très jeune et...Seigneur, je ne sais plus où j'en suis...enfin, qu'est ce que ça peut faire... j'en suis arrivé jusque-là... Angel, je suis amoureux de toi, c'est tout, c'est simplement ça. Mais je crois qu'en ce moment tu es un peu trop chamboulée...une rude journée nous attend, ce serait mieux si tu dormais un peu. Je n'irai pas bien loin...

*A… Amoureux de… moi ?*

La tête lui tourna pour de bon. Ces mots, elle les avait espérés, attendus sans croire qu’un jour elle les entendrait. Quel était ce dicton qui disait jamais deux sans trois et que la troisième serait la bonne ? Elle avait aimé Jaxon. Il l’aimait plus qu’elle ne le méritait. Premier flirt innocent, elle avait ensuite croisé Benjamin avec qui tout semblait un rêve après les absences prolongées de Lowne. Benji… pourquoi lui avait-il fait ça alors qu’elle allait rompre tout contact avec celui qui, encore à cause d’absences, lui avait touché le cœur?
Loin des yeux, loin du… Autre dicton moldu qu’elle connaissait très bien.
D’une secousse, Angel s’ébroua :

Je suis vannée, c’est vrai. On en reparle tout à l’heure mais… reste, s’il te plaît.

Un bisou sur le bout du nez, elle s’enfonça sous les draps frais. Le sommeil la fuit quelque temps. Etait-ce possible ? L’aimait-il ou jouait-il avec elle ? La réponse était claire dans son esprit. Ayant appris à le connaître, elle savait ne rien avoir à redouter de sa part. Une grande paix s’abattit sur elle, ses paupières s’alourdirent.
Une secousse légère la fit émerger du sommeil enfin conquis. Quoi ? Nate disait qu’on la réclamait sur le pont, déjà ?
Souriant, Preston lui dédia un clin d’œil :

On se retrouve dans un moment là haut!

Oh là, là ! Se préparer pour ces cérémonies allait demander un recours express à la magie. D’abord effacer ces boursoufflures palpébrales. Sa tête dans le miroir de sa salle de bains faillit la faire pleurer à nouveau.

*Je suis si laide…*

Heureusement maman Grisham, très prévoyante, lui avait préparé un set de « rénovation » d’urgence. Une goutte de potion sur deux cotons ronds rendit quasi instantanément leur fraîcheur aux yeux de la demoiselle. Une douche la débarrassa des relents de chlore de la piscine. Séchage expéditif, coiffage rapide, maquillage délicat, voile de parfum, il ne lui resta plus qu’à enfiler la robe prévue pour les baptêmes. Mi-longue, en organdi turquoise, manches courtes, elle était parfaite.
Angel sourit en constatant qu’une des dames du bord avait pensé à lui préparer une tenue de rechange pour les noces. Là, il s’agissait d’une longue robe en mousseline lavande, un peu froufroutante. Se changer ne demanderait que quelques minutes.
Pour la soirée, la Serdaigle avait prévu une autre toilette qu’elle étrennerait dans moins de deux heures.
Il fallait s’activer. Escarpins chaussés, petit sac en main, elle déboula dans le couloir et tomba presque nez à nez avec… lui. Le smoking lui allait à la perfection. Des sourires radieux teintés de timidité s’échangèrent.

On… On nous attend sûrement. Viens !

Elle lui tendit la main.
Remonter à la surface, montrer ouvertement leur nouvelle entente n’était pas des plus amusants. Mais ces considérations n’affectaient pas Angel. Qu’importait l’opinion des autres ? Bien qu’elle n’en revînt toujours pas, c’était Preston qui tenait son bras. En lui, elle puisa la force d’affronter ce public particulier.
A chaque instant de ces célébrations, Angel sentit peser sur elle l’affection du journaliste. Il ne la lâchait pas du regard et elle n’allait pas s’en plaindre. Tenir Little Boy devant le prêtre le plus baraqué qu’elle ait vu ne la gêna pas. Le gosse était adorable et sa sœur ne l’en fut pas moins ce qui lui fit suspecter une intervention magique. Justin paraissait ravi… Il était probablement responsable de cet état de fait. La petite Viviane attendrit beaucoup la demoiselle :

*Si je dois un jour avoir une fille, j’aimerais qu’elle ressemble à celle-ci*

Si petite qu’elle soit, l’enfant dégageait une aura de félicité. Mignonne, délicate, très éveillée, le mélange Sommerby-Davenport était une incontestable réussite.
Changement express des dames. Avec Opal portant la même toilette, elles escortèrent joyeusement les futurs épouses. Charlie avait tenu à ce qu’elles soient aussi ses demoiselles d’honneur, pourquoi pas ?
Le baiser scellant ces accordailles faillit faire rougir Angel. En imagination, elle se vit dans les bras du grand gaillard très proche qui filmait toutes les scènes depuis le début des cérémonies.
Le point d’orgue restait à venir. Ça, c’était du Justin tout pur. Un fantastique feu d’artifice se déclencha juste comme les filles revenaient vêtues de leurs nouveaux atours. Dans son bustier de satin noir, Angel s’avança vers Preston alors qu’éclataient des cœurs de fleurs roses entourant des initiales emmêlées. Délicate attention, nul ne resta de marbre face à ces déclarations publiques. Pourtant Davenport parut paniqué. Il plongea vers le lieu d’envoi des fusées, et Miss Grisham comprit pourquoi quand le cœur qui lui était destiné embrasa le ciel. Un A joignait un B… Triste rappel d’un amour éteint. Baguette au poing fusionné dans la main de Preston, elle réagit à la seconde près transformant le B en P. Ensuite, elle osa lui faire face. Lorsque leurs lèvres se joignirent, Angel crut décoller du pont. Doux, tendre, puis passionné ce baiser la remua de la tête aux pieds :

Je t’aime.

Idiot ? Banal ? C’est tout ce qu’elle sut émettre tant elle était bouleversée. Ils devraient se parler davantage dès que possible mais là, Justin conviait tout le monde en bas.
Le champagne fut débouché, tous riaient. S’isolant un peu avec leur coupe, Angel et Preston trinquèrent en silence. Qui commencerait les aveux ? Elle jugea qu’elle devait parler en 1er :

Je ne vais pas te mentir, je ne sais pas faire ça. Tu es intervenu dans ma vie comme un ouragan inattendu. J’ai très vite ressenti une attirance qui m’effrayait. Benji… (déglutition pénible) n’a pas répondu à mes attentes. Toujours loin, si peu présent… Je l’aime beaucoup mais… toi, tu es venu. Je me pensais folle de faire une fixation sur toi qui m’as tant secourue quand j’en avais besoin. Je me souviendrai longtemps de cette St Valentin ratée… ou réussie, selon le côté pris. (Rire triste) Je refusais volontairement de voir l’évidence. Plus on se rencontrait plus je tombais amoureuse mais je ne voulais pas faire souffrir Ben. J’allais te signifier que nous ne nous reverrions plus quand il m’a claqué la porte au nez car lorsque je t’ai vu sur le pont, j’ai su que toi seul comptais. Si… Si tout ce que tu as dit est sincère, je crois qu’un long bail nous attend. (Elle pouffa) 60 ans, ça te va ?

60, 70, 100, elle s’en fichait. Seuls comptaient ces yeux d’un bleu époustouflant dans lesquels elle voulait se perdre.
Séparés du reste des mortels durant de délicieuses secondes, le rappel à la réalité fut fracassant.

Qu’est-ce qui se passe ? murmura-t-elle horrifiée.

Dans le salon, personne n’était debout sauf eux, Vic, Manu Leroy, et Robert.
D’un mouvement commun, ils se portèrent en avant. A ce moment, tous les endormis se réveillèrent. Davenport se releva, enlaçant Dess à qui il déclara sa flamme cherchant à l’embrasser. Le poing de Bryan fracassa la mâchoire de Justin. Dess ne se préoccupa pas de cette rixe, jetant son dévolu sur Nielsen qu’elle appela Hiro. Opal s’interposa aussitôt et Mrs Green reçut une baffe à lui tourner la tête.

Ils sont fous ! constata Angel suffoquée.

Déjà Michael l’étreignait follement l’appelant Alix.
Pour se débattre, Angel y mit du sien, aidée en cela par un Preston vert de rage et une Vic pâle comme un linge.

Ils… Ils vont s’entretuer si on ne fait rien, cria la Serdaigle déboussolée. Euh… Petrificus totalus !

Sa baguette visa De Brent mais le poing de Preston fut plus efficace.
La magie semblait abolie et l’empoignade générale. Impossible de penser clairement dans une telle cohue.

Repli stratégique ! hurla-t-elle en saisissant Preston d’une main, Vic de l’autre.

Dans la première chambre venue, atterrirent les personnes épargnées par le vent de folie qui ravageait le salon. Seule sorcière effective avec Victoria, Angel lui demanda :

Tu comprends quelque chose ? Pourquoi eux et pas nous. J’ai toute ma tête, vous autre aussi, pourquoi ? Pourquoi sont-ils devenus fous ?

Se sentant très démunie, Angel trouva un refuge tout naturel dans les bras d’un Preston pensif. Elle ne pigeait pas ce qui se passait et vu la tête des autres, il en allait de même pour eux. Justin avait toujours manifesté une certaine réserve envers Dess qui ressemblait trop, disait-on, à un amour perdu. Si les ragots se justifiaient Michael aurait aussi affreusement trompé Vic avec une Alix. Se pourrait-il que… ?
Mrs De Brent n’était pas du tout d’aplomb. Son ventre rebondi lui causait des soucis. De plus, voir son époux se comporter de la sorte ne devait pas la rendre heureuse.

*Manquerait plus qu’elle accouche maintenant !*

Je… Je vais dire une absurdité mais tant pis. Les autres ne seraient-ils pas, euh, possédés ? Mon père, se tourna-t-elle vers Leroy, ces choses existent n’est-ce pas ? Comment les combattre ?

L’immense Manu Leroy parut réfléchir profondément avant d’accorder un semblant de réponse tourmentée :

J’ai déjà eu affaire à bien des démons, fillette ! Si c’en sont ici, il s’agit d’une espèce que je ne connais pas. Je pourrais tenter un rituel d’exorcisme mais… il faudra d’abord attraper l’un des « possédés » histoire de vérifier si ça fonctionne.

Cela allait de soi. N’empêche qu’Angel les voyait mal en train de courir après l’un ou l’autre pour l’entraîner de force à subir Merlin sait quel truc. D’autre part ils n’allaient pas rester les bras croisés en attendant que tous s’entretuent gentiment ou… pire ! Elle revécut un instant le regard fou de Michael et trembla rétrospectivement à ce qu’il lui aurait fait subir sans l’intervention musclée de Preston.

La goutte du mort vivant ! sursauta-t-elle. Dess en a sûrement dans ses affaires ou au moins un truc pareil.

Se rappelant que l’elfe de Justin l’avait aidée à dormir, elle s’énerva :

Bikita ! Bikita ! répéta-t-elle mais l’elfe ne se manifesta pas.

Cet état de fait la troubla :

Il faut aller voir ce qui se passe à la cuisine et près des enfants.

La tirade fit grimacer Vic qui voulut se lever du fauteuil où elle s’était effondrée :

Ne bouge pas, s’il te plaît. Robert, vous veillerez sur elle. Nous… nous allons vérifier que tout va bien.

Escortée de Preston et de Leroy, Angel se sentait parfaitement en sécurité pour affronter le salon des débauches. Seulement, sa tenue de soirée la gênait aux entournures. Balader dans le bateau ainsi vêtue ne lui parut pas approprié.

Je passe en vitesse dans ma cabine.

Hop, elle ne laissa pas aux autres le temps de répliquer et s’engouffra dans son logement. Un jean et un T-shirt feraient l’affaire. Dégrafant sa robe, elle plongea vers la penderie mais un bruit dans son dos la fit se retourner brusquement :

*Oh non…*

Là, roulant des yeux malades d’amour, se tenait Michael. Elle recula, retenant sa robe contre son corps partiellement dénudé.

Je ne suis pas Alix ! Tu te trompes Michael.

Le discours qu’il tint lui enflamma les joues mais, contrairement à tout à l’heure, cette fois il ne s’adressait pas à son ancienne maîtresse mais bien à sa femme actuelle ou du moins à celle qu’il croyait l’être. Mrs De Brent aurait sûrement été ravie des louanges et remords débités par son époux passionné.
Se battre contre Michael ne lui sembla pas équitable. Il était bien plus fort qu’elle et lui barrait la sortie. De l’autre côté de la porte, ça tambourinait ferme. La cloison était solide, il n’y avait qu’une issue. Changeant de voix, se faisant langoureuse, elle signa sa pseudo reddition :

Mais oui, mon chéri ; je te pardonne. Je l’ai toujours fait.

Si Angel avait réellement été Vic, elle aurait fondu sous l’étreinte époustouflante du jeune homme. Mais alors qu’elle le laissait l’enlacer, sa main libre se referma sur le vase précieux qui ornait sa coiffeuse.

Désolée, cria-t-elle en le lui fracassant sur le crâne.

D’un bond de gazelle, elle enjamba le corps effondré sur le tapis et courut relever le loquet de la porte. Pantelante dans les bras de Preston, elle balbutia :

Celui-ci n’aura pas besoin d’autre somnifère ! Ligotez-le, je m’habille.

Un instant plus tard, saucissonné sur le lit d’Angel, un De Brent inoffensif dormait. L’exploration du navire débuta.

Sincère, comment en douter ? Michael se montra le plus délicat des maris. Ses aveux quant à vouloir se débarrasser de la fameuse montre offerte par Blackstorm convainquirent Victoria des tourments de son époux. Qu’il la lui donne la surprit agréablement à croire qu’il désirait vraiment tirer un trait sur ce passé douloureux pour eux-deux.

Prends là. Détruis là si tu peux. Je n'en veux pas. La seule chose au monde que je désire au monde est être à toi et que tu sois à moi. Je ne veux aucun autre souvenir qui ne soit de toi, de notre bonheur, de nos enfants...Par pitié, crois moi, Vic...parfois tu me regardes et je lis au fond de tes yeux un doute blessant. Folle que tu es si tu crois que je reste là sans t'aimer...tu me connais bien, chérie, tu me connais par cœur...et tu sais bien que si je ne sentais pas ce que je sens ça fait longtemps que j'aurais suivi mon chemin...aime moi simplement et arrête d'essayer d'interpréter mes silences...je ne suis pas une pipelette comme Preston ni l'ai jamais été, ni ai le caractère expansif de Justin...je suis ce que je suis et ne peux pas changer...ne doute plus jamais de mon amour pour toi ou je finirai par me vexer...

Avec de tels mots… Elle prit l’objet qu’elle jugea désagréable de contact. Ce qu’elle en ferait, elle y penserait plus tard. Rangé dans le tiroir de son chevet, il fallut remonter sur le pont, Michael avait raison. Ça ne servait à rien de faire des confidences au chat.
Participer à la vie du bord ranima un peu la future mère. Si les élancements de ses reins avaient cessés, sans doute aurait-elle mieux participé à l’ambiance bon enfant qui régnait. Justin décréta nécessaire une répétition générale. Chacun s’y plia non sans avoir entendu des éclats de voix émanant de Khol. Le cœur de Vic se serra en voyant émerger une Angel très pâle.

*La pauvre…*

Toutes les pseudos cérémonies se déroulèrent correctement jusqu’à la fausse note de la marche nuptiale. Vic se sentit très triste pour Miss Grisham et… elle-même. Pas de robe blanche, ni de voile, elle n’avait eu droit qu’à un glacial office dans un décor dépouillé… Soupirs, regrets, tant pis…
La journée passa à toute vitesse. Chaque fille voulait être sur son 31 à chaque épisode prévu. Les toilettes dont elle disposait furent évasées comme il se devait. Mrs De Brent ne serait pas la moins bien sapée, c’était un fait assez consolant.
Tout se passa bien et, très fière, Vic porta Viviane à l’autel des baptêmes avant que les mariages ne se célèbrent. Elle ne rata pas l’apparition d’un couple inattendu qui la réjouit. Angel et Preston ? Pourquoi pas ? Mais la mer montait. Dès les feux d’artifice qui la réchauffèrent en voyant un V et un M soudés dans un cœur de fleurs roses, Justin convia tout le monde en bas. Il n’avait pas l’air trop inquiet ; Michael ne la quittait pas ; tout allait bien. Puis…

MICHAEL !

Horrifiée, elle le sentit qui s’effondrait. Qui plus est d’autres tombaient comme des mouches ! Hagarde, elle contempla ce tableau hallucinant des corps avachis sur le sol. Les seuls restant debout à part elle étaient Yates, Grisham et le prêtre. Abrutie, elle comprit rien. D’un coup tous ces dormeurs se redressèrent et… s’empoignèrent. Elle vit Justin valser en arrière sous le poing de Green parce que Davenport avait osé porter la main sur Dess. Miss McLane frappa celle-ci violemment quand la nouvelle épousée s’en prit à Nielsen qu’elle nommait Hiro. Puis… Vic dut se raccrocher à la table quand son Michael voulut enlacer Angel en lui donnant le nom honni d’Alix !
D’un naturel doux, Vic ne toléra pas ce nouvel affront à son amour. Elle sauta sur son mari pour l’empêcher de violenter la jeune fille en bustier noir. Son cavalier se chargea de repousser le trop entreprenant personnage d’un poing bien senti. Agrippée dieu sait comment, la future mère se retrouva entraînée dans une cabine en compagnie des rescapés de la folie générale du salon.
La jeune Angel n’était pas de Serdaigle pour rien. Elle s’en prit d’abord à elle afin de faire un point que Vic n’était pas en mesure d’assumer.

Tu comprends quelque chose ? Pourquoi eux et pas nous. J’ai toute ma tête, vous autre aussi, pourquoi ? Pourquoi sont-ils devenus fous ?

Je ne comprends rien non plus !

La douleur de son dos la scia. Se mordant les lèvres, la jeune femme haleta légèrement. Concentrée à évacuer sa tension, elle rata le fil des déclarations d’Angel. Elle perçut vaguement des échos parlant de possession mais quand il s’avéra que les elfes ne répondaient pas à l’appel de Grisham, Vic oublia ses maux, décidée à aller voir les enfants sur-le-champ. La demoiselle ne fut pas de cet avis. Elle imposa à Robert de rester près d’elle pendant que les trois autres iraient aux nouvelles. Les chambres étant parfaitement insonorisées, Victoria n’entendit pas les coups dans le couloir. Seule avec un Rockwell passablement nerveux, elle n’en menait pas large.

Surtout ne te tracasse pas, mon ami. Je suis sûre que Charlie va bien. On va trouver une solution à ce cauchemar. *Du moins j’espère*

L’attente lui parut interminable. Les contractions revenaient plus régulières et plus puissantes. Incapable de rester plus longtemps assise, Vic se mit à arpenter le tapis.

*Le travail a commencé ! Qui va m’aider ? J’aurais tant voulu que Michael soit présent ! Seigneur aidez-nous.*

Impossible de compter sur Dess et Charlie. Elle doutait fortement que la petite Grisham s’y connaisse en accouchement. Yates ? En tant que baroudeur, peut-être... Restait Bikita mais…
Tourmentée, elle se confia à Robert :

Je crains d’accoucher ce soir. Ça empire trop. Essaye de ramener quelqu’un qui soit assez sensé pour m’aider. Si… Si tu vois Michael… essaye de le faire venir, même inconscient… J’ai besoin de lui, Robert.

La supplique atteignit ce fidèle qui, tout remué, sembla hésiter à abandonner Vic dans cet état.

Ce n’est pas pour tout de suite, j’en suis sûre ! dit-elle, rassurante.

Peu convaincu, Rockwell grimaça un sourire et fonça dehors.

La fête battait son plein. Enfants baptisés, couples mariés, il était temps de célébrer et Opal se sentait vraiment d'esprit à le faire. La note romantique fut mise autant par le maître de céans avec ses feux d'artifices si parfaits comme par Angel, dont l'apparition en compagnie de Preston tira aux présents, ou du moins à elle, des soupirs attendris. Voir sa meilleure amie transformer le B en un P tout en échangeant un regard très révélateur avec le journaliste fit applaudir la demoiselle de Kelamera, débordante comme d'habitude, de contagieux enthousiasme.

Merveilleux, on est tous heureux!

Erik eut droit à un discret coup de coude dans les côtes même avant d'avoir ouvert la bouche.

Mais je n’ai rien dit!

Tout comme si!, assura t'elle, sentencieuse, l'éclat de tes yeux suffit pour deviner ce que tu penses!

Ils rirent ensemble, jamais complicité ne serait plus parfaite.

On ouvre les paris ? Tu adores ça. Noces communes en juillet : 1000 gallions.

Opal secoua la tête, jouant les outragées, mais son regard démentait vertement ce fait...tout comme ses paroles:

Ce sera superbe...je relève le pari. C'est magnifique de voir Angel si heureuse...il faudra que j'ai une longue conversation avec elle...demain ou après demain!

Ce soir, elle ne songeait à rien d'autre qui ne fut briller pour son amour. La robe choisie pour l'occasion lui seyait, si on en croyait à l'expression de son fiancé, parfaitement bien. Il faut dire qu'elle s'était préparée, très à conscience pour ces festivités. Loin restait l'image de sauvageonne des Outbacks. Ce soir, Opal McLane se sentait belle...et agissait en fonction!

Une annonce de mauvais temps ne réussit pas à gâcher l'ambiance festive. On déménagea allègrement au salon et on continua avec la fête. Le bateau était solidement bâti et ce ne serait pas un grain en haute mer qui en viendrait à bout..néanmoins, Opal ne fut pas sans remarquer l'expression préoccupée de Justin avant de disparaître discrètement. Pour alors le roulis, minime jusque là s'était accentué. On entendait les roulements du tonnerre et les éclairs donnaient un somptueux spectacle de feux d'artifice.

C'est une belle tempête qu'on a là!

Elle n'avait pas peur du mauvais temps...le mauvais pressentiment émis plus tôt, sous le soleil radieux, la taraudait, malgré ses efforts pour se montrer absolument ravie.

Pourquoi tout à coup ce n'était pas le roulis qui la faisait se sentir mal assurée sur ses jambes? Sa tête aussi tournait. Mais deux coupes de champagne ne pouvaient donc pas avoir un effet si...

Erik...sais pas...mais je me sens mal du coup...

Pas le temps de finir de parler, comme si on l'avait assommée, Opal s'écroula tout bêtement dans les bras de son chéri.

Drôle de sensation en ouvrant enfin les yeux...un instant après? Un certain temps après? Elle ne le sut jamais...le fait est que plusieurs des invités gisaient au sol ou essayaient de se relever, l'air passablement déboussolé.

Opal vit son amie Angel courir vers elle, suivie de Preston...mais vant d'arriver à destination, elle fut happée au vol par un Michael très...engageant, qui l'appela Alix avant de vouloir l'embrasser.

Oh zut...j'ai raté une case...hey!!!

Voilà que tout près de là une autre scène ahurissante avait lieu, au tour de Justin, très émoustillé, d'enlacer Dess et lui avouer son amour...

Par l'Uluru...pas une case, ma vieille...le jeu complet...

Et hop! Voilà que M. Green décrochait un uppercut à Davenport. Yates envoya Michael dans les roses alors que Victoria outrée au maximum...

D'un bond, elle fut debout...vaillante fille de la plaine, prête à défendre son bien...Pourquoi diables Desdemone Baddream s'accrochait à son Erik...et l'andouille lui rendait la pareille. Sans penser à rien d'autre que mettre les choses au clair, Miss McLane se rua sur le couple qu'elle sépara et colla la tarte de sa vie à son ex prof de cuisine.

Quelle honte...tu viens de te...

Une étreinte débordante de passion l'enveloppa et elle entendit l'inavouable:

Viens ma chérie, nous pouvons nous éclipser dans notre cabine, tu voulais un enfant de moi et bien nous allons le concevoir ce soir !

Ça va pas la tête...veux pas un gosse de toi, auror Green...

Mais que se passait il là? Pourquoi son Erik enlaçait à présent Charlie...ou non, elle hallucinait, Erik était tout près d'elle. Sans le penser deux fois, l'australienne lui jeta les bras au cou et l'embrassa.

Emmène moi d'ici...tous sont devenus fous...

La voix rageuse d'Angel la fit retomber des nues, juste pour se trouver face à un Preston ahuri. Alors c'était bien Erik avec Charlie...et ouhla...Nate Davenport déclarait, très amoureusement, sa passion à un Bryan Green outré, qui finit par sortir sa baguette pour la Stupefixer...mais oh, surprise...pas de magie!

Sacré nom d'un petit bonhomme...folie générale...

La tempête faisait rage à l'extérieur, à l'intérieur s'engageait une singulière bataille. Sans se reconnaitre, tous se cherchaient...et les surprises étaient à l'ordre du jour...parce que personne ne trouvait ce qu'il voulait.

Elle vit Erik s'approcher mais par mesure de précaution lui assena une gifle. Il protesta vertement et dut parler en suédois pour la convaincre.

Sorry, mon amour...mais j'en ai marre de ne pas savoir...

Et voilà Michael qui s'amenait , l'air éperdu. Opal se mit en position défensive mais il reconnut être simplement à la recherche de sa femme. Il avait l'air fin avec un œil qui gonflait et une meurtrissure au menton.

Et j'ai l'air de lui ressembler, à Victoria!?, hurla Opal, hors d'elle, je ne sais pas où elle est...je ne sais rien de rien!

Surement conforté par son accueil, De Brent alla chercher sa chance ailleurs...sans trop de succès parce qu'un instant plus tard la future Mrs. Nielsen le vit vaquer comme âme en peine et se diriger, d'un pas pas trop assuré, vers les escaliers menant aux cabines.

Super...si ça continue on est bien fichus...qu'est ce qu'il...Oh, diables...fiche moi la paix, Bryan...

Mais où était encore passé Erik?...

La soirée promettait d’être parfaite. Rien qu’une Opaline resplendissante à son bras le comblait déjà. Attendri, il la vit s’occuper du doux Lucas, sage comme une image de même que sa sœur avec laquelle Nate n’eut aucun problème. Les enfants Shima, sérieux comme des papes reçurent les onctions sans broncher. Puis vinrent les futurs époux. Opal et Angel quasi jumelles dans leur robe lavande escortaient Dess vêtue de ses plus beaux atours immaculés. Michael et Justin, les témoins, signèrent le registre et, après les embrassades sous les applaudissements nourris, ce fut son tour de se ranger au côté d’une Charlie rayonnante de bonheur.
Ensuite pétarada un feu d’artifice des plus inattendus mais très réussi surtout avec la correction effectuée par Miss Grisham. Dans des caisses apportées par le maître de bord, chacun trouva de quoi combler les nouveaux époux. Erik se promit d’envoyer un présent bien plus personnel aux mariés dès qu’ils seraient rentrés en Angleterre.
Pour l’heure, le ciel si paisible sembla détraqué par les fusées expédiées en nombre. La houle montait, le vent augmentait. Par sécurité, Justin convia tout son monde en bas où un fameux buffet les attendait. Le Champagne remit l’ambiance au beau fixe quoique le jeune Suédois ne parvînt pas à se départir d’une sourde appréhension. Peut-être était-ce la tête de Davenport qui le mettait mal à l’aise ? Le voir quitter la salle ne lui plut pas. Ce qui se passa ensuite encore moins. Opaline chaloupait bizarrement tandis que lui-même se sentait au bord de la nausée.

Erik...sais pas...mais je me sens mal du coup...

Pas le temps d’esquisser un geste, la voilà qui s’écroulait. Dans le brouillard opaque qui descendit sur lui, Nielsen eut juste le temps d’apercevoir d’autres passagers soumis au même malaise.
Difficile d’évaluer le temps écoulé entre évanouissement et récupération. Sans doute peu car il remarqua l’air effaré d’Angel et Preston accourant vers eux. Distrait un instant, Erik ne remarqua pas les avances de Michael vers son Opaline. Lui voyait Bryan tabasser Justin alors que Dess lui tendait les bras…

*Dess ? Mais non, c’est mon Opal !*

Il voulut la recueillir lorsqu’une baffe s’écrasa sur le visage de Mrs Green.

*C’était donc Dess ; Où est Opaline, alors ?*

Il l’avait juste à côté de lui mais ne s’en rendait pas compte la cherchant dans cette vague de folie. Il crut la trouver et s’avança au devant de Mrs Rockwell. Sa gifle ne le rata pas. Perdu, il se retourna et vit son Opal embrasser le moldu. Son sang ne fit qu’un tour. Mieux que le taureau débouchant dans l’arène, il fonça défoncer le torse de ce malappris mais déjà Angel s’était interposée, risquant de crêper le chignon à l’Australienne. Emporté dans l’élan qui rata sa cible, Erik valsa dans des sièges près de ce monde ahuri. Le choc lui remit un peu les idées à l’endroit. Contusionné, il revint vers Opal de qui il se prit un beau pain.
En suédois, il se plaignit douloureusement et Opaline, car c’était enfin la bonne, s’excusa.
De Brent voulut s’en prendre à nouveau à sa chérie, la fureur d’Erik remonta d’un cran. La jolie représentante des Outbacks ne le devança en lui jetant des imprécations à la figure. Le pauvre en fut tout retourné et alla tenter sa chance ailleurs.

Qu’est-ce qui se passe, tout le monde est devenu fou ? demanda-t-il à Opal.

Mais il n’obtint pas de réponse, Bryan tentant encore d’entraîner Opal dans sa cabine.

Tu l’auras voulu, Green !

Le poing lancé s’arrêta net. Opaline n’était pas là, il crut qu’elle était Dess et s’en détourna, la guettant ailleurs.

*Non mais, pour qui il se prend, Justin ?*

Pas de doute, Opal se suspendait à son cou en le pressant de faire quelque chose.

PAS TOUCHE ! beugla-t-il déchaîné.

Davenport fut pris au dépourvu par l’attaque soudaine du blondinet enragé qui tentait de lui casser la figure :

Lâche-là ! Nate est là-bas ! Fous-lui la paix !

Plusieurs coups s’échangèrent. Erik sentit du sang dans sa bouche sans s’en soucier. Il allait massacrer celui qui touchait sa belle. Celle avec qui il confondait son âme sœur se rebiffa à son tour lui fracassant un tabouret du bar sur la tête en prétendant défendre son Robert. Erik vit trente six chandelles ; il tituba en se rattrapant à la nappe du buffet dont une grande partie l’accompagna dans sa chute. Si les magnifiques pièces montées résistèrent de justesse, des plats de volailles et salades l’arrosèrent copieusement.
Erik se ficha de voir son beau smoking dans un état lamentable. Il voulait châtier le malotru qui attaquait Opaline. Cette fois c’était la bonne. Néanmoins, elle ne l’entendait pas de cette oreille se débattant comme une forcenée :

C’est moi, vraiment moi. On a des éclairs de lucidités quand on s’en prend dans la gueule.

Pour faire bonne mesure, il lui souffleta la joue. Effectivement, l’Australienne le reconnut. Il lui prit la main et, ensemble, ils coururent se réfugier dans la première cabine venue qu’ils fermèrent à double tour.

C’est complètement dingue ! Pardon de t’avoir confondue avec Charlie et Dess. On va rester ici attendre que ça passe. Opal… ? Pourquoi tu me regardes ainsi ? O… Opal, non !

La baffe donnée à la jeune fille avait dû être trop légère pour un effet durable. Qui voyait-elle en lui ? Il ne le sut pas. Au lieu de bougies ce fut un très beau feu d’artifice qui lui éclata dans la tête. Un voile tomba.

Aaaargh!

Sa tête éclatait. D'un geste réflexe, il essaya de se tâter le crâne, seulement pour découvrir, comble de misères, qu'il était ligoté comme un saucisson et jeté comme un fardeau en travers un lit qui n'était pas le sien.

Qu'est ce que j'ai fait maintenant?

Avec une conscience comme la sienne, c'était cette question qui revenait le plus souvent en se trouvant dans une situation étrange. La réaction suivante fut de se fâcher contre ce manque de pot perpétuel qui semblait s'acharner sur lui. L'auto compassion faisait des ravages. Mais au bout d'un moment de parfaite immobilité, pas question que ce put être autrement, ses méninges, bien que secouées, se mirent au travail. Résultat? Sa migraine ou ce que ça pourrait bien être augmentait, à mesure qu'il rattrapait, de ci de là, une bribe égarée des évènements de cette nuit. Ce n'était rien de trop précis mais en tout cas...il regrettait déjà.

Michael grommela une bordée de jurons à faire verdir un charretier et parvint, non sans efforts et contorsions de tout genre, à mettre ses mains ligotées à hauteur de sa bouche pour attaquer à belles dents un des nœuds.

Si je mets la main sur celui qui m'a fait ça...

Défaire "ça" prit temps et sueur. À en finir crevé, cette gymnastique! Peu à peu il venait à bout de cette ridicule corvée, tout en maudissant la planète entière et ses alentours.

Enfin, avec un ouf! enragé, il se libéra des mètres de corde utilisés pour l'emprisonner, un travail très moldu, reconnut-il et ayant récupéré le souvenir de la plupart des fautes commises, devina qui pouvait être l'artiste...et se jura de lui tordre le cou dès que possible.
Animé par cette pensée rafraichissante et après avoir constaté que son crâne s'ornait d'une bosse de la taille d'un œuf de canard, Michael avança vers la porte. Inutile de coller l'oreille au panneau pour savoir s'il y avait de la circulation dehors. Un système parfaitement efficace d'insonorisation l'isolait du reste du monde. Nouvelle bordée de jurons avant d'entrouvrir et jeter un coup d'œil, assez restreint...sur la porte d'en face. Dépité et sans autre option, il opta pour sortir. Couloir désert. Tant mieux. La question suivante était où aller. Partant de la simple logique de la situation, si on l'avait attaché, comme à un malfrat quelconque, c'est qu'on le voulait hors circulation.

Un sourire malin lui tordit la bouche, baguette en main, il se faufila, longeant les murs, dans le meilleur style Cary Grant dans "Sur les toits de Nice".

Ils vont voir de quel bois je me chauffe.

Juste un instant après une autre pensée l'assaillit...il commençait à être temps!

Et Vic?...ma pauvre chérie, elle doit être toute retournée par...

Fin de l'idée. Il venait de percevoir des voix, pas loin de lui, juste au détour du couloir. Silencieux comme le dit Chat, Michael avança dans l'espoir de surprendre...Merlin sait qui!

Pas à dire, pour surprise, il y en eut...mais pas précisément pour les autres...Manu Leroy, l'immense prêtre polynésien et Robert Rockwell ne sursautèrent même pas quand il jaillit, comme diable de sa boîte, et les pointa de son bout de bois. Ils se contentèrent de le dévisager après avoir échangé un sourire d'entente...ce qui, tout de même, lui mit la puce à l'oreille.

Comment t'es-tu détaché?, s'enquit Robert, comme qui parle de la dernière partie de golf.

J'ai des bonnes dents!, grommela Michael en reculant, juste par précaution, d'un pas, qu'est ce que vous faites là, tous les deux, à comploter?

Manu partit d'un rire bon enfant.

Justement ça, mon fils, nous complotions...pour le bien!

Ouais!

Il les voyait venir avec leurs airs bonichons qui ne lui disaient rien de bon. Mais le pire était à venir. En agitant sa baguette, celle ci se montra aussi coopérante qu'un torchon de cuisine. Déconfiture totale. pas besoin d'être un génie pour deviner que s'ils complotaient pour le Bien...lui, en cet instant, était l'incarnation du Mal...ou quelque chose de ressemblant. Moment d'envisager une nouvelle stratégie. La fuite, lui sembla la plus appropriée.

Michael...il se passe quelque chose d'étrange sur ce bateau...

Les paroles de Robert avaient beau être calmes et très posées, Michael s'imagina qu'il n'en voulait qu'à sa peau et ne resta pas à écouter le reste du discours; il détala comme un lièvre par le couloir...et les deux autres se lancèrent à ses trousses.

Super...comme au bon vieux temps!!!

Il grimpa les escaliers menant au salon comme une exhalation et se retrouva en plein champ de bataille. Il vit une Charlie pleine de brio envoyer un tabouret sur la tête de Nielsen qui s'accrochant à la nappe de la table principale, ruinait le buffet.

Zut! J'avais pas encore mangé, moi!

Oups, voilà que Erik se relevait, indomptable gars, et allait s'en prendre à Justin. Beau pugilat! Michael resta là, un instant à chercher ses repères et finit par apercevoir Vic.

Ma chérie...je te cherchais!

Il enlaça une mégère qui manqua de peu de lui arracher les yeux en l'affublant de tous les noms d'oiseau...et opta pour la lâcher, simple mécanisme de défense . Robert et Manu déboulaient au salon, pas question de rester là...il se frayait passage quand quelqu'un lui sauta dessus, sans prendre le temps pour voir de qui il s'agissait, il riposta et son poing partit, sans atteindre l'attaquant mais si...la pauvre Nate qui n'avait rien fait. Se sentant absolument coupable mais toujours conscient d'être poursuivi, Michael abandonna Mrs. Davenport et fila vers la première sortie, fit coulisser la porte et s'élança au dehors.

Mauvaise idée! La tempête battait son plein et à peine abouti sur le pont, il faillit se faire souffler du parquet par un vent furieux et se prit un paquet d'eau qui le laissa en piètre état. Impossible d'aller nulle part, à moins de se jeter par dessus bord...mais là, ce n'était pas trop tentant. Il avait quelques méfaits à son actif mais cela ne méritait pas des mesures si radicales.

Les deux autres, tenaces comme des chasseurs de têtes, venaient de faire leur apparition...et c'est au milieu de la bourrasque déchaînée qu'ils s'affrontèrent.

Et alors? On fait quoi maintenant!?

Même dans la pire des situations, il restait crâneur. En essayant de tenir convenablement debout, Michael les dévisagea...il dégoulinait comme un chien qui sort du bain, la bosse sur son crâne lui faisait en voir de belles, le vent menaçait de l'emporter et pourtant, il se trouva le temps de sourire, narquois.

Vic a besoin de toi, Michael! Tu dois venir avec nous. On va t'aider à y voir clair.

Vic a besoin de moi? Je l'ai vue il y a deux minutes et elle avait l'air d'avoir besoin de moi pour m'arracher les yeux...merci, je passe!

Robert secoua la tête. Sa patience avait tout de même des limites.

Ce n'était pas Vic...mais Opal McLane.

Ah bon...elles ne se ressemblent pas pourtant!

Le prêtre et Rockwell échangèrent un regard dépité, face à la difficulté de faire raisonner une nature bornée , les grands moyens restaient les seuls à envisager. Néanmoins Robert fit une dernière tentative.

Vic va accoucher, Michael. L'enfant va naître cette nuit et elle te veut à ses côtés.

Mais...

Ce qu'il allait dire se perdit dans les hurlements de la tempête et sous le poing foudroyant de Manu Leroy.

Aouch!, murmura Robert en soutenant Michael ,écroulé comme une masse.

Que Dieu me pardonne, mais ce gars est en pire état que supposé!

Sans plus de discours, le colosse-curé, mit Michael en travers son épaule, comme un sac de patates. Ce fut cette singulière procession qui traversa le salon sans qu'on prête grande attention à eux. Robert attrapa Charlie au passage mais sa tout nouvellement acquise épouse le voua aux enfers et lui décocha un coup de pied au tibia.

Allez, mon père...on revient la chercher dans un moment...on s'occupe de celui là pour le moment!

Arrivés à la cabine, où les attendaient Angel, Preston et une Vic au bord de la crise de nerfs, on mit le futur père sur le lit.

Michael parvint à ouvrir un œil juste pour voir le visage de sa femme en pleurs, il voulut la rassurer mais à peine ouverte la bouche on lui faisait avaler un liquide doux...tout se dilua en un brouillard incertain, alors qu'un des présents disait:

Commencez, mon père!

Si ce matin on avait dit à Preston que la journée allait finir ainsi, il n'en aurait rien crû. Si on lui avait assuré, qu'au coucher du soleil il serait l'homme le plus heureux du monde et que la belle, qui le faisait soupirer depuis des mois, agréerait ses sentiments en toute joie de cœur...il aurait secoué la tête, dépité.

Pourtant c'était justement ce qu'il se passait. Pas exactement comme il l'aurait imaginé ou voulu, mais enfin...qu'est la vie sans surprises!?
Quoique personne n'a besoin de pareille surprise!

Tout se déroulait comme un songe parfait jusqu'à ce que sa douce et lui soient tirés de leur petit univers bien à eux par des circonstances inimaginables.
Tous ces beaux sorciers et sorcières, qui minutes auparavant, fêtaient allègrement baptêmes et mariages gisaient à présent, inconscients, sur le parquet poli du salon.

*Bonté divine...on leur a lancé un sortilège de groupe?*

Qu'est ce qu'il se passe?, demandait sa petite sorcière adorée, tout aussi surprise que lui devant ce spectacle inattendu. Avec eux, restaient debout: le prêtre, Victoria De Brent et Robert Rockwell.

Il se garda bien d'émettre une niaiserie moldue quelconque et suivit Angel qui se portait déjà au secours des évanouis. Et puis voilà que ce beau monde s'ébrouait, se réveillait et se mettait en action...et quelle action.

Preston eut du mal à croire ce qu'il s'en suivit. Le spectacle était grotesque et inespéré. Le maitre de céans, homme sensé et charmant, se transforma soudain en un homme éperdu d'amour qui enlaçait...Desdémone et comme si c'était peu, il l'appelait Léanor. Le tout nouvellement acquis mari de la belle blonde prit rapidement l'affaire en main et largua à son bon ami et collègue de travail un uppercut bien placé qui aurait désenchanté un troll. Mrs. Green au lieu de se montrer ahurie par cette soudaine attaque, jetait résolument son dévolu sur le fiancé d'Opal, qui, sans se soucier des bonnes manières gratifia son ancien professeur d'une tarte magistrale, digne de passer aux annales.

Tout autant que lui, sa chérie était sans rien comprendre. Cela le rassura, ce n'était donc pas un comportement normal chez les sorciers!

Ils sont fous!

Definiti...hey, toi! bas les pattes!

Cette fois c'était au tour de Michael de perdre la boule. Sans se soucier de la présence de son épouse, il avait pris Angel dans ses bras et l'appelait, quel mauvais goût: Alix. Vic et lui eurent la même réaction: sauter sur le malotru. Lui, n'y alla pas de main morte, il avait beau beaucoup apprécier De Brent, c'est avec un plaisir évident que son poing trouva sa mâchoire.

Ils vont s'entre-tuer si on ne fait rien!

Le journaliste ne voyait pas trop ce qu'ils pourraient bien faire pour mettre frein à cette vague de passions déchainées, à moins de les assommer un par un. Angel essaya de se servir de sa baguette mais il ne se passa rien...plus de magie! Ils étaient fins!

Faute de mieux et voyant que l'affaire ne faisait que dégénérer de la pire façon, ils firent un repli stratégique en entrainant la pauvre Victoria et suivis de Robert et Manu Leroy, consternés.

On fit le point avec un résultat éclatant...personne n'y comprenait rien. Lui, moins que quiconque. À la question de pourquoi ils avaient été épargnés, tous cogitèrent amplement. Sa jolie fiancée fut la première à émettre une hypothèse...la possession démoniaque.

À croire ce qu'on vient de voir...ça m'étonnerait pas du tout..., s'aventura t'il à dire en jetant des regards préoccupés vers la jeune dame De Brent qui semblait assez mal en point.
*Manque un accouchement !*

Le père Leroy acceptait moyennement l'idée et faute de mieux opta pour faire l'essai, bien que pour cela il faudrait mettre le grappin sur un de ces desperados de l'amour qui se battaient à main nue, au salon...et bien sûr, cette tâche héroïque ne pouvait concerner que trois des cinq personnes là présentes. Dieu merci, Manu Leroy pouvait compter pour deux!

Heureusement qu'Angel, une fois plus calmée, avait récupéré toute sa logique et savoir faire. Selon elle, pas question de courir après tout le monde au petit bonheur la chance, il fallait essayer de les mettre hors d'état de nuire et de s'entre-massacrer. Pour cela il fut question d'aller fouiller la cabine de Mrs. Green, maitresse en potions (aux dernières nouvelles, pour lui) pour dénicher la précise composition qui enverrait, en douce, tout ce beau monde aux bras de Morphée.

La suite fut un peu confuse, même pour lui qui avait la tête claire. Angel voulait se changer, ils l'escortèrent jusqu'à la porte de sa cabine...et là...allez savoir comment se trouvait Michael, un type très têtu, celui là...la jeune fille parvint à le mettre hors jeu et Preston se fit un bonheur en l'attachant joliment. On pouvait poursuivre la quête. Plus facile à dire qu'à faire.

À peine remontés au salon, ils se virent assaillis par ces fous perdus qui confondaient leurs partenaires de façon outrageante. Ces pauvres gens étaient sans doute sous l'influence, ce soit d'un hallucinogène puissant ou comme avait supposé Angel, possédés par les démons les plus cocasses de l'histoire.

Il dut affronter une Opal échevelée qui le confondait avec son Erik. Celui ci se prit un tabouret sur la tête, ruina le buffet. Charlie ne savait plus où en donner de la tête, Nate perdait les pédales. Justin s'y remettait. Green et McLane, à deux pas du pugilat, Erik prenait l'affaire en main...Vlam par ci! Cadaboum, par là! Un vrai cirque, la décadence en plein...

Pour mettre la cerise au gâteau, les elfes étaient absents à l'appel, donc pas d'aide en sus. Faudrait s'arranger avec les moyens de bord. C'est donc entre coups reçus et autres esquivés qu'on arriva enfin à mettre la main dessus à une fiole digne de confiance...manquait savoir comment on allait convier ce beau monde à boire le super punch du Dr. Dodo!

Entre tours et détours, ils avaient perdu un temps précieux. Selon Robert, le premier à passer à l'ail serait Michael. Sa femme allait accoucher et voulait l'avoir près d'elle. Une demande on ne peut plus légitime. La seconde à remettre en service, serait Charlie, seul médecin à bord capable d'assister Vic. Sympa comme mission surtout quand on découvrit que le mari volage courait la nature. Robert et Manu se chargèrent de lui donner la chasse. Preston et Angel retournèrent auprès de Vic, qui ne semblait pas trop guillerette.

Tout va aller bien, Victoria...Leroy et Robert, amènent Michael dans un moment.

Il se voulait à tout prix rassurant, même s'il était trés loin de se sentir ainsi. Profitant d'un petit moment de répit dans la folie ambiante, il attira Angel à l'écart.

J'ai réfléchi à ta question...pourquoi eux et pas nous? Ben, je connais mal les détours intrinsèques de la magie...mais il me semble qu'il y a un petit facteur commun...ou presque...ces esprits ou ce que ça veuille être n'ont possédé que des sorciers adultes...avisés et en pleine possession de leurs facultés...or nous avons là...un prêtre catholique, un demi sorcier, Robert m'a avoué être ce que vous appelez un Cracmol...une femme enceinte, une jeune fille...et un moldu pur et dur...donc, ma douce...ces esprits, qui qu'ils veuillent être ne touchent pas à ce qui...

Ce qu'il allait dire fut interrompu par la porte s'ouvrant avec fracas et livrant passage à Manu portant un Michael évanoui et dégoulinant, en sac de patates et le jetant sur le lit avec un grognement de satisfaction.

On ne posa pas de questions, Victoria semblait prête à éclater en sanglots en voyant son beau mari réduit à cet état. Preston admira l'assurance avec laquelle Angel fit avaler la potion à l'évanoui et avec laquelle, Victoria, pourtant défaillante dit:

Commencez, mon père!

Preston devait s'avouer être dépassé par les évènements, ces réunions entre sorciers avaient un charme trépident duquel il pourrait bien se passer à l'avenir à moins bien sûr, que sa petite sorcière adorée en fut affecte...en la serrant contre lui, il attendit la suite ...parce qu'il était sûr que c'était loin d'être fini...

Quelle affaire ! Angel été très affectée d’avoir dû user de violence sur De Brent avec le vase mais la fin justifiait les moyens. Saucissonné de la sorte, Michael n’embêterait plus personne. En compagnie de Preston et de Manu, elle remonta vers le salon, redoutant le pire. En chemin, ils firent une halte à la cabine des Green. Chacun fouilla un coin afin d’y dénicher le flacon de somnifère décrit par la jeune fille.

Ce doit être une petite fiole brune, avec un bouchon en verre. Le plus simple est de me montrer ce que vous trouverez.

La chasse à la bouteille dura un petit moment. Dans la salle de bains, Angel découvrit un assortiment de flacons et pots.

*Tiens ? De l’onguent du docteur Oubbly…. Ça pourrait être utile… après.*

Très ordonnée, Dess avait étiqueté soigneusement ses mixtures. La potion sommeil fut découverte sans devoir tester au nez l’ensemble. Par sécurité, Angel flaira néanmoins la substance, qu’elle identifia sans problème.
Au salon, la situation n’était pas reluisante. Justin venait de se faire tabasser par Robert qui défendait sa femme.

*Par où est-il passé ? *

Manifestement Rockwell avait quitté le chevet de Vic pendant qu’ils cherchaient le somnifère. Il n’était d’ailleurs pas le seul à être passé derrière leur dos car De Brent hantait à nouveau les lieux en cherchant désespérément Vic. Manu et Robert se chargèrent de lui assez vigoureusement. Dess lui parut assez secouée mais sensée :

Qu’est-ce que tu fais ?... Euh…. Frappe-moi ! Je sens que ça me reprend…

Bien sûr que non ! s’outra Angel.

Leroy la gifla, Dess ne se plaignit pas. Très lucide elle proposa qu’ils embarquent Michael et Charlie tant qu’à faire ; qu’elle se chargerait d’administre la potion lui en laissant juste une dose au cas où.
Angel lui en fut reconnaissante : elle avait peur de forcer la dose…
Laissant ce beau monde se débrouiller, Preston l’enjoignit à retourner voir Vic. La douleur gâtait les traits si doux de Mrs De Brent. Elle faisait les cent pas dans sa cabine, l’air assez paniqué. Son Preston s’empressa de lui prodiguer quelques paroles réconfortantes :

Tout va aller bien, Victoria...Leroy et Robert, amènent Michael dans un moment.

Elle le trouvait si… chevaleresque. Depuis le début de cette folie, il s’était comporté admirablement, ce dont elle n’avait pas douté un instant. Là, il l’écarta légèrement de Victoria et débita :

J'ai réfléchi à ta question...pourquoi eux et pas nous? Ben, je connais mal les détours intrinsèques de la magie...mais il me semble qu'il y a un petit facteur commun...ou presque...ces esprits ou ce que ça veuille être n'ont possédé que des sorciers adultes...avisés et en pleine possession de leurs facultés...or nous avons là...un prêtre catholique, un demi-sorcier - Robert m'a avoué être ce que vous appelez un Cracmol... - une femme enceinte, une jeune fille...et un moldu pur et dur...donc, ma douce...ces esprits, qui qu'ils veuillent être ne touchent pas à ce qui...

*A ce qui quoi ?*

Hélas, Preston dut s’interrompre avec l’arrivée de Manu qui rapportait… un Michael en piteux états. Vic n’en pâlit que plus. Angel n’hésita pas à administrer la potion au grand blond jeté en travers du lit. Preston pria :

Commencez, mon père!

Angel trembla mais l’étreinte chaleureuse du journaliste lui donna des forces pour surmonter ce qui se déroula.
D’abord, Leroy s’excusa et fila les laissant sans voix. Il reparut moins d’une minute plus tard, vêtu d’une étole violette, un bréviaire en main ainsi que d’une musette. Entretemps, Robert arriva porteur de sa femme transformée en furie. Un petit direst au menton la calma. La séance débuta. Miss Grisham ouvrit des yeux ronds, se blottissant plus étroitement contre Yates lorsque d’une voix forte Leroy brandit un crucifix :

Par Jésus-Christ et au nom de la Sainte mère l’Eglise, je t’ordonne te sortir !

Ne sachant à quoi s’attendre mais ayant vu un film célèbre qui l’avait terrorisée, Angel enfouit son visage contre le torse de son Preston.
Ne percevant aucun écho, elle osa rouvrir les yeux et regarder. Michael n’avait pas bougé d’un cil, Charlie non plus ; Manu semblait renfrogné. Il soupira, s’approcha davantage des supposés possédés dont il entoura le cou d’un bout de son étole. De sa musette, il sortit une aumônière où il puisa une pincée de…

*Du sel ! Mais oui, tout le monde sait que…*

Wow ! Pour une réaction, il y en eut une. Là où le chlorure de potassium rencontra l’épiderme, celui-ci se couvrit de cloques. Vic manifesta hautement sa réprobation mais si un regard courroucé de Manu l’empêcha de continuer ses protestations, lui poursuivit.
Ouvrant son livre, il se mit à réciter une litanie incompréhensible aux oreilles d’Angel. En tout cas, l’entité ou démon ou esprit qui habitait les sorciers adultes n’aimait pas cette sérénade. Leur corps se tordit, ils s’arquèrent comme tétanisés.
Manu émit un sourire approbateur. Il sembla prêt pour l’estocade finale. D’un geste vif, il empoigna une fiole emplie d’un liquide clair. L’aspersion des corps torturés, accompagnée de la première formulation au nom de Jésus, déclencha… l’inimaginable.
Sous les yeux ébahis de l’assemblée, une fumée brune s’échappa en abondance des narines de De Brent et de Mrs Rockwell. Elle tournoya, informe, avant de se compacter en deux entités sournoises tapies dans un coin de la cabine.

Ils sont libres ! soupira le prêtre épuisé. Mais ces saletés sont toujours là !

On verra ! réagit Angel. Là, c’est de Vic qu’il faut s’occuper. Où je ne m’abuse où elle a perdu les eaux.

L’exorcisme avait évacué les « démons » des deux corps avachis sur le lit. Quelques douces baffes et verres d’eau au visage les ranimèrent. Charlie comprit directement l’urgence de la situation. Elle ordonna à Robert, Manu et Yates d’évacuer les lieux réclamant l’assistance d’Angel qui ne voulut pas se séparer de son chéri :

Il y a deux machins néfastes là-bas ! Ils ne doivent pas s’approcher et les reprendre. Preston, tu… Tu frappes Charlie ou Michael si ces choses bougent, ok ?

Les minutes douloureuses s’égrenèrent. Encouragée par Charlie, débordante d’amour envers son époux qui lui tenait la main sans faillir, Vic fut courageuse. Angel s’émut devant les regards et mots éperdus que ces deux-là échangeaient pendant l’effort. Soudain, Preston agit et gifla Wolf puis De Brent. Les entités reculèrent.
Souffler, pousser, ne pas pousser… pour une jeune fille l’expérience de cet accouchement en direct était fracassante et édifiante.

*Au moins je sais à quoi m’attendre… un jour*

Sous les conseils judicieux de Charlie, une poussée magistrale permit l’expulsion finale d’une toute petite fille toute plissée mais… bleue.
Elle ne bougeait pas, ne criait pas ; Angel se sentit défaillir autant que les nouveaux parents effarés. Les claques de Charlie n’animaient pas cette délicieuse poupée…
Paniquée, la Serdaigle fouilla du regard la cabine. Elle pila sur un paquet de cigarettes appartenant sûrement à Michael. Se détachant de Preston, elle se rua dessus.

Du feu, vite !

Jamais elle n’avait tiré sur un clope. La bouffée allumée par les mains tremblantes de Preston faillit la faire vomir. Elle aspira la fumée qu’elle souffla aussitôt au visage du bébé inerte dans les mains de Charlie :

Secoue-la encore toussa-t-elle avant de récidiver.

Une volute bleutée noya le poupon qui émit bientôt son désaccord par un vagissement magistral.

Elle crie ! Elle vit, pleura Angel éteignant vivement cette cigarette.
Mais… Où sont les entités brunes ? J’hallucine ou elles ont … disparu ?

On ne s’en préoccupa pas sur le fait. L’important du moment était le bonheur des nouveaux parents. Emotionnée, Angel attira Preston en retrait :

Idée idiote : et si les cris du nouveau-né faisaient fuir ces choses pour de bon ?

Ne voilà-t-il pas quelque chose à creuser ?

Que l’on fasse taire ce môme !

Un mal de crâne pas possible le torturant, Justin grimaça en ouvrant les yeux. Que faisait-il par terre ? Tiens, Nate aussi y était. Son inquiétude se dissipa vite en la voyant battre des cils :

Tout va bien, mon amour ! On va se lever, viens.

Il effleura les lèvres de son épouse avant de l’aider à se redresser.

*Bon Dieu ! On m’a passé au rouleau compresseur ou quoi ?*

Vu l’état des autres, il était advenu quelque chose d’insolite. Beaucoup arboraient plaies ou bosses et semblaient passablement courbatus. Le dernier souvenir tangible qui émergeait était un verre qu’Angel lui donnait. Avant… ? Le néant sauf que...
Geignant, il avança vers un Michael tenant à peine dans ses croûtes :

C’est pas le moment de flancher, mon vieux ! Mince ! Vic est délivrée ? Félicitation !

La bourrade distribuée à son pote lui valut un œil noir… pas au beurre, il avait donné. Lentement, les invités émergeaient en se palpant menton, membres ou front. Les seuls intacts étaient Miss Grisham et son new boy friend.
Puisque tous étaient vivants, l’honneur était sauf. Sans trop savoir le pourquoi de ce désordre, le bon sens alerta Justin :

*La tempête… Le bateau…* Vous nous expliquerez, hein ? Je file en bas voir comment Kérouec s’en est sorti.

Remontée pénible : chaque mouvement était un calvaire. Dehors la situation n’était pas reluisante. Ça soufflait toujours avec violence, éclairs et tonnerre au menu. Résistant aux bourrasques déchaînées, Davenport gagna le poste de pilotage. Un haut-le-cœur le secoua en n’y trouvant nul occupant :

Yann ? Où es-tu ? s’énerva-t-il.

Le Broken Heart était livré à lui-même. Justin se précipita sur la « barre » qu’il lui fut impossible de manœuvrer.

*Bloquée… *

Perdu, il chercha autour de lui et vit dépasser deux pieds derrière le panneau des consoles. Se penchant, il découvrit son capitaine porteur d’un hématome géant à l’occiput.

*Sabotage*

Il sortit sa baguette, miraculeusement intacte, et tenta de ranimer Kérouec. Rien ne fonctionna. La machinerie aussi résista à ses « réparo »

*Salle des machines, urgent*

Cavalcade en descente cette fois. Il ne se préoccupa pas de ce qui se passait au salon, il dévala à toute allure les marches vers le centre vital du navire. Là… Il verdit :

Nielsen ? Qu’est-ce que tu fous ? Ne touche pas cette vanne où on est morts.

L’autre ricana, le défia de l’en empêcher. Il n’était plus du tout un prince de conte de fée mais une espèce d’avorton morveux et… diabolique. Justin réfléchit. Si son premier réflexe eut été de se jeter sur le saboteur, il lui parut plus sage de tenter de négocier en recourant aux bons sentiments du Suédois :

Opaline est en haut ! Elle a mal, elle te réclame. Monte la rejoindre.

Le rire dément émis décontenança Justin. Il dit :

Qui êtes-vous, que voulez-vous de nous ?

Une voix rauque, puissante, acerbe, s’échappa de la gorge d’Erik :

VOUS NOUS AVEZ OUTRAGÉS ! VOS PÉTARDS, VOS MIÈVRERIES SONT À VOMIR !! NOUS AIMONS DÉSORDRE ET CHAOS. VOUS N’EN RÉCHAPPEREZ PAS !

Seul, confronté à quelque chose qui le dépassait, Justin suivit son instinct : il fonça bille en tête. Sauver tout le monde était son unique but. Ce qui s’abattit sur lui le submergea d’une douleur pire que 10 doloris d’affilée. Une unique pensée s’échappa :

Nate !

Il sombra.

Les pleurs d'un nouveau né...Se massant le crâne avec entrain, Opal McLane se remit sur son séant et jeta un regard éberlué autour d'elle. Pas à dire, il s'en passaient des choses, sur ce bateau.

*OH zut...me dites pas que j'ai trop bu et me suis étalée en plein salon! La honte!*

En tout cas, elle n'aurait pas été la seule. Tous les présents semblaient eux aussi sortir d'un mauvais rêve et pas tous très en forme, il faut dire. Nez saignants, plaies et contusions disaient long sur ce qui semblait s'être déroulé là mais Opal n'en gardait aucun souvenir précis pour ne pas dire pas de souvenir du tout. Des yeux, elle cherchait sa chère moitié, sans le voir nulle part. angoissée, elle se relevait, pas trop assurée sur ses jambes quand une apparition inespérée au seuil du salon la fit oublier pour un moment son suédois bien aimé. Michael De Brent, assez mal en point, se tenait là...un bébé dans les bras, souriant avec un orgueil immense. Sans le penser deux fois, l'australienne se dirigea vers lui.

Le bébé braillait avec entrain. Opal la trouva, couverture rose, c'était une fille, particulièrement mignonne et en forme, pour quelqu'un qui vient de naitre.

Félicitations, Michael...elle est merveilleuse. Vic va bien?

*Sans doute, sinon il ne serait pas là, à se pavaner aussi fier qu'un paon. T'en as des questions idiotes, McLane.*

D'autres se pressaient autour du nouveau père et sa fille.

Quelqu'un a vu Erik? Où est Erik?

Mais personne n'avait vu le jeune homme et Opal commençait à se faire du mauvais sang. Restait à fouiller le bateau, tant qu'à faire. Mais il y avait d'autres raisons pour se préoccuper. La tempête sévissait encore de toutes ses forces. Justin fila rejoindre le capitaine pour voir comment se passaient les choses sur le pont de commandement.

*Erik adore les bateaux...il s'y connait, à coup sûr qu'il est allé jeter un coup d'œil pour voir comment ça se passe...*

Poussée par cette idée, elle ne tarda guère à suivre les pas du maitre de céans et grimper au poste de pilotage. Justin n'y était plus mais le spectacle qui s'offrit à ses yeux fut assez édifiant. Personne ne commandait le superbe voilier qui semblait livré à lui même au creux de ce typhon disgracieux.

*Par tous les Dieux de l'Uluru...*

Elle venait de découvrir Le Kerouec, inconscient. Craignant le pire, elle sortit sa baguette. Son Revigor ne fit même pas de chatouilles au pauvre breton. La bouche sèche, une boule de peur au ventre. Opal voulut crier pour demander du secours mais bizarrement pas un mot ne sortit de sa gorge contractée. Demi tour, retour au salon où elle apparut aussi pâle qu'un fantôme. Accrochant le premier à passer, dans ce cas Preston, qui de loin semblait le plus lucide des présents, elle parvint à bafouiller:

Capitaine out...navire seul...sais pas où est passé Justin...sales draps.

Délivré son cryptique message, la seule idée qui lui vint fut de se rendre à la salle de machines. Peut être Justin , qui sait si Erik aussi s'y trouveraient en essayant de reprendre, sait on comment, le contrôle du bateau.

La jeune femme n'y était pas encore arrivée que déjà des voix lui parvinrent...celle de Justin qui se voulait ferme et qui invoquait son nom...à elle:

Opaline est en haut ! Elle a mal, elle te réclame. Monte la rejoindre.

Mais que se passait il là? Le rire dément qui répondit à ces mots, lui hérissa les cheveux de la nuque mais Opal, suffoquée, en reconnut tout de même le timbre. À quoi jouait Erik? Était il devenu fou? Sans oser faire acte de présence, elle écouta encore Justin poser des questions, il semblait lui même convaincu que la personne qui était là n'était pas tout à fait Erik Nielsen, au moins pas celui que tous connaissaient.

Un réponse démoniaque, émise d'une voix jamais entendue, vibrante de haine sournoise glaça le sang d'Opal qui d'un bond passa le seuil, seulement pour assister à une scène de cauchemar. Son Erik, l'homme qu'elle adorait de toute son âme et de tout son cœur, repoussait sauvagement l'attaque de Davenport et celui ci s'effondrait...Elle sentit son cœur se briser mais avança, en essayant de ne pas trembler de tous ses membres.

Erik...Erik, mon amour...je...je t'ai cherché partout.

La Chose... Ça avait bien les traits de son prince suédois, bien qu'étrangement déformés, se tourna vers elle, la fixant d'un regard mauvais. Opal recula d'un pas. son cœur cognait si fort dans sa poitrine que ça faisait mal.

Mon...mon...chéri...

Mièvre! Mièvre...foutaises que votre Amour...Vous allez tous mourir!!!

Ce râle monstrueux la convainquit qu'il ne restait de son viking qu'une enveloppe corporelle, possédée par Merlin sait quoi qui le forcerait à commettre l'innommable. Mais si quelque chose d'Erik subsistait, elle saurait l'atteindre.

Erik Aegir, où que tu sois , lutte...lutte! Tu as une destinée à accomplir et ce n'est pas celle de détruire ceux qui t'aiment...Reviens à nous, prince Aegir...

La Chose eut un recul, le nom Aegir semblait avoir atteint quelque force en son intérieur alors, d'un geste enragé, Cela emboutit quelque chose dans ses oreilles.

Tu te crois très malin, hein?...Mais tu vas m'entendre le veuilles ou pas...Accio Boules de...

Elle ne finit pas prononcer le sortilège qu'une force brutale la propulsa contre la porte . Endolorie et choquée, Opal sentit des larmes de désespoir lui échapper...Seule, elle ne parviendrait jamais à bout de Ça...rampant à reculons, la jeune femme se mit hors d'atteinte puis se relevant, courut ou essaya de le faire en quête de renforts.

Aidez moi...Au secours!!!

Déboulant dans le salon, hurlant comme une folle, l'australienne ne manqua pas d'attirer l'attention générale, en mots hachés de hoquets et larmes, elle parvint à mettre les autres au courant de ce qu'il se passait dans la salle de machines. Angel essayait de la calmer, sans trop de succès. Les derniers évènements dépassaient bellement la demoiselle de Kelamera et elle se serait effondrée si voir un De Brent, hors de lui, se diriger vers le lieu des faits, ne l'avait fait réagir. Elle connaissait Michael, dont la réputation le précédait. Savoir son meilleur ami blessé ou mort et tout le monde en danger, ne ferait pas de lui un homme clément.

*Il va tuer Erik!!!*

Se défaisant de l'étreinte de son amie, Opal se rua à sa suite...

Le vagissement emplit le silence. Bénédiction suprême, absolution totale. Pendant les instants qui avaient suivi à la naissance, l'absence du premier pleur, les avait tous plongés dans la stupeur et l'angoisse. Puis Désirée avait hurlé à pleins poumons...

Il avait une fille. Vic et lui, avaient l'enfant la plus parfaite de l'Univers. Petite fée merveilleuse qui dès son premier cri, avait éloigné les démons...Michael se sentait éclater de bonheur. Enfin, l'instant parfait entre tous. Baume miraculeux apaisant son âme, il savoura la liberté absolue, sauf à jamais de tous les cauchemars qui l'avaient hanté.

Il avait embrassé Victoria, éreintée mais resplendissante puis la laissant se reposer avait pris l'enfant, emmaillotée de rose que lui tendait une Charlie émue aux larmes et avait quitté la cabine. Désirée...quel meilleur prénom pour cette enfant bénie, le fit mériter félicitations de tous les présents, ses amis se pressaient autour de lui et sa fille. L'instant était au bonheur, même si tous avaient une allure qui ne valait rien et semblaient avoir livré bataille contre une horde de trolls. Lui même se sentait passablement amoché...mais si heureux...

La suite fut assez confuse. D'abord Justin qui quittait le salon. La bateau tanguait fort. La tempête, loin de finir, sembler décupler de force. Il pensa que rendre le bébé à Vic serait le mieux à faire quand une Opal McLane tout pleurs et désespoir aboutissait au salon pour leur raconter l'histoire la plus scabreuse qui soit. Le Kerouec hors combat, Justin tombé face à...Erik possédé par une entité maligne? La menace était claire.

Prend soin de Désirée, Nate...je vais voir ce qu'il se passe!!!

Déposant l'enfant dans les bras de la jeune femme qui tremblait d'avoir entendu ce qu'il se passait avec son mari, Michael oublia la fatigue qui l'engourdissait un instant auparavant et s'élança vers la salle de machines. Opal McLane sur ses talons.

Le spectacle y était tel que décrit par l'australienne. Michael n'était pas un spécialiste en bateaux mais savait sciemment que la vanne que manipulait le faux Erik était justement celle qu'il ne fallait pas toucher.

*Sois pas stupide, Nielsen...*

Il n'avait pas fait deux pas, le plus silencieusement du monde, que la Chose se redressa et le fixa, haineuse. Pour des regards haineux, Michael n'en était pas à ça près, un an dans les rangs de Voldemort étaient une sacrée école et il pouvait se montrer à la hauteur, si besoin...or voir Justin, inanimé non loin de là, lui retourna les sangs et fit resurgir en lui le mangemort que tant craignaient, en toute justice.

J'ai vu pire que toi, avorton!, ricana t'il en avançant toujours, je ne te crains pas!!!

AH!AH!AH! Mangemort...t'es aussi pourri que les autres...

*Ça dépend du point de vue!*

Trêve de conversation. La vanne venait d'être fermée et aussitôt un clignotant d'alarme s'alluma sur le panneau. Pendant un instant, Michael sembla s'abstraire de ce qui l'entourait, décontenançant son adversaire, juste avant de lui sauter dessus avec efficience meurtrière. Possédé ou pas, Erik avait une droite très efficace et dans l'ensemble se battait bien. La Chose décuplait ses forces et son astuce, mais les coups portés par Michael ne manquaient pas de parvenir à leur but. Roulant et grognant comme des fauves enragés, ils roulaient sur le sol de la salle...le clignotant avait cédé place à une alarme. Le temps commençait à manquer!!!

Finalement d'un direct sauvage à la mâchoire, Michael, hors d'haleine, mit Erik hors de combat assez de temps comme pour l'immobiliser et lui ôter les boules de cire qu'il s'était introduit dans les oreilles et les jeta au loin.

La Chose ne tarda rien à se remettre a gigoter férocement mais déjà au seuil de la salle de machines se pointait une singulière procession. Angel en tête, tenait dans ses bras la précieuse Désirée qui pleurait en quête du sein maternel.

Le phénomène qui s'était produit lors de la naissance, eut de nouveau lieu et cette fois ce fut le pauvre prince Aegir qui sembla se vider de cette substance brunâtre qui s'agglutina sous forme des entités tant craintes...les pleurs du bébé, les firent reculer et enfin, elles se diluèrent et disparurent.

Opal se précipitait vers son fiancé à moitié évanoui.

Désolé, ma belle, mais il se bat comme un lion, ton suédois.

Il s'agenouilla auprès de Justin, craignant le pire mais un rapide examen lui révéla que Davenport était seulement bien sonné. L'alarme retentissait pour alors dans tout le bateau. Michael se chargea Justin sur l'épaule, déjà Robert aidait Erik et tous regagnèrent le pont principal.

Une voix d'ordinateur se chargea de les mettre en émoi, leur recommandant poliment de gagner les canots de sauvetage.

Par la grâce de Merlin, les elfes faisaient de nouveau acte de présence. Organiser ce beau monde ne prit pas une minute de plus que nécessaire. Pendant ce temps, Michael regagnait la cabine où une Victoria au paroxysme de l'angoisse l'attendait.

Désirée va bien, mon amour, tout va bien...sauf qu'on coule!

Il l'embrassa en se disant qu'il y avait tout de même façon et façon d'annoncer un naufrage imminent mais sa Vic sembla le prendre assez bien.

Nous allons quitter le bateau, ma chérie, viens que je te porte jusqu'au canot. Ne t'en fais pas, Bikita s'occupe absolument de tout...connaissant Justin, on y sera comme au Queen Elizabeth.

Magie aidant, le tour fut joué en moins de deux. Comme prévu, tout se déroulait dans l'ordre et le calme.

Dans les 17 minutes suivant le début de l'alarme, après une explosion imposante, le Broken Heart sombrait...sans pertes humaines.

Angoisse, douleurs, quel cauchemar. Seule dans sa cabine, Victoria tentait de soulager ses reins torturés. Combien de temps s’écoula-t-il avant de voir émerger Preston et Angel ? Elle n’en savait rien. Elle avait menti en expédiant Robert chercher Michael. Le terme était proche, très proche. Chaque muscle l’avertissait mieux qu’un signal sonore. Les paroles des nouveaux fiancés la réconfortèrent à peine. Les mots passaient dans un brouillard sanglant entrecoupé de spasmes atroces. Soudain on jeta son époux en travers du lit. Que lui avait-on fait ? Qui avait osé porter la main sur lui ? Sa faiblesse l’empêcha de s’opposer à ce que l’on appliqua à l’élu de son cœur. Tout la révulsa. Le voir souffrir la tortura pire que ce que son corps subissait.
Soudain, des fumées brunâtres quittèrent Michael ainsi que Charlie et se tapirent dans un coin juste au moment où une humidité singulière souillait ses dessous.
Une panique sans nom l’envahit. Par bonheur on la chouchouta. Son adoré se montra le plus aimant, le plus rassurant. Rien d’autre ne comptait que ses yeux, ses caresses, sa voix…
Se détendant, elle parvint à libérer sa Désirée de ses entrailles. Baisers fous, angoisse atroce : le bébé ne pleurait pas. Elle voulut intervenir mais la petite Grisham prit les devants. Bientôt un cri puissant retentit, agaçant tout le monde, entités comprises.
Sans trop comprendre le pourquoi du comment, Vic dut confier l’enfant à son époux. Elle, on la laissa aux mains de Manu et Robert ce qui l’énerva :

Bob, va retrouver ta femme ; elle a plus besoin de toi que moi.

Une fois celui-ci parti, elle interrogea le prêtre :

A quoi rime tout ceci ? Mon mari était possédé ? Tous le sont sauf quelques-uns ? Qu’en dites-vous, vous, un homme de religion ?

Grave soudain, Leroy y alla en biaisant :

J’avoue être dépassé par l’ampleur du phénomène. Là haut, c’est le chaos. Nous avons réussi à chasser les démons qui habitaient votre mari et Mrs Rockwell. Les pleurs de votre fille les ont « vraiment » repoussés. Ces esprits n’aiment pas la pureté ; c’est clair.

De longues minutes s’écoulèrent avant qu’une alarme ne retentisse. Ethérée, une voix synthétique annonça :

En raison d’avarie incontournable, nous prions les passagers de rejoindre les canots de sauvetage situés au pont supérieur. Je répète…

Que se passait-il encore ?

Mon père, aidez-moi ! Les enfants… On doit les secourir, je…

Déboulant dans la cabine, son Michael se pencha sur elle :

Désirée va bien, mon amour, tout va bien... sauf qu'on coule!

Son baiser lui fit tourner la tête mais pas trop puisque malgré ses airs adoucis, le danger était imminent.

Nous allons quitter le bateau, ma chérie, viens que je te porte jusqu'au canot. Ne t'en fais pas, Bikita s'occupe absolument de tout...connaissant Justin, on y sera comme au Queen Elizabeth.

Elle devint folle d’angoisse :

Sarah, Lucas ? Où sont-ils ? On ne peut pas…

Déjà son époux l’emportait, la rassurant de mots inédits qui, en d’autres circonstances, l’auraient fait fondre. En deux temps trois mouvements, elle se retrouva casée dans un canot tout confort. Près d’elle, ses enfants, ses chéris qui dormaient sans se rendre compte de la tourmente externe. Les elfes paraient à tout. Une grande paix la gagna. Seul l’état de Justin l’inquiéta. Pourquoi était-il inconscient ? Nate semblait confuse. Miss Grisham, le sourire de travers, lui confia sa Désirée qui réclamait sa pitance.
Pas besoin d’avoir suivi des cours, Vic sut trouver seule comment faire. Qu’importaient tempête, vent, tonnerre, sa fille avait faim. Son sein généreux trouva la bouche gourmande. Une sensation inédite faillit faire pleurer Mrs De Brent. La main de son époux sur son épaule la réconforta au mieux. Qu’importe ce qui arriverait. En cet instant, Victoria était la plus heureuse des femmes.

La tête douloureuse, Erik avait repris pied dans la cabine. Chancelant, encore désorienté par le coup de folie d’Opal, il s’était assis sur le rebord du lit, incapable d’aller plus loin.
Combien de temps demeura-t-il prostré, il n’en sut rien. Soudain, effaré, il vit une fumée brune s’infiltrer par les joints de la porte. Bientôt, plusieurs formes informes(ben oui) le narguèrent.

Que me voulez-vous ? Allez-vous-en !

Toutes hurlèrent un « NON » violent qui renversa Nielsen sur la couette. Incapable de s’y opposer, il reçut une invasion massive l’annihilant complètement. Redressé brusquement, les traits déformés de haine, Erik fouilla les tiroirs de la cabine. Des boules de cire furent découvertes et placées dans les oreilles. Les entités savaient ce qui les menaçait ; elles agissaient à travers lui.
Doucement, il se déplaça. Remonté l’étage, il ne prêta aucune attention au salon, filant subrepticement vers le poste de pilotage qu’il connaissait. Là, le marin Breton, ami de Justin, dirigeait le navire contre vents et marées. Une clé anglaise lui fracassa le crâne, Erik tira le corps inerte derrière des panneaux. La barre semblait l’attirer. Il posa la main dessus en pensant « stop »
Ceux qui le possédaient ne se satisfaisaient pas de si peu.

*En bas… Une vanne…*

Téléguidé, Erik se coula dans les œuvres vives du navire. Le sabotage débuta. Une manette ici, un clapet là, il touchait au but lorsque le maître de bord s’interposa :

Nielsen ? Qu’est-ce que tu fous ? Ne touche pas cette vanne où on est morts.

Rien ne peut m’atteindre, crétin !

L’expédier ad padres fut une joie. Pourquoi fallut-il qu’une donzelle s’en mêle ?

Erik Aegir, où que tu sois , lutte...lutte! Tu as une destinée à accomplir et ce n'est pas celle de détruire ceux qui t'aiment...Reviens à nous, prince Aegir...

*Pitié, épargnez-la ; prenez moi mais pas elle !*

Il essaya de résister mais les entités étaient trop fortes. Avec désespoir, il vit son Opaline repoussée puis s’enfuir.

*Elle t’abandonne ! Tout est masque, rien n’est vrai. L’amour est une illusion malsaine. Détruis tout ! Ferme la vanne*

Robotisé, Erik obéit. Une intervention inattendue surgit :

J'ai vu pire que toi, avorton!, je ne te crains pas!!!

Belle bagarre. Distraites les entités ne songeaient qu’à détruire le bateau. Cette agression les prit de court. Voir déposséder les oreilles de Nielsen des boules de cire les mit en émoi surtout qu’un nouveau-né vagissait à proximité.
Ne sachant résister à la pureté totale, les démons évacuèrent les lieux laissant Erik tel un pantin dégonflé s’affaler sur le sol tandis qu’une voix les exhortait à quitter le navire.
Qui le remonta, le couvrit, le réconforta ? Erik n’en sut rien jusqu’au moment où son regard purifié croisa celui de son Opaline.

Je… Je sais que c’est de ma faute… Je ne voulais pas… Je t’aime.

A en croire ses sens recouvrés, ils étaient dans un canot de sauvetage. Le Broken Heart avait sombré ? Justin l’écorcherait vif avant peu.
Titubant, il s’enquit des uns et des autres. Tous étaient là, plus ou moins en forme. Voir Désirée téter goulûment faillit le faire pleurer :

Je… je suis désolé. Je sais que c’est ma faute mais j’ignore pourquoi.

Opaline se montra généreuse. Il enfouit son visage contre son cou, lui murmurant des mots fous d’amour.
Les elfes veillèrent à tout. Chacun avec sa chacune put se nicher dans un coin tandis que l’embarcation voguait au grès des flots.
L’aube pointait à peine lorsqu’un cri réveilla tout le monde :

Terre en vue, mes maîtres ! se dandina Briman.

Ciel serein, soleil timide, non loin se découpait un havre. Opaline était restée lovée contre lui, Erik la réveilla de doux baisers :

Nous allons accoster ma chérie. Je ne sais pas de quoi demain sera fait… aussi, épouse-moi, vite, je t’en prie.

Ils avaient un prêtre à disposition, alors pourquoi pas ? Qu’importe si les McLane hurlaient, il la voulait à lui, là, de suite et à jamais.

Curieux endroit pour se réveiller. Étalée par terre, dans le salon . Heureusement que Justin était là, l'embrassant amoureusement, ravi de la voir retourner au monde des vivants. Elle ne comprenait rien, ne gardait aucun souvenir et était parfaitement confuse. Mais tout le monde semblait dans le même état, piètre consolation!

Sans aucun temps pour les explications, les faits se succédèrent à toute vitesse. D'abord l'apparition de Michael avec un bébé dans les bras...

*Tiens Vic a accouché...Diables, combien de temps ai je été ailleurs?*

Après, félicitations au nouveau père, câlins à l'adorable petite fille qui, il fallait le reconnaître, avait des puissants poumons. Puis voilà que Justin décidait aller donner un coup de main à Le Kerouek, en effet la tempête n'avait pas cédé d'un poil.

Assez récupérée comme pour reprendre son rôle de parfaite hôtesse, Nate essaya de s'occuper à offrir un remontant aux présents, qui semblaient en avoir drôlement besoin quand une Opal échevelée déboula dans le salon en hurlant au secours. Dans un discours entrecoupé de larmes, la jeune australienne les mit au courant de faits incompréhensibles...la seule chose que Nate tira au clair fut que son mari était en danger...et qu'il se passait quelque chose de terriblement grave. Pas le temps de réagir ou raisonner, Michael lui mettait sa fille dans les bras pour courir à la rescousse de Justin.

Elle essayait de surmonter son angoisse en berçant l'adorable poupon, pensant à le ramener à sa mère, quand Angel vint quérir le bébé avec une explication à laquelle Nate ne comprit pas grand chose mais la demoiselle semblait bien savoir ce qu'elle faisait et Mrs. Davenport ne put qu'obtempérer en se sentant assez confuse. Rien de nouveau, ce soir tout était très confus à bord du Broken Heart.

Quand l'alarme résonna, Nate faillit se mettre à hurler...mais oublia cela en voyant Michael apparaître en portant Justin, inanimé, sur son épaule. Il la rassura, son mari n'était qu'assommé et se remettrait, pour le moment l'urgence était d'abandonner le bateau.

Briman, Merlin soit béni, était là et n'attendait que ses ordres. Consciente qu'il n'y avait pas un instant à perdre, Nate mit l'elfe majordome et les autres en branle bas de combat. Tout d'abord, emmener les enfants à bord du canot principal, faire de même avec Justin, Le Kerouek et ce pauvre Erik qui tenait à peine debout. Elle activa les présents à récupérer quelques affaires en vue d'une prochaine balade en mer puis se rendre, le plus vite possible sur le pont pour prendre leurs places. Briman s'occupait, de maitresse façon de pourvoir provisions et tout le nécessaire pour rendre l'aventure acceptable. Nate savait sciemment que les canots étaient pourvus de tous les conforts possibles en semblables circonstances et ne se faisait pas de gros soucis quand à leur survivance. Embarquer Apache ne fut pas une mince affaire, le gros chat de Michael ne semblait pas du tout ravi avec le roulis et une fois à bord du canot, elle alla se tapir dans un coin, la tête entre les pattes, l'air penaud, à l'attente de son maître, qui ne tarda pas. Vic dans ses bras, l'air ravi de Michael émut Nate.

*En voilà un qui ne se fait pas des histoires...Seigneur, qu'il a l'air heureux!*

Tout le monde trouva où s'accommoder. Le canot de sauvetage principal était assez grand pour les accueillir tous sans besoin de se tasser les uns sur les autres. Le second, sous la commande de Briman, servait de depôt. Nate se félicita d'être mariée avec un homme si parfaitement organisé. Comme d'habitude, Justin n'avait rien laissé au hasard, pour lui, même un hypothétique naufrage, devait être soigneusement planifié.

La tête de Justin sur ses genoux, Nate caressa doucement ses cheveux tout en jetant un dernier coup d'œil au Broken Heart malmené au creux des vagues.

C'était un si joli bateau...

Mais déjà une explosion retentissait furieusement, surmontant les hurlements du vent. Le cœur serré, elle déposa un baiser sur le front de son mari.

Au moins, tu n'auras pas à souffrir en le voyant sombrer, mon amour.

Le merveilleux voilier, orgueil de Justin Davenport s'abîma dans les flots tandis que les canots dérivaient dans la nuit, au gré de la tempête.

Pour étrange que cela puisse paraître, personne n'avait l'air particulièrement malheureux . Tous semblaient prendre cette aventure inespérée de la meilleure façon possible: avec humour et philosophie, après tout, pas un ne manquait à l'appel. Les enfants, confortablement installés, dormaient comme des anges. Viviane, placée près de ses parents, n'avait même pas bronché avec ce brusque déménagement. Le bébé de Vic et Michael, dûment alimenté et conforté, avait trouvé son bonheur dans les bras de son père, qui lui, dormait comme une souche, sa journée avait été particulièrement éprouvante. Vic, resplendissante de bonheur, semblait se remettre à merveille de ses couches. La proximité de son beau mari avait certainement beaucoup à voir avec cela.

*Drôle de nuit de noces pour les nouveaux mariés!*

Mais encore de ce côté là, personne ne se plaignait. Charlie s'occupait plutôt de soigner quelques menus bobos de ci, de là, secondée par la douce Angel dont le tout nouvellement acquis fiancé, distribuait des boissons à la ronde. Opal prenait personnellement soin de son prince suédois, le plus loin possible des Davenport...bien que mal, le pauvre gars était le coupable de leurs présents déboires même si personne ne songerait à lui en garder rancune.

Justin reprenait doucement conscience. Nate respira, soulagée.

Hey...ça va, toi? Non, ne bouge pas, mon chéri...reste calme...je prends soin de toi!

Un baiser pour le rassurer mais déjà le regard de son chéri faisait un petit tour d'horizon et revenait se poser sur elle, ahuri.

Oui, mon amour...tu as raté part de l'action...vois tu...on a dû abandonner le bateau, nouveau baiser et soupir, je sais que ce n'était pas planifié pour les festivités mais...on a fait naufrage!

Pas loin d'eux, Manu Leroy éclata de rire...homme de Dieu avec sens de l'humour. De quoi garantir le succès de leur équipée.

La voix nasillarde de Briman tira tout le monde du sommeil...Son "Terre en vue, mes maîtres!", fit se sentir Nate comme Colomb arrivant au Nouveau Monde et cela lui donna envie de rire. Parfaitement éveillée, elle se leva et alla voir de ses propres yeux.

En effet, ile semblaient sur le point d'accoster une côte inconnue...mais terre est terre, on verrait pour les détails après.

*Ma foi...au moins on n'aura pas dérivé pendant des jours, c'est déjà ça!*

Bonjour, tout le monde...devinez! On accoste!!!

Beau mouvement de troupes...rien de tel comme un naufrage, pour mettre tout le monde en forme!

Non ! Non ! Nielsen ne fait pas ça !

Ce qui le frappa réduisit Justin à l’état de lavette. Dieu sait pourtant combien de coups il avait encaissé en tant qu’Auror mais une douleur pareille fut insurmontable. Un coma ? Un rêve ? Il vit des marches, entendit des cris alors qu’une sonnerie infernale lui vrillait le crâne :

*Nate, Viviane, je dois…*

Le voile noir s’abattit à nouveau sur lui.
Il l’étreignait, elle, sa belle, sa douce, son adorée. Ils valsaient sur un parquet ciré. Elle rayonnait, lui aussi.

Tu es merveilleuse. Je t’adore, ma Nate !

Pourquoi le sol s’animait-il de la sorte ? Ça montait, descendait mais la danse n’y était pour rien.
Il s’agita. La voix attendue résonna :

Hey...ça va, toi? Non, ne bouge pas, mon chéri...reste calme...je prends soin de toi!

Nate ? Qu’est-ce que l’on fait ici ?

Marrant, sa voix n’était qu’un souffle, un murmure ; chaque muscle était souffrance. Il avait pris la cuite du siècle ou quoi ?

Tu as raté part de l'action...vois tu...on a dû abandonner le bateau, je sais que ce n'était pas planifié pour les festivités mais...on a fait naufrage!

Hein ? Quoi ? Comment ? Un naufrage ?

Tu plaisantes, ma chérie. Le broken Heart est insubmersible. Je…

Redressé sous le rire de Leroy, Justin examina l’horizon. A part la houle qui agitait l’embarcation, un seul canot flottait à leur suite dans un espace tourmenté.
Interdit, il constata que l’inimaginable s’était produit. Son bébé, sa fierté avait donc coulé ?

NIELSEN, rugit-il ! JE SAIS QUE C’EST TOI LA CAUSE ! ICI, TOUT DE SUITE !

Il le saisit au collet et… lui administra une accolade démente :

Merci, mon frère ! J’en avais marre de ce rafiot. J’aurais dû le rebaptiser depuis longtemps ; je n’osais pas. Voilà l’occasion parfaite d’en acquérir un plus beau. Il s’appellera ViviaNate.

Le pauvre gamin en fut tout retourné. Très jovial, Davenport le libéra puis retourna auprès de sa femme. Il ne voulait pas l’inquiéter mais était réellement crevé :

Si tu as compris quelque chose à tout ce cirque, tu me fais signe. Briman est au poste. J’ai vu Yann aux mains de Bikita. Je t’aime.

Serein, il se rendormit. Combien de temps s’écoula-t-il avant que l’elfe n’ameute les troupes ? Quelques heures, pas plus.
Une terre était en vue, indéniablement. Plus elle approchait, plus Justin gambergeait. Où diable cette île se trouvait-elle sur la carte. Il avait fait le point avec Kérouek en début de soirée. La tempête les avait sûrement déviés de la route prévue. Aucune terre n’aurait dû la croiser avant longtemps. Bah… sable fin, palmiers… pas de quoi pleurer. Un roc désert l’aurait dépité mais là… une sorte de vent de l’aventure soufflait.
L’elfe manoeuvra adroitement, le canot des passagers glissa sur le sable.

Bain de pieds pour tous ! rigola-t-il en invitant tout le monde à sa suite. Pas pour toi, ma puce.

Il enleva Viviane aux bras de sa mère et la porta triomphalement vers le rivage inconnu sans souci de mouiller ses chaussures de gala.
Si l’île était déserte, tant mieux ! Davenport se sentait l’âme d’un conquérant du nouveau monde. Après tout, qui sait ?
Peu à peu, les autres suivirent. Se traitant d’imbécile fini, Justin donna un coup de main à Michael pour évacuer Vic, à peine remise de ses couches. Bryan porta Dess à bout de bras pour lui éviter l’inondation. Erik et Opal riaient en s’éclaboussant tandis que Angel se noyait… dans les yeux de Preston. Robert embarqua sur son épaule une Charlie hilare ; les elfes et Manu transbordèrent les enfants avant de s’occuper du second canot bourré de provisions, linges et autres nécessités.
Complètement retapé, Davenport voulut rassembler les hommes auprès de lui :

J’avoue ignorer où nous sommes. On va se répartir les tâches. Preston, Erik, Robert et Bryan, veillez sur nos familles ; installez un campement le plus confortable possible mais ne faites pas de feu… pas encore. Tentes et matériel sont dans le second canot. Michael et Manu, suivez-moi. Nous devons explorer les alentours.

Comme arme, il ne disposait que de sa baguette… Une brève visite au canot de secours leur fournit de splendides amis : Smith et Wesson. Ainsi équipé, le trio s’égailla dans la nature luxuriante.
Sans qu’il fût nécessaire de parler, les hommes se comprenaient. Inutile d’alerter qui que ce soit de leur arrivée. Amis, ennemis, personne ? A eux de le découvrir.
Dispersés en éventail, ils épièrent l’environnement. Par une grâce certainement divine, deux heures de traque les convainquirent d’être seuls dans un vaste périmètre. Joyeux, Justin siffla le rappel des troupes. Regroupés pour rentrer à la plage, Justin osa poser la question qui lui brûlait les lèvres :

Que s’est-il passé à bord. J’ai vu Nielsen possédé par… je ne sais quoi mais de vachement coriace. Manu… dis-moi…

Le prêtre débita un discours tellement étourdissant que, plusieurs fois, Michael et lui échangèrent des regards ahuris. Le pire était passé, semblait-il, c’était toujours ça.

Quelle nuit! Ils ne seraient pas prés de l'oublier . Chacun avait sa place à bord de ce fameux canot de sauvetage à la Justin. Pas de quoi se plaindre, naufrage en tout confort, un luxe que pas beaucoup peuvent se permettre. Un dernier tour d'horizon le rassura. Lucas et Sarah dormaient serrés l'un contre l'autre. À ses côtés, Vic avait fini d'alimenter leur fille. Une émotion indescriptible de bonheur total l'engourdissait en les regardant et encore plus quand sa femme lui mit le bébé dans les bras. Son petit bout de fée...

Je t'aime, Vic...suis le plus heureux des hommes!

La déclaration parfaite s'il ne l'avait pas faite en baillant à se décrocher la mâchoire, mais bonheur ou pas il était à deux pas de s'écrouler de fatigue.
Tiens, le Broken Heart sombrait...zut, quel dommage, un si joli bateau! Michael aussi sombrait mais dans le plus profond des sommeils. Out. Déconnecté de la réalité, tant et si bien que même le réveil en fanfare de son copain ne parvint à le faire tiquer...le monde se passerait de lui pendant quelques heures.

La voix de trompette de l'elfe répercuta dans son cerveau comme un coup de gong. Galvanisant. Le joyeux appel de Nate finit par le faire revenir à 100%...comme au reste des passagers d'ailleurs!

Il embrassa une Vic resplendissante, caressa la joue de sa petite Désirée et freina l'assaut de Sarah et Lucas, qui, tirés de leur placide sommeil réclamaient à présent toute l'attention de leurs parents. Le petit garçon se frotta les yeux, incrédule quand Vic lui présenta sa petite sœur mais, sage enfant, accepta d'emblée la nouvelle vérité de sa vie...il y avait plus petit que lui et il faudrait s'y faire. D'une menotte timide, il alla jusqu'à la toucher.

Doux...petit!

Michael, ému, lui ébouriffa les cheveux. Lucas lui sourit, ravi, mais déjà Sarah laissait entendre sa petite voix flûtée:

Moche! Peux pas jouer avec...

* Merlin ne le veuille!*

Jalousie, quand tu nous tiens. Tant que sa sœur était "rangée" chez Maman, va et passe, la voir là, très présente à faire des petits bruits qui semblaient plonger SON père dans le ravissement le plus baveux...ça, c'était déjà de trop. Possessive, elle s'arrangea pour grimper sur ses genoux et se nicher étroitement dans ces bras qui lui appartenaient en exclusive. Avec un soupir résigné, Michael serra sa fille ainée contre lui en caressant ses cheveux cuivrés.

Allez, ma puce, pas de souci...ton père est assez grand...y en a pour tout le monde! Allons plutôt voir ce qu'il se passe!

Avec Sarah, collée à lui mieux qu'avec des ventouses, il alla jeter un coup d'œil à la terre tant vantée. Première impression tout à fait valable. Plage, palmiers, sable fin et un mer clame et sans récifs...on pouvait pas rêver mieux pour faire naufrage. Les vagues les posèrent en douce vers le rivage et vint le moment du débarquement. Justin semblait prendre le tout avec une humeur incomparable, lui, n'ayant rien de quoi se plaindre s'attela à la tâche de déménager son beau monde sur terre ferme. Sarah protesta copieusement quand il la laissa aux bons soins de Manu Leroy, chargé pour les effets du petit troupeau enfantin et retourna auprès de sa Vic.

On va à terre, mon amour, toi tu prends Désirée et moi, je vous prends toutes les deux.

Sans lui laisser le loisir de dire quoique ce soit, il relevait sa femme dans ses bras. Vic serrait leur trésor contre son cœur.

Justin vola à son secours et voulut, à tout prix, se charger de Désirée pendant que Michael sautait du canot. Il l'en remercia et profita pour serrer Vic dans ses bras et lui octroyer un baiser à couper le souffle.

C'est le premier jour du restant de nos vies!, souffla t'il à son oreille , je t'adore, Victoria!

Autour d'eux, le naufrage prenait des allures de fête, l'humeur au beau fixe, les rescapés du Broken Heart, préparaient déjà leur installation. Laissant Vic, gentiment accommodée à l'ombre et en compagnie de Nate, Michael rejoignit son ami et les autres hommes du groupe.

J’avoue ignorer où nous sommes. On va se répartir les tâches. Preston, Erik, Robert et Bryan, veillez sur nos familles ; installez un campement le plus confortable possible mais ne faites pas de feu… pas encore. Tentes et matériel sont dans le second canot. Michael et Manu, suivez-moi. Nous devons explorer les alentours.

Entrée en matière par excellence. On naufrage, on tombe Merlin sait où et bien sûr ce où là, si possible, n'apparait même pas sur les cartes de navigation. Que peut on rêver de mieux? Il avait une femme et trois enfants en bas âge, mais pour étrange que cela puisse paraître pas l'ombre d'un souci ne l'effleura, tous étaient sains et saufs et vraisemblablement on ne manquait de rien. Et puis c'était une aventure...et lui, il aimait l'action. On passa vite fait des vêtements plus adéquats qu'un smoking, on s'arma dûment et on alla faire un petit tour dans la nature environnante. Au bout de deux heures de soigneuse exploration, on put établir que le périmètre était sûr, pas de signaux de vie extérieure à part une faune esquive qui au besoin servirait pour garnir leurs plats.

Sur le chemin de retour, la curiosité fut la plus forte. Manu semblait être des seuls à n'avoir subi aucun dégât la veille au soir. Michael et Justin, au contraire, semblaient avoir livré un combat rigoureux...sans savoir contre qui.
Heure de passer à la confession. Halte à l'ombre. Justin interrogea son ami polynésien et attendit. Ils n'y perdirent rien. Ce que leur raconta Manu Leroy avait de quoi éberluer le plus sensé des hommes.

Tu veux dire que...pas seulement Erik n'a été possédé par ces entités?, s'ahurit Michael.

Le reste de l'histoire ne lui plut pas trop, aux dires du prêtre, il avait eu son heure stellaire et joué le beau rôle de crétin perdu. Manu n'épargna détail.

Alix? Où diables vais je chercher pareilles choses...c'est qui? Angel m'a assommé? Wow....veux pas savoir ce que j'ai fait pour mériter ça...mais enfin...on est délivrés de ces "choses" à présent, tout va bien. Rentrons plutôt au campement...je meurs de faim.

Ignorant le regard étonné de Justin, il se remit en route, son unique désir était rejoindre sa famille et s'assurer de leur confort.
Sarah devait guetter son retour. En le voyant, la petite s'élança vers lui qui la cueillit au vol, la faisant rire, ravie. Suivait de près Lucas, qui eut droit au même accueil. Avec ses enfants accrochés à lui comme du lierre, il trotta à la rencontre de sa belle qui semblait se remettre merveilleusement de ses couches. Désirée dormait dans son couffin, Apache allongée plus loin, veillait tandis qu'une Bikita, roulant des yeux d'ineffable félicité, lui présentait un verre de limonade qu'il vida d'un trait avant de s'allonger tout près de Vic et mettre sa tête sur ses genoux. Elle sembla un peu surprise de cette attitude mais procéda à lui caresser doucement les cheveux, ce qui faillit le faire ronronner de plaisir.

Tu sais, ma chérie, le bonheur parfait...ça existe...j'y nage en plein!

Ceux qui entendirent cette véhément déclaration échangèrent un regard lourd de sous entendus...Où était resté le Michael que tous connaissaient, arrogant, blasé et si peu démonstratif ?

Comme noces, Dess ne s’était pas du tout attendue à ce qu’elles se passent ainsi ! Après avoir bu la mixture, elle s’était allongée dans les bras de Bryan et le sommeil n’avait pas tardé à les saisir.
Le réveil fut assez chaotique. D’abord, elle perçut des pleurs de bébé. Ces enfants ne pleuraient plus ainsi et Viviane non plus. Mais ce fut surtout le baiser de son mari qui faillit lui tourner la tête. Il lui fallut quelques instants avant de se rendre compte qu’ils étaient toujours au salon et non pas sur leur couche en plein ébat. L’esprit confus, elle se laissa entraîner vers la source du vagissement. Un De Brent tout fier présentait sa fille nouvelle-née à tous les passagers. Félicitations, sourires, tout semblait parfait sauf qu’il fallait bien avouer que la majorité des présents avaient curieuse allure. Mrs Green se demanda pourquoi sa joue cuisait et pourquoi sa robe était déchirée. On servit à boire puis une Opal en pleurs vint leur tenir un discours des plus étranges selon lequel Erik aurait mis à mal Justin dans la salle des machines. Michael confia le poupon à Nate et fila à la rescousse. Bryan voulu le suivre, elle ne s’y interposa pas, tentant de réconforter sa demoiselle d’honneur décomposée. Soudain, l’inquiétude qui régnait se transforma presque en vent de panique. Une alarme retentissait alors que Michael remontait Justin sur ses épaules. Pas besoin de grands discours : on allait couler !
Ce fut la ruée aux cabines.

Va chercher les enfants, conseilla-t-elle à Bryan. Je fais les bagages.

Des objets de première nécessité se casèrent en vrac dans un sac : Vêtements pour eux 4, trousse de toilette, pharmacie. La fraîche épousée aurait voulu se changer mais le temps manquait vraiment. Une voix électronique engageait tout le monde à gagner les canots du pont supérieur. Quelle course !
Tous se casèrent très à leur aise tandis que Briman assurait la manœuvre. La houle était sévère, Dess se sentit verdir. Les enfants, heureux anges, ne s’étaient pas réveillés pendant le déménagement. Elle avala un médicament. Voir sombrer le beau bateau de Justin marqua les passagers. Le jeune Nielsen n’avait pas l’air trop rassuré quant à son sort. Etait-il vraiment coupable du sabotage dont elle avait eu des échos. Chose étrange, elle ne parvenait pas à se rappeler autre chose que son dernier verre avant ce réveil en fanfare… Bizarre. Interrogé, son mari lui confia ressentir le même problème. Tôt ou tard, ils sauraient, assurément. Pour le moment, rien de mieux à faire que de se rendormir. Passer sa nuit de noce avec autant de personnes à ses côtés n’était franchement pas ce qu’elle avait imaginé. Son mari non plus ! La ravissante nuisette de dentelles affriolantes prévue pour les festivités était perdue à jamais, tant pis. Qu’ils soient tous sains et saufs suffisait à son bonheur actuel.
Le temps s’améliora, la paix régna. Dess fut toute surprise de se réveiller aux appels de l’elfe :

*Une terre ? Béni soit Merlin !*

Le transbordement s’effectua sans panique. Quel décor magnifique ! C’était un peu à un pareil qu’elle avait rêvé pour sa lune de miel.
Davenport, revenu à la conscience, n’avait pas écharpé le jeune Suédois, au contraire. A croire qu’il était satisfait de la situation.
On s’organisa au mieux, une fois sur la plage. Tsunami et Little boy semblaient fascinés par le nouveau-né. La gamine haussa rapidement les épaules :

Pas fini le bébé ; il a pas dents !

Les De Brent aussi étaient intrigués par leur sœur. Quel amour d’enfant ! Contempler le rayonnement de Victoria lui donna encore plus envie d’engendrer à son tour. Un regard éloquent vers Bryan la conforta ; il pensait la même chose qu’elle.
Néanmoins, l’heure ne s’y prêtait pas. Pendant que Justin, Michael et le prêtre visitaient les environs, un campement s’organisa.
C’est fou ce que les canots recelaient en matériel. Un peu dépitée de ne pouvoir aider les hommes au montage des abris, Dess tint à l’œil les quatre marmots après s’être enfin débarrassée de sa robe nuptiale dans des fourrés. Plus à l’aise dans un T-Shirt immaculé et jeans moulant, elle proposa ses soins à Victoria. La primipare devait être un peu désorientée par cette naissance et changement d’ambiance. Une oreille amicale était souvent bienvenue afin d’éviter certaines phases dépressives. Par chance, Mrs De Brent ne semblait pas en souffrance. Elles bavardèrent gentiment couches et biberons pendant l’absence du trio qui ne tarda pas trop à rallier le groupe. Les hommes avaient fait du bon boulot. Une grande tente et plusieurs plus petites se dressaient à présent en lisière de la végétation. En observant le montage, Dess avait pu constater quelque chose qui la chagrina un peu : la magie était peu opérante en ces lieux.
Elle avait vu Grisham pester de voir un sort de découpe rater sur un morceau de bois ; Opal bouda quand son sort de gonflage échoua sur les matelas pneumatiques :

*On va devoir s’investir physiquement, ici*

Ici… Où était-on, en fait ? Laissant les De Brent se retrouver, de manière curieusement démonstrative de la part de Michael, Dess rejoignit son époux qui achevait de fendre des bûches à la hache :

Tout va bien, mon chéri ?

Oups ! Ses mains étaient couvertes d’ampoules. Rien d’étonnant quand on manie plus souvent une baguette que ce genre d’engin. Les pommades et fioles emportées par Charlie et elle eurent raison de divers bobos. Ainsi le pied d’Angel tordu dans des rochers fut soulagé ainsi qu’une coupure que Nielsen s’était faite en plantant des piquets. Asticotant en douce l’un et l’autre, il s’avéra que si le Suédois ignorait ce qui s’était passé, la demoiselle en savait plus qu’elle ne voulait l’avouer. Sous ses questions, elle lança tant d’œillades perdues en direction du journaliste que les soupçons de Dess se renforcèrent. Il avait dû s’en passer de belles sur le navire !
Midi sonna, ou tout au moins le soleil fut au zénith. La chaleur était devenue insupportable. Bientôt ce seraient d’autres cloques que celles du labeur qui orneraient les peaux des rescapés à moins de mesures drastiques. La grande tente accueillit tout le monde dans son ombre rafraîchissante par son aération bien conçue. Les elfes avaient cuisiné les conserves du bord. Tsunami recracha sa bouchée en hurlant ; elle détestait les boîtes. Il fallut toute la patience de Bryan pour lui faire accepter une bouillie de haricots froids en sauce.
Son frère goba tout sans rechigner. C’était amusant, dans le fond. A croire que l’on était en pique-nique et pas en naufrage.
Les interrogations pourtant roulaient. Dess ne tint plus, elle s’adressa à Justin :

Où sommes-nous, en définitive ?

Le regard qu’il échangea avec son navigateur remis de ses coups à la tête en dit long : ils l’ignoraient complètement.
Pour l’instant, la situation n’était pas désespérée. Ils avaient diverses boissons et nourriture pour quelques jours. Après… Ben, on verrait. Elle voulait des vacances inédites, elle était servie !

Sa condition de journaliste et pas mal d'expériences périlleuses à son avoir le faisaient apte pour assumer des situations singulières...mais jamais comme cette folle soirée. Amour, possessions démoniaques, exorcismes, accouchement...Preston se sentait un peu dépassé...mais seulement un peu.

Si les esprits avaient abandonné la partie et libéré tout le monde, les sursauts de la soirée étaient pourtant loin de finir. Sans lâcher Angel ni de la main ni des yeux, Preston avait rejoint le salon où, tous réunis, félicitaient le nouveau père.
Scène idyllique de bonheur familial. Preston espérait que Michael ne garderait pas souvenir de son coup de poing, il n'avait aucune envie de se mesurer à ce beau diable mais apparemment personne n'avait idée de ce qu'il s'était passé...et ce n'était pas lui qui allait éclairer leur lanterne, il est des choses dans la vie qu'il vaut mieux ignorer!

Mais voilà que quand tout semblait destiné à retrouver sa normalité, une Opal échevelée avait jailli et le prenant du bras avait bafouillé des trucs impossibles:

Capitaine out...navire seul...sais pas où est passé Justin...sales draps.

À bon entendeur...Pas de temps à perdre. L'australienne disparaissait de nouveau . Il ne resta à Preston qu'à le communiquer aux autres mais avant qu'on puisse penser à quelque chose Miss McLane réapparaissait et cette fois, elle paniquait pour de bon en hurlant "Au secours!", à plein poumon.

Le beau remous qui s'en suivit. Le tout empira considérablement quand une petite alarme de rien du tout mit sa pointe de folie dans l'ambiance déjà surexcitée.
Personne ne perdait la tête, c'était déjà ça...surtout son Angel chérie, qui conservait un calme admirable et qui prit la direction de la suivante action à suivre. Aux dires de son amie, les entités malignes se seraient concentrées en Erik et celui ci était disposé à faire sauter le bateau...elle pensait avoir le moyen de les chasser.
Tant qu'à faire, il la seconda de son mieux.

*Seigneur, elle a bien mérité son nom...c'est vraiment un ange!*

Et un ange plein de bon sens ce qui est plus. Comme prévu, les pleurs de la petite De Brent chassèrent les démons mais...le bateau était perdu.

Pas le temps pour mots d'amour, étreintes fugaces ou encore baisers volés, il fallut faire vite pour se retrouver très peu de temps après accommodés dans un superbe canot de sauvetage...alors que le merveilleux voilier de Justin sautait dans les airs et sombrait au fond des abysses océaniques.

On peut pas dire qu'on se sera ennuyé!

Enfin un moment de répit, au moins là, il n'y avait pas où courir. Preston serra la jeune sorcière contre lui . Elle frissonnait de plus belle, alors amoureusement il la couvrit d'un plaid. Pendant un instant, leurs regards restèrent rivés, intensément, disant tant de chose encore tues.

Je t'aime, petite sorcière!

Un baiser fut échangé. Délicieusement doux, malheureusement bref mais tenant compte du public les entourant, il adora le rose tenu qui colora les joues de son Angel chérie et caressant sa tête, l'accommoda de son mieux dans ses bras. Ce serait sans doute une longue nuit, autant essayer de la passer confortablement.
Éreinté par les rudes évènements de la soirée, il ne tarda pas à s'endormir en toute paix et bonheur. Ils étaient sains et saufs, Angel était là, avec lui, sans fiancé invisible pour s'interposer...que diable pouvait importer s'ils voguaient dans la nuit et la tempête, sans savoir vers où?...Lui, il s'en fichait. Il était heureux. Point barre.

Nouveau jour...nouvelle vie! Un elfe très pris dans son rôle de vigie, donnait la voix...On avait terre en vue!

Et pas n'importe quelle terre...

On accoste au paradis, mon ange...avec le pot qu'on il y a un Club Med au détour de la plage!

Il y en avait pas! Justin, Michael et le prêtre partirent en mission d'exploration laissant aux autres le soin de lever un campement.

Fallait remercier le ciel d'avoir un canot -depôt bourré à craquer de tout ce dont on peut avoir besoin en cas de naufrage . L'affaire menace de se corser quelque peu quand les sorciers découvrirent que leur magie n'opérait pas pleine vapeur et qu'il allait falloir s'y mettre à la moldue. Quelle partie de plaisir.
Le soleil tapait dur et si bien l'endroit était décidément idyllique cela n'enlevait en rien le charme aux moustiques, ni aux cloques...ni aux tours de reins. Personne là, ne maniait pelle et pioche au jour le jour...ils seraient fins au coucher du soleil...Crâmés, piqués et courbatus.
Il dut rescaper son adorée qui s'était tordu la cheville et l'amener chez Dess pour faire soigner le bobo. Mrs. Green n'hésita que peu à interroger Angel sur les faits de la nuit précédente mais la jeune fille ne pipa mot. La sorcière finit par se douter de quelque chose en les voyant échanger des regards éloquents et Preston ne douta pas qu'il ne tarderait pas à passer un interrogatoire semblable.

Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de leur dire tout ce qu'il s'est passé...en plus, ça raviverait des souvenirs et je tiens à mes dents...si De Brent me met le grappin dessus...suis bon pour un mauvais quart d'heure!

Il rigolait tout en accommodant Angel à l'ombre, la journée était finie pour elle. Un peu de repos ne lui ferait aucun mal...et à lui non plus. Installés dans leur coin paisible, ils regardèrent les enfants jouer, insouciants...pour eux ce n'était qu'un beau jour à la plage.

Je ne me plaindrai jamais de ma chance, soupira t'il, ravi, en embrassant Angel, c'était déjà merveilleux de te retrouver à bord, quand je m'y attendais le moins...voir disparaître Ben a été un soulagement...mais ça...ça c'est un miracle. Toi et moi à jouer à Robinson Crusoe...et Camilla, à cracher du feu à l'autre bout du monde...

L'idée le fit rire de bon cœur mais déjà les explorateurs revenaient de leur périple. Aux dernières nouvelles il n'y avait pas âme qui vive aux alentours immédiats.

*Et moi qui pensais que les îles désertes c'était bon pour les romans!*

Pas qu'il eut envie de quitter ce paradis mais il fallait quand même penser que les provisions fraîches ne dureraient pas beaucoup de temps. L'idée de devoir chasser ou pêcher ne lui déplaisait pas, ce serait même amusant...mais pas à long terme. Le futur qu'il avait envisagé était tout autre....il y avait encore beaucoup de choses à raconter en ce monde comme pour rester, sous les palmiers, à voir passer les jours et compter les étoiles le soir. Angel était la fille parfaite mais il se doutait bien qu'elle n'accepterait pas une situation irrégulière...à moins d'une intervention divine, Preston voyait venir des longues fiançailles au Paradis...et s'imaginait déjà en train de partager les quartiers avec Manu Leroy...

*Cela renforce l'esprit, mon vieux!*

Conforté par cette pensée pleine de positivisme, il s'en alla quérir sa camera, dignement sauvée des eaux et se mit à la tâche d'immortaliser cette singulière aventure.

Ça fera des beaux souvenirs pour nos enfants! Si on leur raconte ça...ils nous prendront pour des fous!

Un baiser sur son nez rougi de soleil, un premier plan souriant...le regard rêveur!