Le Nutella. L'invention la plus intelligente de l'histoire des moldus. Depuis la première fois qu'elle y avait goûté chez sa voisine - pas celle avec le chat, l'autre qui avait toujours des coiffures bizarres -, la jeune sorcière était devenue totalement fan de cette pâte à tartiner aux noisettes. Elle avait soudainement mieux compris pourquoi les moldus l'aimait tant et s'était promit de s'y convertir au plus vite. Ce qu'elle avait d'ailleurs eu une étrange facilité à faire... Chaque matin maintenant, elle prenait sa dose de Nutella qui la mettait en forme pour toute la journée ! (comme quoi la publicité est pas toujours mensongère). Sans oublier bien entendu le verre de jus d'orange qui va avec (c'est plein de vitamines ce truc). Mais ce jour-là, c'était rupture de stock dans les placards de la cuisine. Alors forcément, Stella était énervée, énervée contre elle-même et contre les placards. Elle aurait très bien pu lancer un sort pour les remplir en deux temps trois mouvements, mais vu son humeur actuelle elle avait peur de tout faire exploser à la place, ce qui ne serait pas très pratique avouons le. Elle avait donc dû se résoudre à aller faire un tour au supermarché du coin de la rue. Pourquoi n'existait-il pas des magasins spécial sorciers ? Oui bon, le Chemin de Traverse et Pré-au-Lard, c'était bien sympa, mais aucunes boutiques ne vendait du Nutella ou du jus d'orange là-bas, leur spécialité c'était surtout la citrouille, et pourtant ces produits étaient plus qu'essentiels à la vie de la Membre de l'Ordre en ce moment.
Le plus énervant dans cette histoire, c'était sans doute de devoir attendre patiemment son tour à la caisse, après avoir fait tout les rayons à la recherche de la si convoitée nourriture. Il y avait trop de monde. Beaucoup trop de monde même. En particulier pour un mercredi matin. Ils faisaient rien d'autre de leurs journées que de traîner dans les supermarchés ou quoi ces moldus ? Et elle ne pouvait utiliser aucun sortilèges pour la sortir de cette foule. Ce n'était pas tellement le nombre de personnes autour d'elle qui la mettait sur les nerfs, mais plutôt cet adolescent stupide quelques mètres plus loin, qui s'amusait à faire de grandes flammes avec son briquet en riant comme une chèvre (oui les chèvres ça rigole des fois). Elle détestait le feu. Pire, c'était une vraie phobie. Rien que pour cette petite flamme elle aurait pu sortir en courant du magasin, mais elle n'était pas venue ici pour rien non plus.
Enfin, ce fut à son tour de passer à la caisse, et elle faillit même passer quelques gallions à la caissière, se rattrapant de justesse en prenant quelques pièces dans sa ''poche spéciale argent moldu''. Ils se compliquaient trop la vie avec leurs longs tickets avec le prix de l'achat, le prix donné par l'acheteur, le prix redonné par le vendeur, les économies que l'acheteur faisait sur le prix de l'achat... Trop de textes. Puis trop de chiffres. Ça servait à rien ce bout de papier de toute manière. Mais Stella ne s'en formalisa pas et, lançant un dernier regard meurtrier à l'adolescent au briquet, elle se pressa de sortir à l'extérieur (elle va pas sortir à l'intérieur vous me direz...). L'air pur britannique. Y a rien de mieux. Londres était loin d'être la ville du soleil, c'était plutôt même la capitale du mauvais temps, mais elle aimait ça elle, la fraîcheur et les gouttes d'eau. Des fois le beau temps c'est sympa, mais à trop grande dose non merci ! Puis son teint lui convenait parfaitement, pas besoin d'aller bronzer où que ce soit.
Son précieux sac dans les mains, ses cheveux blonds détachés et ondulés, elle marchait joyeusement dans les rues bien agitées de la capitale, ne faisant pas vraiment attention où elle marchait. Elle n'évitait aucun piéton et c'était plutôt eux qui devaient se pousser pour qu'elle ne leur rentre pas dedans avec elle. Comme à son habitude, elle chantonnait tout bas, un air... en fait impossible de dire ce que c'était. Sans doute un mélange de toutes les chansons qu'elle avait pu entendre à la radio sorcière ce matin-là. Du pur n'importe quoi autrement dit.
Mais le calme - si on peut appeler ça comme ça - ne fut que de courte durée. Elle n'était qu'à une vingtaine de mètres de son immeuble quand le choc se produit. On devait s'y attendre, elle eu le droit de se prendre un jeune homme de pleine face, faisant tomber son sac au passage, alors que des morceaux de verres et de la boisson s'étalaient déjà au sol.
L'horreur. Totale même. Elle avait attendu tellement longtemps pour se procurer sa célèbre pâte à tartiner et son jus d'orange vitaminée et voilà que.. plus rien ! Tout venait de se finir sur le sol en béton. C'était fini. Plus aucun espoir d'avoir la forme aujourd'hui. Elle voulait mourir. Son air trahissait son désespoir, son étonnement, et aussi sa profonde tristesse. Il faut la comprendre, elle avait vraiment du mal à encaisser le coup là. En plus elle ne s'était toujours pas excusée auprès de l'inconnu - ou pas. Et elle ne comptait pas le faire, il avait détruit sa journée quand même ! Et oui, hors de question qu'elle admette que c'était de sa faute s'ils s'étaient rentrés dedans.

- Regardez ce que vous venez de faire ! C'est horrible ! L'argent ça tombe pas du ciel hein, et ça coûte cher ces trucs là ! Je demande à être rembo... Ah... mais.. que...?

Elle venait de relever la tête vers celui qu'elle avait bousculé, se rendant soudainement compte que ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait finalement. Perturbée, elle retrouva cependant rapidement ses facultés mentales et, affichant un grand sourire digne d'elle-même, continua sur sa lancée :

- Ah... hum... Drew ? C'est toi hein ? J'hallucine pas ? Hum... d'accord... laisse tomber pour le remboursement alors. J'irais me plaindre au magasin. C'est satisfait ou remboursé de toute façon.

Oui, elle s'énervait pour un rien. Oui, elle était passée pour une idiote à crier de la sorte en pleine rue londonienne. Oui, elle s'en voulait quand même un peu de s'être mise en colère contre Drew. Et oui, elle avait franchement besoin d'un bon remontant.
Mais en tout cas, elle ne manqua pas le sourire qu'affichait l'Auror en face d'elle, plutôt amusé par la situation on dirait. Ça lui apprendra à regarder devant elle quand il faut. Maintenant il se moquait d'elle ! C'était juste parce qu'elle était perturbée qu'elle lui avait posé cette question stupide du ''Est-ce que c'est toi ?'', une sorte de rhétorique en fait. C'était même pas marrant en plus ce qu'il racontait... à moins que ce soit le manque de vitamines dans le sang qui faisait qu'elle perdait de son sens de l'humour. Possible. Et contrairement à ce qu'il disait, ça l'intéressait au contraire énormément de savoir quelle tête il pouvait avoir au réveil, au moins elle pourrait elle aussi rigoler un peu.

- C'était. Tu vois bien qu'il est mort maintenant.. Paix à son âme. Et c'était pas du Natu.. Netu.. enfin c'était pas ça, c'était du Nu-tel-la.

Elle insista bien sur les trois syllabes, alors qu'elle poussait un léger soupir, excédée qu'il ne connaisse même pas le nom exact de cette invention moldue hors normes. Maintenant qu'elle avait identifié celui qu'elle avait percuté, son regard se posa de nouveau sur le pot en morceau et la brique de jus d'orange écrasée. Elle en aurait presque les larmes aux yeux.. Quelle fin tragique, ici en plein milieu de Londres, sans que personne ne se soucie d'eux. Elle espérait ne pas avoir à mourir de cette manière, aplatie sur le béton. Mais à moins qu'elle soit prise d'une envie de suicide pressante et qu'elle se jette d'un immeuble, il y avait peu de chances que ça se termine comme ça. Quoi qu'un sort devait bien exister pour rendre ce résultat... elle préférait pas le savoir.

Ils gênaient ? Vraiment ? Et bien tant pis ! Les autres n'avaient qu'à trouver un autre chemin, elle ne comptait pas abandonner ce pot mort et cette brique.. morte elle aussi, alors qu'en moins de deux ils se ferraient sans doute écraser - encore une fois - par cette horde d'inconnus. C'était un insensible ou quoi ? Il leur fallait un enterrement digne de ce nom, et comme elle n'avait pas de jardins à disposition, il allait falloir qu'elle trouve un cimetière avec une place de libre. Avant ça elle devrait aussi trouver un cercueil... oh et puis une boite à chaussures ferait l'affaire. Tant pis, elle les enterreraient tout les deux ensemble, au moins ils se sentiraient moins seuls à deux – logique.
Mais son envie de leur donner des funérailles extraordinaires disparut aussi vite qu'elle était venue quand elle entendit le sorcier prononcer, bien qu'avec les mauvaises lettres à la mauvaise place, le nom de cette pâte à tartiner magique bien qu'elle ne vienne pas des sorciers. Et c'est ça qui était magique en fait... oui bref. Ses yeux verts se posèrent instinctivement sur lui, alors qu'elle répliquait rapidement tant que ça lui trottait dans la tête :

- Nutella ! Va vraiment falloir que j'te donne des cours sur la mode culinaire du moment toi... ça devient urgent.

Et tant qu'elle y était elle irait tout les jours chez lui pour préparer à manger c'est ça ? Non, généreuse peut-être mais pas à ce point. En plus, elle était loin d'être douée en cuisine, et il suffisait juste de quelques sorts et le tour était joué, le travail se faisait tout seul ! Pratique, j'avoue. Comme pour le ménage, et pour la vaisselle, et pour le repassage, et pour... On va s'arrêter là je crois. Et même si d'apparence la magie était le don le moins encombrant du monde, c'était loin d'être le cas. On avait toutes sortes de règles à respecter pour pas se faire repérer, des batailles à gérer, un clan à décider... l'horreur totale. Mais passons, c'était pas le sujet du moment.

- Qu'est-ce que t'attends si on dérange tant que ça ? Puis si ils ont du Nutella, faut y aller, vite !

Une vraie droguée, et ce n'était pas qu'une façon de parler. Vous me direz, c'est toujours mieux que de prendre des substances illicites ou qu'être alcoolique. Ça lui arrivait de temps en temps quelques verres bien sûr, comme tout le monde, mais elle préférait largement la nourriture. Et le meilleur dans tout ça, c'est qu'elle ne prenait pas un gramme, toutes ses calories étant bien vite dépenser vu son surplus d'énergie constante qu'elle extériorisait de n'importe quelles manières.
Et comme elle n'avait à présent plus de sacs dans les mains et que le pot écrasé était totalement oublié, en faveur de l'autre qui l'attendait à l'autre bout de la rue, elle ne se gêna pas pour prendre le bras du sorcier et l'entraîner quelques mètres plus loin afin qu'ils traversent la route en toute sécurité. Les piétons avaient beau être nombreux, les voitures aussi, et si on ne faisait pas attention on risquait à tout moment de se faire écraser. Après, il suffisait juste d'avoir de bons réflexes.

- Alors comme ça t'es en pleine mission ''remplissage de frigo'' toi aussi ? J'aurais jamais pensé te croiser ici, en pleine rue... surtout pas de cette manière en fait.

Et pourtant, ça arrivait bien plus souvent qu'on ne le pensait, ce genre de choc frontal. C'était sans doute parce qu'elle n'était pas encore complètement réveillée. Si ça avait été le cas elle aurait déjà recommencer à chanter et s'improviser une danse en plein milieu de la route, mais elle n'avait pas eu le droit à son petit-déjeuner, normal qu'elle soit encore un peu inactive. Et oui, elle n'était même pas à son maximum d'énergie là !

- C'est moi qui invite ! J'aime bien utiliser leur argent, j'trouve ça marrant.

Mieux valait ne pas préciser ''argent moldu'', sinon on allait la fixer bizarrement. Mais si Andrew était un minimum intelligent – ce dont elle ne doutait pas – il ne devrait pas mettre trop de temps à comprendre de quoi elle voulait parler.

- Tu savais qu'ils utilisaient du papier pour payer leurs achats ? Ils appellent ça des billets. Et dessus on voit la tête de la reine d'Angleterre.. c'est bizarre non ? J'suis sure que je rendrais bien moi aussi sur un billet.

Et tout en parlant, parlant, parlant, elle le tirait par le bras pour l'entraîner vers la fameuse terrasse, jusqu'à y arriver et prendre place sur une des chaises les plus proches, le laissant s'installer lui aussi. Son sourire ne la quittait pas alors qu'elle replaçait l'une de ses mèches blondes et passait un regard circulaire sur ceux qui se trouvaient également présents dans le coin. Autrement dit, pas grand monde. La plupart des non-sorciers travaillaient à cette heure, ou plutôt se rendait au travail. Ce qui était bien de faire partit de l'Ordre et rien d'autre, c'était qu'on avait pas vraiment d'horaires fixes. Certains n'appréciaient pas de pouvoir se faire réveiller en plein milieu de la nuit, mais elle trouvait ça beaucoup plus amusant que de toujours savoir à quelle heure on commençait à travailler, et à quelle heure on rentrait chez soi. Il viendrait bien entendu un moment où elle devrait se trouver un boulot elle aussi, mais pour l'instant l'argent que ces défunts parents avaient laissé lui était grandement suffisant.