Jurei venait de terminer un concert dans un pub londonnien d'un quartier pas très bien fréquenté. Il errait au hasard des ruelles depuis un certain temps quand une statuette horrible posée sur un rebord de fenêtre finit par lui mettre la puce à l'oreille. Soit tous les gens de l'arrondissement avaient très mauvais gout en matière de décoration, soit il tournait en rond.
Il soupira et s'assit sur les marches d'un porche en prenant garde à ne pas abimer la guitare qu'il trimballait sur son dos. Le plus simple aurait été de transplaner. Au moment où il s'en convainquait, des ricanements d'hommes passablement ivres s'élevèrent un peu plus loin.

_ Ca ne me dit rien qui vaille, marmonna le Serdaigle en s'apprêtant à reprendre son errance.

Malheureusement, dans le brouillard de leur alcoolisme aigu, les fêtards l'avaient répéré.

_ Hhheeeyy ! Machin ! Viens voir.

Jurei eut le temps de les compter avant de se détourner pour marcher dans la direction opposée. Sept contre un. Si encore il avait pu faire usage de la magie, ca aurait été mais là... Mieux valait faire profil bas.

_ Heeeeeeeeeeyyy ! brailla l'inconnu comme s'il n'était pas trois heures du matin et qu'il ne se trouvait pas dans une zone résidentielle.

Le jeune sorcier hata le pas.

_ Va me le chercher, entendit-il rugir derrière lui.

Zut ! L'un d'eux étaient encore en état de courir. Il ne tarda pas à rettraper Jurei qui n'avait pas modifier son allure en conséquence et l'empoigna son blouson de cuir au niveau du col. Avec une haleine de cheval, il lui souffla :

_ Hey, Kurt Cobain. Y a mon pote qui veut t'dire deux mots.

_ Est-ce que ces mots sont "au" et "revoir" ? demanda Jurei dans un élan d'inconscience.

Le type eut l'air de réfléchir mais il renonca bien vite à l'effort. Peut-etre que le trait d'humour lui reviendrait-il demain, quand il aura décuvé. En attendant, il l'emmena de force vers ses camarades qui s'étaient arrêtés au milieu de la rue déserte.

_ Dis-donc t'es bouché, le musicos ? Répond quand on t'appelle ! grogna celui qui semblait être le chef de leur joyeux clan scout. Bon allez, tu connais l'histoire. Porte-feuille, portable, MP3...

Jurei resta un instant interdit. Il n'avait rien de tout ca sur lui. Il ne savait même pas ce qu'était un "Aimepétrois". En signe de bonne volonté, il retourna néanmoins les poches de son jean. Deux gallions d'or en tombèrent. Le gros plein de soupe se baissa non sans mal pour les ramasser et les examina à la faible lueur du lampadaire.

_ C'est quoi ? Des pièces en chocolat ?

Un autre s'approcha :

_ T'es pas anglais ? Tu comprends pas c'qu'on t'dit, mon frère ?

Outch ! Celui-la avait bien plus bu que les autres. Le Serdaigle poussa un petit soupir de désespoir et entreprit de se sortir de ce bourbier :

_ Ecoutez les gars, je n'ai pas d'argent sur moi. Je n'ai pas de téléphone non plus. Perdez pas votre temps. Allez plutot racketter les mecs à la sortie du metro.

_ Tu nous prends pour des buses ou quoi ? Tout le monde a un portable ! Vas-y, lache-le, fais pas ta pince ! Y va t'arriver des bricoles sinon...

La première menace était lancée. L'un des gaillards sembla juger que leur proie mettait trop de temps à s'exécuter car il abattit sa lourde paluche sur son épaule et le forca à se défaire de sa précieuse guitare. Comme le Sorcier se rebellait, un compère lui assena un bon coup de genou dans l'estomac. Jurei se plia en deux en étouffant un cri. Enfoirés de moldus ! S'ils savaient la chance qu'ils avaient qu'il ne se defende pas comme on lui avait appris a le faire...
Les prédateurs ricanèrent en observant ses faibles tentatives de défense puis d'attaque. Pourtant, Jurei était puissant... avec une baguette. Il était rapide... sur son balai. Il était respecté... dans son monde. Mais ici, dans le Londres des êtres ignorant le pouvoir d'un tiers, il n'était qu'un jeune homme un peu trop maigre. Au fond de lui, il brulait de rage. Cependant, il avait assez de volonté et de self-control pour les laisser s'en tirer en embarquant son instrument chéri. Il respectait les regles, il ne tenait pas a être viré de Poudlard et...
*CRAAAAAC*
L'un des voyous venait de fracasser la guitare contre une poubelle débordante d'immondices.

_ Oups, lacha-t-il avec cruauté en haussant les épaules.

Jurei se releva lentement et tira sa baguette jusque la rangée soigneusement à l'intérieur de son blouson. Ils pouvaient la prendre, pas la casser. Pas la casser. Perdant totalement la maitrise de lui-même, il pointa son arme d'apparence désuete sur le coupable. Ses prunelles sombres étaient chargées d'eclairs et son visage avait perdu toute trace d'humanité.
Ne comprenant bien sur pas la dangerosité de la situation, les jeunes gens se mirent à ricaner.

_ Qu'est-ce que tu comptes faire avec ta brindille ? Faire apparaitre un lapin ?

Alors le Serdaigle ouvrit la bouche et...

< - Expelliarmus ! >

Le sort était venu de nulle part. Démuni de sa baguette, Jurei regarda l'inconnu approcher. Il avait à présent retrouvé toute sa constance. Il laissa son "sauveur" immobiliser les saoûlards interloqués. Quand il entra dans l'auréole de lumière jaunâtre du réverbère le plus proche, le Serdaigle put distinguer son visage et le reconnut. Personne n'était aussi aisément identifiable dans le Monde des sorciers. Harry Potter, l'élu. Il était de quelques années seulement son aîné. Il était déjà membre de l'équipe de Quidditch quand ils avaient joué contre Harry et les Gryffondor. Cependant, ils ne s'étaient jamais adressés la parole.
Quand le jeune homme lui tendit sa baguette, il s'en saisit et souffla d'un air coupable :

_ Merci, Harry.

Il hésita sur l'attitude à adopter ensuite. Un vouvoiement gênant mais respectueux ou un tutoiement familier ? Il se décida pour la marque de respect tant que son interlocuteur ne l'aurait pas autorisé à l'abandonner.

_ Moi c'est Jurei... Fairshield.

Au cas où l'élu ne se souviendrait pas de lui - ce qui était forcément le cas vu le nombre impressionnant de personnes qui l'entouraient et qui, elles, lui parlaient - il poussa un peu plus loin sa présentation :

_ Vous avez raison, je suis encore à Poudlard, en dernière année dans la Maison de Serdaigle.

Il rangea sa baguette à l'intérieur de son manteau et repensa à la discussion qu'il avait eu avec ses parents lorsqu'il avait appris que Harry allait être jugé au tribunal de la justice magique lorsqu'il avait fait usage de la magie devant des moldus pendant sa scolarité. Idriss et Maggie Fairshield, membres du Magenmagot, avaient eu à se prononcer sur la sentence. Heureusement, le seul soutien d'Albus Dumbledore avait suffit à les convaincre tous les deux que le jeune garçon n'avait pas eu d'autres choix et ils avaient voté non-coupable, contre l'entreprenante Dolores Ombrage qui ne leur avait puérilement plus adressé la parole, autrement que pour les civilités d'usage au détour d'un couloir et en public, depuis ce jour.
Quand Jurei s'imagina un instant à la place d'Harry devant ce tribunal, il eut soudain honte. Lui n'avait pas eu à éloigner des Détraqueurs... Il avait juste voulu se venger de moldus qui avaient cassé sa précieuse guitare.
Il se pencha pour ramasser le manche cassé en deux et, le coeur serré, il répondit à la question :

_ Elle est détruite. C'était un cadeau de mon parrain. J'ai laissé la colère me submerger et j'ai eu tord. Rowena Serdaigle ne serait pas fière de moi. J'ai honte maintenant...

Il passa une main dans ses cheveux et croisa le regard clair d'Harry. Il se sentait mal. Non seulement l'élu avait été témoin du seul moment de faiblesse de sa vie, mais en plus il culpabilisait parce que malgré la profonde tristesse dans laquelle le plongeait les miettes de sa guitare répandues sur la chaussée, il n'avait qu'une seule envie : poser des questions à son "sauveur". Des questions sur différents éléments qui s'étaient passés dans qu'il avait eu à combattre le Seigneur des Ténèbres. Toutefois, ces questions étaient loin d'être similaires à celles que tout le monde se posait au sujet du jeune homme et il y a fort à parier qu'elles l'auraient étonné s'il avait eu la force de les lui poser... Oh et puis, au Diable la retenue !

_ Est-ce que... Vous avez déjà fait un vol en hippogriffe ?

Il se sentit tout de suite honteux d'avoir posé la question mais il y avait été poussé pour sa passion dévorante pour les créatures magiques. Sa tempe et sa lèvres portait encore la marque administrées par le saule cogneur alors qu'il avait masochistement tenté de l'étudier de plus près. En réalité, sa première intention avait été de lui demander à quoi ressemblaient les Sombrals ou alors comment était le Basilic que sa légende disait qu'il avait rencontré. Mais il se dit que c'était peut-être mieux de commencer par quelque chose qui n'avait pas rapport avec la mort ou avec les rudes épreuves qu'il avait du affronter.

_ Excusez-moi, c'est... Je suis toujours comme ça. Vous n'êtes pas obligé de répondre. Vous étiez peut-être en mission pour les Aurors ou, je ne sais pas...